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18/07/2022

Dans l'Allier, la pénurie de tuiles empêche la reconstruction après la grêle de juin

Près de Vichy, l'un des bassins les plus touchés par les intempéries début juin, la reconstruction des toitures bute sur le manque de tuiles. Malgré la mobilisation des fabricants nationaux, dont les fours tournent à plein régime, les approvisionnements restent un casse-tête.

Le 4 juin dernier, il aura suffi de quelques minutes et de grêlons plus gros que des oeufs pour détruire entre 40 % et 50 % des toitures du département de l'Allier. Un mois après l'orage, élus et entrepreneurs du bâtiment dressent un constat d'impuissance. « Nous avons rencontré les assureurs, les fédérations de couvreurs, de nombreux artisans et tous nous disent la même chose. Faute de tuiles et de main-d'oeuvre, la reconstruction prendra au bas mot 4 ans. Or, nous sommes face à des situations d'urgence et de précarité qui ne peuvent pas prendre autant de temps pour être gérées », peste Frédéric Aguilera, le maire de Vichy.

Rien que sur sa commune, il doit reloger une soixantaine de familles et probablement bien plus dans les mois à venir. « L'équivalent de plus d'une journée de pluie tombée la semaine après la grêle a détérioré l'intérieur des habitations dépourvues de toiture. Ces gens-là ne pourront pas rester dans leur maison cet automne et cet hiver », prévient-il.

Production en hausse

De leur côté, les fabricants de tuiles arrivent au bout des efforts qu'ils peuvent consentir à court terme. « Nous avons fait monter en puissance les fours et redémarré des lignes qui n'avaient pas tourné depuis une décennie. Cela fait plus de dix ans que nous n'avons jamais autant produit que ces derniers mois. Sur mai, nos volumes étaient de 14 % supérieurs à ceux de mai 2021 », décrit Laurent Musy, président de Terreal, qui compte 9 usines en France spécialisées dans la fabrication de tuiles.

Ce groupe, dont le siège est à Suresnes (Hauts-de-Seine) a réalisé l'an dernier 230 millions d'euros de chiffre d'affaires avec la vente de tuiles. Pour honorer encore un peu plus de commandes suite aux intempéries de juin, il a décidé de limiter ses ventes à l'étranger. « Nous privilégions actuellement le marché national, mais nous ne pouvons pas totalement stopper nos exportations », indique Laurent Musy.

Comme lui, les 4 autres gros acteurs du marché rivalisent d'efforts pour produire plus, mais ce pic de demande arrive dans un contexte déjà difficile. « Le confinement a arrêté des productions, la reprise a ensuite été très forte, puisque nous avons noté une hausse de plus de 15 % de la demande en 2021 par rapport à 2020. Les fabricants ont été forcés de puiser dans leurs stocks pour fournir et même en augmentant leurs capacités, ils ne parviennent pas à satisfaire toutes les commandes », explique Isabelle Dorgeret, directrice générale de la Fédération française des tuiles et briques.

Avec la hausse des prix de l'énergie, la plupart des fabricants ont dû augmenter leurs prix, à l'image de Terreal, qui vend ses tuiles 20 % plus cher cette année. De plus en plus de voix s'élèvent pour demander au gouvernement de se saisir de ce dossier. « Nous avons besoin d'une organisation nationale pour gérer les flux et privilégier la reconstruction d'urgence », plaide Frédéric Aguilera. « Les palettes sur lesquelles sont livrées les tuiles sont consignées. Or, nous notons de très faibles retours ces derniers mois, ce qui laisse penser que des stocks existent encore », s'interroge, de son côté, Isabelle Dorgeret. Reste à trouver qui les retient.

Source Les Echos par Françoise Sigot (Correspondante à Lyon)