Ils étaient les princes du capitalisme. Gorgés d'argent, adeptes des montages financiers acrobatiques, ils étaient en mesure d'acheter ou de lorgner sur n'importe quelle entreprise, même les plus grosses comme les Hôtels Hilton aux Etats-Unis ou Vivendi en France.
"Ils", ce sont les fonds d'investissement géants tels Blackstone, KKR, PAI Partners ou Colony Capital, actionnaires entre autres de Carrefour et du PSG. En particulier ceux spécialisés dans le LBO ("leverage buy out"), cette technique consistant à emprunter massivement pour faire jouer un effet de levier et doper leurs performances financières.
Aujourd'hui, ces fonds, laminés par la crise, ont subi une "double peine". Les sociétés qu'ils avaient rachetées ont pâti de la crise économique. Eux ont été secoués, voire terrassés, par la crise financière. Selon les experts, des centaines de "fonds zombies", dont la valeur serait proche de zéro, seraient en circulation. Près de 30 % des professionnels du secteur pourraient cesser leur activité.
Et après ? L'avenir est incertain. Les investisseurs (les fonds de pension, compagnies d'assurances...) qui ont placé de l'argent dans ces fonds en espérant empocher un haut rendement - de l'ordre de 10 % à 15 % l'an - sont maintenant refroidis. Selon une étude de la société d'investissement Coller capital, datée du 3 décembre, 79 % d'entre eux ne seraient pas prêts à réinvestir dans ces fonds en 2010. "Pour beaucoup, c'est une histoire de "Chat échaudé craint l'eau froide''", commentent les experts de Coller.
Autrement dit, la profession s'étiole peu à peu. Ce qui n'est pas pour déplaire à la plupart des syndicats, qui se sont fermement opposés ces dernières années à l'arrivée de ces nouveaux investisseurs obéissant, selon eux, à une logique financière dépourvue de considérations industrielles ou sociales.
Pour autant, "la messe n'est pas dite, estime Antoine Dréan, chez Triago, un agent de fonds. La spéculation s'applique mal au modèle des fonds de capital investissement, qui sont des investisseurs de long terme. Ceux qui en ont abusé le paient, mais si certains vont disparaître, beaucoup d'autres s'adaptent." Certains, tel l'américain Blackstone, se tournent vers d'autres métiers, plus rentables. Le fonds d'investissement américain se consacre de plus en plus au rachat et à la revente sur le marché de dettes pourries, où, selon les experts, il existe de nombreuses opportunités.
D'autres restent dans leur métier, mais se résignent à brasser moins d'argent, à utiliser moins de dette, et à racheter des entreprises de plus petite taille. C'est le cas du français PAI Partners, connu pour ses déboires avec le fabricant de tuiles Monier et pour avoir racheté peu avant la crise le géant immobilier Kaufman & Broad. Il a ainsi annoncé, le 4 décembre, la réduction de son dernier fonds (PAI V), passé de 5,4 milliards à 2,7 milliards d'euros.
"Il y a eu une surchauffe, c'est un ajustement souhaitable. Les fonds vont gagner moins d'argent, ce n'est pas vraiment très grave", reconnaît Jean-Louis de Bernardy, président de l'AFIC, l'association qui regroupe les fonds d'investissement en France.
Mais ce qui frappe le plus les experts, c'est l'annonce de la prise de participation de 800 millions d'euros du fonds souverain chinois CIC dans le fonds britannique Apax. Pour certains, même s'"il y a encore des PME à restructurer et à "bodybuilder'' en Europe", selon David Thesmar, professeur à HEC, c'est le signe d'une bascule progressive de l'activité vers les pays émergents.
A l'avenir, "les investisseurs en Europe et aux Etats-Unis resteront présents, mais leurs poids sera sans doute moindre au regard d'investisseurs de pays émergents, en Asie, en Amérique latine, ou au Moyen-Orient. C'est là que se construisent les nouveaux surplus d'épargne", conclut Lionel Zinsou, patron de PAI Partners.
Source Le Monde par Claire Gatinois
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