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12/08/2023

Dernier fabricant de l'Orne, Laurent Fontaine crée des briques à L'Hôme-Chamondot

Depuis plus de quatre générations, la briqueterie des Chauffetières confectionne des briques à l'Hôme-Chamondot (Orne). Rencontre.

Laurent Fontaine et sa femme Nathalie Fontaine sont les derniers briquetiers de l'Orne.

« J’ai toujours été à la briqueterie. J’ai été imprégné dans l’argile », confie Laurent Fontaine. À 55 ans, il est propriétaire de la dernière briqueterie de l’Orne à L’Hôme-Chamondot (Orne).

Depuis le XVIIIe siècle, ce matériel fabriqué à la briqueterie des Chauffetières a été utilisé au château de Carrouges ou sur plusieurs structures du Haras-du-Pin.

Si l’art artisanal de modeler de l’argile a peu à peu disparu, l’entreprise continue de fournir plus de 30 000 briques chaque année avec des pierres percheronnes.

Un savoir-faire qui se perd

Avec l’arrivée des machines, les entreprises réalisant des briques ont été remplacées par des « usines à briques ».

Cela serait vraiment dommage que notre métier disparaisse. On fabrique des briques comme à l’époque et on n’en fait pas à outrance.

À titre de comparaison, la production annuelle de la briqueterie des Chauffetières équivaut à une journée en usine.

« Chaque brique est unique. On peut laisser notre imagination prendre le dessus sur nos créations. On a différents moules, c’est quelque chose d’important pour nos clients », assure Nathalie Fontaine, l’épouse du propriétaire.

Les briques sont entreposées dans des bâtiments datant du 18e siècle.

Dans les bâtiments, l’argile rouge fabriquée manuellement ou avec des machines datant de plusieurs siècles est disposée sur des centaines d’étagères. « J’ai créé une association pour faire visiter la briqueterie aux curieux. C’est un métier qui passionne les visiteurs et qui permet de donner envie aux jeunes de se lancer dans la profession », affirme-t-elle.

Les briques sont étalés les unes entre les autres dans le bâtiment.

Un métier de passion

Avoir les mains dans l’argile, c’est le quotidien du dernier briquetier de l’Orne. « Je suis devenu passionné par le métier de mon père. C’est une profession difficile et modeste. La personne qui souhaite devenir riche en fabriquant des briques peut vite oublier », s’exclame en rigolant le propriétaire. 

Laurent Fontaine ne travaille qu’à partir du mois d’avril jusqu’au mois de novembre : « les briques sont constituées d’eau, elles peuvent geler durant l’hiver. » Le reste de l’année, Laurent Fontaine occupe une autre activité.

Auparavant, l’argile était récupérée dans une carrière à la pioche, puis transportée à l’aide de wagonnets attachés à des chevaux.

Plus de 70 mètres cubes d'argile sont récupérées.

Depuis sa création, l’entreprise familiale ne s’est arrêtée que deux fois, lors des précédentes guerres mondiales.

Une transmission familiale

La famille Fontaine façonne des briques près de la maison familiale depuis plus de quatre générations. « On n’a jamais eu de coupures dans la famille et on s’est toujours transmis notre savoir-faire », explique-t-il. Avant d’ajouter : « j’aurais pu faire un autre métier, mais j’ai décidé de continuer dans la voie de mon père. » 

Comment est fabriquée une brique ?

Une brique est fabriquée à partir d’argile récupérée dans une carrière proche de la briqueterie. Plus de 70 m² de matières premières sont récupérés pour la production annuelle. Pour créer une brique lisse, l’argile est passée entre différentes machines (distributeur, mélangeur, broyeur) pour pouvoir former un produit de qualité. Jusqu’à la prochaine fournée, la brique repose dans un bâtiment pour pouvoir se conserver plus longtemps. Pour la cuisson, plus de dix mille briques sont superposées dans un four à 1000°C, allumé jour et nuit, pendant plus de cinq jours. Afin de garder une chaleur constante, du bois est rajouté toutes les quatre minutes dans le four. Tout au long de sa création, une brique peut être manipulée jusqu’à plus de dix fois.

Mon arrière-grand-père fabriquait déjà des briques.

Mais en n’ayant aucune perspective de reprise dans sa famille, difficile pour le briquetier de prédire l’avenir : « c’est complexe pour moi de casser cette transmission. Je ne vois pas ça à quelqu’un d’autre, car il faut être passionné et garder notre méthode de travail. Après, j’ai encore quelques années devant moi ! »

Les briques sont façonnés à partir de moules en bois.

Ne pouvant fournir de grosses commandes, la briqueterie des Chauffetières souhaite garder son authenticité en publiant très peu de publicité : « les gens nous connaissent et la majorité des artisans qui ont besoin de briques font appel à nous. On n’a pas besoin d’avoir affaire à de grosses entreprises, car tout se porte bien pour le moment », conclut-il.

Source Le Perche par Sacha Dubesset