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03/11/2024

180 plans sociaux et 6,1 % de déficits publics : comment Sophie Binet étrille le bilan d’Emmanuel Macron

Forte d’une carte de France des 100 000 emplois menacés dans l’industrie en arrière-plan, Sophie Binet a donné le ton de sa conférence de presse de rentrée, ce vendredi 18 octobre. « La CGT recensait 140 plans de liquidation de l’emploi en mai dernier. Nous en dénombrant désormais 180, malgré des victoires à Metex ou Durlex », tance la secrétaire générale de la centrale de Montreuil.

À l’image du combat des MA France depuis 6 mois, la cégétiste prévient « de la fin de la filière automobile en France, si on laisse faire les donneurs d’ordre. » Pour Sophie Binet, la transition à l’œuvre de la thermique vers l’électrique ne justifie pas cette saignée de l’emploi : « Renault vient d’arrêter la production de la Zoe à Flins pour délocaliser la production en Roumanie. La politique de maximisation des marges, par les actionnaires, mène la filière automobile dans l’impasse. »

Avec un impact concret sur d’autres secteurs d’activité, comme le verre et céramique, « ou 50 % de la capacité de production est à l’arrêt, avec à la clef du chômage partiel. » Cette séquence sociale éprouvante laisse des séquelles concrètes chez les salariés. Ainsi, chez Milee, où 10 000 emplois du spécialiste de la livraison de prospectus publicitaire placé en liquidation judiciaire sont en jeu, « une salariée s’est vu retirer la garde de ses enfants, faute de revenu. »

Échec total de la politique de l’offre

Sophie Binet impute cette véritable saignée de l’emploi à l’actuel locataire de l’Élysée. La secrétaire générale pointe « l’échec total de la politique de l’offre d’Emmanuel Macron, soi-disant justifiée par des réussites industrielles », dont l’objectif d’attirer des investisseurs étrangers s’est transformé en grand coup de communication, avec l’organisation des événements Choose France.

« C’est une réussite, la France est attractive pour les investissements étrangers : on le voit avec Sanofi qui vend Doliprane à des fonds d’investissement. Ces derniers viennent en France pour acquérir les brevets puis s’en vont », ironise la cégétiste. Faute d’une politique industrielle cohérente, la numéro une de la centrale de Montreuil appelle à un moratoire sur les licenciements, « comme on a su le faire durant le covid », en ayant recours à l’Activité partielle de longue durée (APLD).

Binet plaide pour de nouvelle recette, en taxant le capital

Sur le plan budgétaire, alors que la bataille s’engage dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale lundi 21 octobre, Sophie Binet a pointé le second revers de la médaille de la politique de l’offre menée par les macronistes, gavée d’aides publiques sans condition en faveur des entreprises : un déficit de 6,1 % des finances publiques.

Alors que 40 milliards d’euros d’économie sont prévus dans les dépenses de l’Etat, des collectivités et de la protection sociale, la secrétaire générale de la CGT déplore « que le monde du travail soit l’éternel perdant, après avoir subi une violente réforme des retraites. » Dans son viseur notamment : les 5 milliards d’économies prévues sur le dos des collectivités « pourtant premiers investisseurs dans les territoires » et les 4 000 suppressions de postes chez les professeurs de l’Éducation nationale.

Mais aussi la suppression annoncée de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa), une prime versée aux fonctionnaires pour limiter leurs pertes de rémunération liées à l’inflation. « On demande au monde du travail de passer à la caisse, mais nous ne sommes pas responsable des 1000 milliards de dette nouvelle depuis 2017 », tance la cégétiste, qui rappelle que depuis le Covid, « 5000 lits par an ont été fermé.»

Pointant les risques récessifs d’un tel budget, « la CGT appelle les parlementaires à refuser les reculs et à se tourner vers le chemin des recettes fiscales, en taxant notamment les dividendes et les rachats d’action de façon non cosmétique », propose Sophie Binet, qui revendique par ailleurs de « couper dans les aides versées aux entreprises qui ont démontré leurs inefficacités, comme le crédit impôt recherche. »

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Dans ce contexte difficile, la leader de la CGT s’est félicitée d’avoir arraché au patronat une revalorisation de 1,6 % des retraites complémentaires de l’Agirc Arcco, alors que le gouvernement prévoit de repousser de six mois la revalorisation des pensions du régime général. « C’est cependant en dessous de l’inflation (1,8 %), les retraites souffriront d’une baisse accentuée avec celle du régime générale », nuance-t-elle, alors que la revalorisation de ces dernières seront repoussées au 1er juillet.

Sur ce volet du paritarisme, deux négociations couplées attendent les organisations patronales et syndicales, dès mardi : l’assurance chômage et l’emploi des séniors. Avec un calendrier très court : les discussions doivent prendre fin le 14 novembre, alors que la ministre du travail Astrid Panosyan-Bouvet table sur 400 millions d’euros d’économie sur l’assurance-chômage. « Nous ne pouvons accepter de nouvelles économies sur le dos des chômeurs dans ce contexte de liquidation de l’emploi », prévient Denis Gravouil, secrétaire confédéral.

L’objectif d’abroger la réforme des retraites

Enfin, Sophie Binet a rappelé que l’abrogation de la réforme des retraites demeurait un « objectif majeur », alors que sa centrale multiplie les échanges avec les groupes du Nouveau front populaire au Parlement. Deux fenêtres de tir sont visées : les niches parlementaires à l’Assemblée et au Sénat, ainsi qu’un amendement au projet de loi de Finance de la sécurité social (PLFSS).

Concernant cette seconde option, des amendements pourraient être retoqués d’emblée, selon leurs rédactions, au titre de l’article 40 de la Constitution interdisant de nouvelles dépenses. « Le pouvoir s’est désormais déplacé au Parlement et la présidente de l’assemblée, Yaël Braun-Pivet doit laisser aux députés la liberté de vote », insiste la secrétaire générale de la CGT.

À ce propos, les numéros un syndicaux seront auditionnés ce lundi 21 octobre en commission des finances, à l’assemblée. Un rendez-vous que Sophie Binet présente comme étant « la conférence de finance sur les retraites qu’Emmanuel Macron a toujours refusé de convoquer. »

Source l'Humanité par Naïm Sakhi