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06/11/2005

ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES VÉREUX


Les arnaques des affairistes de la faillite

La justice enquête aussi à Périgueux sur les pratiques du mandataire judiciaire Jean-François Torelli. Georges Derocles, ancien patron de la chaîne locale Aqui TV, l'accuse d'avoir favorisé un repreneur pour s'emparer à bon compte de sa société, en 1993. « C'est une peccadille, répond Torelli. Qu'il rembourse d'abord ses dettes. » Toutefois, le mandataire pourrait venir grossir le bataillon des professionnels de la faillite déjà sanctionnés, parmi lesquels son ancienne collègue de Périgueux Jacqueline Martin, condamnée en juillet 2005 à quatre ans de prison ferme pour avoir détourné 4 millions d'euros d'une cinquantaine d'entreprises entre 1995 et 1997.

En septembre 2004, à Nevers, l'ancien mandataire judiciaire Jean-Jacques Blin a écopé d'un an de prison ferme. Il prélevait sa dîme sur les ventes d'actifs des sociétés qu'il liquidait. A Lyon, la cour d'appel a condamné à cinq ans de prison ferme Yves Euchin, ex-mandataire judiciaire stéphanois reconnu coupable d'avoir laissé dormir sur des comptes bancaires jusqu'en 1998 des fonds qui auraient dû revenir aux sociétés en difficulté dont il avait la charge. Ces trois professionnels ont fait appel.

« Et nous avons des centaines d'autres affaires à sortir », affirme Didier Loisel, un ancien patron bourguignon qui a créé en 1999 la Confédération nationale des entreprises à taille humaine, afin de centraliser les plaintes à l'égard des mandataires et des administrateurs. Cet ancien banquier raconte d'ailleurs les plus croustillantes dans un ouvrage rédigé avec François Bourlet, Arrêtons le jeu de massacre. Le député socialiste Arnaud Montebourg confirme : « Je reçois toujours autant de courriers de commerçants et d'artisans. Les dérives continuent, puisqu'il n'y a pas eu de réforme. »

Dans son rapport parlementaire de 1998, l'élu de Saône-et-Loire avait pointé du doigt les fraudes caractérisées, mais aussi les rémunérations extravagantes des administrateurs et des mandataires. Comme pour les notaires, ces montants résultent d'un barème tarifaire complexe fixé par les pouvoirs publics. Il se compose d'honoraires fixes et variables puisés dans la trésorerie de l'entreprise en difficulté. En juin 2004, le garde des Sceaux, Dominique Perben, visiblement soucieux du bien-être de la profession, a choisi de les augmenter en permettant, entre autres, aux administrateurs et aux mandataires de prélever 0,35 % du chiffre d'affaires des grosses sociétés dont ils ont la charge, contre 0,1 % précédemment. Ils n'étaient pourtant pas vraiment dans le besoin. Les premiers émargent en moyenne à 20 000 euros par mois et les seconds, à 22 500 euros, d'après les chiffres 2001 fournis par le ministère de la Justice. Et selon l'Union nationale des associations agréées (Unasa), un quart d'entre eux gagnent environ 30 000 euros mensuels.

Ces rémunérations sont critiquées jusque dans les rangs de la majorité. Dans un avis déposé en mai dernier, le sénateur UMP Philippe Marini regrette qu'elles ne « prennent pas en considération la qualité des prestations fournies ». Evelyne Gall-Heng, présidente du Cnamj, reconnaît les imperfections du barème mais considère qu' « une rémunération élevée est nécessaire au vu de l'importance des responsabilités et des fonds à gérer ». Elle revendique aussi plus de pouvoir disciplinaire. Mais depuis que la loi lui a donné le droit, en 2004, de saisir la commission de discipline nationale, le Cnamj n'a usé du bâton qu'à une occasion, pour une bagarre à coups de poing entre deux mandataires !

Par ailleurs, des contrôles internes sont régulièrement organisés, mais ils ne parviennent pas à déceler à temps les malversations. Ainsi, l'étude Goulletquer, administrateur judiciaire à Nanterre, avait été contrôlée peu avant d'être soupçonnée d'un détournement de 30 millions d'euros. Les administrateurs et les mandataires ont mis l'éthique au menu de leurs états généraux du 8 décembre prochain. Le travail ne manquera pas.

Source L'Expension par Gilles Tanguy




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