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04/02/2011

Saint-Gobain Solar : « La création d'une filière industrielle photovoltaïque est possible en France »

A l'heure où certains s'interrogent sur la manière de créer une filière industrielle capable de rivaliser avec la Chine et l'Allemagne et dans l'attente à la mi-février d'un nouveau dispositif de soutien public au photovoltaïque, Guillerme Huguen, Directeur Général Adjoint de Saint-Gobain Solar reste plutôt optimiste. Dans une interview au Moniteur.fr, il souhaite que l'Etat restaure la visibilité suffisante qui apporterait en partie des réponses au développement d'une vraie filière française.

Comment se positionne Saint-Gobain Solar sur le marché français ?

Nous sommes un acteur récent sur le marché français, mais avec de grandes ambitions : devenir un acteur majeur sur le solaire, et pas uniquement en France. Notre stratégie s'articule autour de trois activités : la fabrication des composants verriers et des miroirs pour l'industrie solaire, la production, à travers la société Avancis, de modules photovoltaïques à couche mince CIS destinés aux intégrateurs de systèmes et aux opérateurs de centrales solaires et enfin la conception-commercialisation de solutions photovoltaïques intégrées au bâti pour les bâtiments résidentiels, tertiaires, industriels et agricoles (Saint-Gobain Solar Systems). L'ensemble a réalisé en 2010 un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de millions d'euros et nous tablons, cette année, sur une progression de plus de 50% malgré les difficultés conjoncturelles, en nous développant sur les marchés résidentiel et non résidentiel, avec toutefois une orientation plus soutenue sur le premier.
Après le lancement de la construction d'une deuxième usine Avancis en Allemagne en juin 2010, vous avez signé un partenariat avec Hyundai Heavy Industries en Corée pour construire un troisième site de panneaux photovoltaïques (opérationnel au 2ème trimestre 2012). Pourquoi ne pas produire en France?

Nous n'avons pas écarté définitivement cette hypothèse, notre décision sera fonction de la visibilité donnée par le gouvernement et de l'évolution globale du marché français. Par ailleurs, nous sommes convaincus que notre produit Powermax d'Avancis (module solaire à couche mince CIS), répondrait parfaitement aux spécificités architecturales et climatiques françaises
Comment pensez-vous acquérir une position forte sur le marché ? Et en même temps, fermer le marché aux importations chinoises ?

Saint-Gobain Solar a fait des choix stratégiques qui devraient être payants à terme. Le groupe a parié sur les couches minces utilisant la technologie CIS (Cuivre - Indium -Selenium). Cette technologie de pointe, qui permet de nous affranchir du traditionnel silicium cristallin (dominant à plus de 85% le marché mondial), offre un rendement proche de celui des cellules de silicium polycristallin, tout en étant nettement moins chère. C'est donc ce choix technologique qui pourra nous protéger de la fabrication chinoise à bas coût. Dans la même logique, l'adaptation du photovoltaïque à l'habitat sous forme de tuiles que nous développons, fait aussi partie des solutions qui nous protègent de la concurrence à bas coûts. Le soutien qui favorise l'intégration au bâti, permet de développer en France un savoir-faire unique qui répondra à la demande nationale. Sur cette activité, nous sommes d'ailleurs le premier fabricant européen. Par ailleurs, Nous avons aussi décidé, cette année, d'intensifier nos investissements dans un programme d'innovations lourd. Notre ambition est de lancer régulièrement des nouveaux produits.
Sur quoi porte votre recherche ?

D'abord sur la réduction des coûts des produits pour être davantage compétitif. On travaille sur des modules et des tuiles photovoltaïques mieux intégrés au bâti, plus esthétiques, plus faciles à installer, posés en un jour par exemple, mais aussi sur des produits plus légers pour répondre au marché des toitures d'entrepôts.
Saint-Gobain Solar Systems vient d'annoncer le renforcement de son réseau de revendeurs-installateurs Solar Pro Partner, créé en 2010 ? Quels sont les objectifs visés ?

Ce réseau européen, nous l'avons lancé pour véhiculer une image de qualité des entreprises membres et les différencier de ces opportunistes peu professionnels avec toutes leurs contre références qui ont porté préjudice au marché. Notre croissance doit se faire avec des professionnels sérieux. C'est pourquoi il s'agit d'un réseau sélectif, ouvert en priorité aux entreprises de 10 à 80 personnes, bénéficiant d'une bonne implantation et notoriété locales et qualifiées QualiPV Bât et Elec. Des partenaires que nous accompagnons dans le développement à travers de nombreux services. De 20 entreprises aujourd'hui, le réseau devrait en compter 40 d'ici fin 2011.
Instituant un moratoire de trois mois sur les aides publiques à l'énergie solaire, le gouvernement va présenter un nouveau cadre de régulation vers la mi-février. Certaines pistes sont envisagées. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons encore des points de désaccord sur les propositions. Tout d'abord, le gouvernement, s'inspirant du rapport Charpin souhaite limiter le volume des nouveaux projets à 500 MW par an ; beaucoup trop insuffisant à nos yeux, nous préférerions un quota entre 800 et 1 000 MW.
Pour les projets de taille moyenne, de 16 à 100 KW, nous sommes favorables à l'instauration d'un système de «corridor» basé sur une baisse du tarif d'achat à chaque fois qu'un volume annuel d'installation est atteint, à l'instar de l'Allemagne. Par contre pour les installations supérieures à 100 KW, l'Etat a fait des propositions, à savoir le recours aux appels d'offres pour installer des centrales solaires au sol et en toiture. Ce système exclurait à n'en pas douter les PME ; à moins qu'il soit possible de regrouper plusieurs projets dans un même appel d'offre et que les critères d'attribution soient équitables. Parmi les mesures que nous aimerions voir mises en place, il y a notamment la révision du mode de calcul de la compensation des surcoûts par la CSPE (Contribution service public de l'électricité) et le financement possible par les certificats verts (comme en Belgique).
Quelles conditions doivent être remplies pour créer une véritable filière industrielle ?

Le principal problème est l'instabilité fiscale et réglementaire. Cette sorte de « stop and go » pénalise l'ensemble de la filière jusqu'aux particuliers qui, même s'ils ne sont pas concernés pour leur installation, ont quand même subi l'effet moratoire (chute brutale de la demande ces dernières semaines).
Les fabricants doivent évoluer dans un environnement stable avec une meilleure visibilité. Il faut que l'Etat ait une politique inscrite sur le long terme, lance des appels à projets industriels avec un potentiel de croissance sur 5 ans et basé sur de vraies compétences spécifiques, - seul critère pour se différencier des producteurs Chinois - et soutienne l'investissement. A l'Etat également de simplifier les procédures de raccordement trop coûteuses et de réduire les délais administratifs. A nous, industriels, d'innover.
C'est à ce prix que l'industrie solaire française existera vraiment et se montrera compétitive aux côtés des leaders mondiaux.

(1) Sur chaque facture d'électricité, les particuliers paient, sous la forme d'une Contribution au service public de l'électricité (CSPE), la différence entre le prix d'achat par EdF de l'électricité photovoltaïque et le prix du marché de l'électricité. Celle-ci s'élève hors taxes à environ 8centimes/kWh.
Source Le Moniteur par Frédérique Vergne

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