Comment l'évolution du cours du gaz, et le contexte international de la guerre en Ukraine, pèsent-ils sur le coût énergétique pour Terreal ?
Nous sommes dans un contexte très particulier en terme énergétique. Nous étions habitués à des prix autour de 15 à 20 € le MWh, avec des variations très contenues, de l'ordre d'un euro par jour. L'envolée des cours du gaz, suivie de celle de l'électricité, a débuté au 2e trimestre 2021, pour atteindre 150 euro; le déclenchement de la guerre en Ukraine a provoqué une nouvelle hausse, avec un pic à 340 € en mars. Aujourd'hui, on oscille entre 100 et 150 euro; mais avec énormément de volatilité, les prix peuvent varier de 10 ou 20 euro; sur une journée. Pour les matériaux de construction en terre cuite, l'énergie représente 20 % dans les coûts de production. Quand on fait face à des prix multipliés par 10, l'impact est évidemment majeur, et la situation est devenue très compliquée sur certaines lignes au mois de mars. C'est ce qui nous a conduit à arrêter temporairement trois de nos 25 lignes, qui représentaient 10 % de notre production, dont celle de Castelnaudary consacrée aux tuiles canal.
Quels sont les leviers à disposition de Terreal pour faire face à cette nouvelle donne ?
On essaye toujours de privilégier l'activité, mais quand on est dans des configurations de prix inéconomiques, on est obligé de prendre des mesures. Aujourd'hui, nous avons repris l'activité sur tous nos sites et nous avons décidé d'une hausse de prix complémentaire pour pouvoir livrer nos clients : le marché de la construction, après le Covid, a assez vite retrouvé son niveau ; nous avons même fait face à un boom de la demande, de 15 %, en 2021. Mais nous avions décidé de ne pas augmenter nos prix ; ces hausses, elles sont donc arrivées en 2022. Nos clients voient ces augmentations depuis l'an dernier, sur des matières comme le bois, les enduits : ils ont commencé à s'ajuster pour les prix pour leurs clients finaux. Sur les chantiers de rénovation, où la fourniture de tuile représente près de 30 % du devis, les couvreurs ont la capacité de modérer ces hausses sur un devis final ; mais ce sera sans doute plus compliqué sur des gros chantiers, de constructions collectives, qui s'étalent sur des durées plus longues.
Ce contexte, les incertitudes en matière de cours et d'approvisionnement, sont-ils susceptibles de mener Terreal à une réflexion massive sur son mix énergétique et le recours au gaz naturel ?
C'est plus qu'une réflexion. Sur le site de Chagny, nous utilisons depuis 2015 du gaz renouvelable (biométhane) issu du traitement des déchets ménager : il représente aujourd'hui 30 % du gaz que l'on utilise. Mais nous avons aussi des projets concrets qui sont en train de s'enclencher sur les 25 lignes. On est en phase d'investissement, notamment sur les sites de Lasbordes et Castelnaudary, où notre centre de recherche est une maille importante, pour aboutir dans les deux à trois ans à venir. Il s'agit d'investissements majeurs, de plusieurs millions d'euros : il faut des sites de taille industrielle pour les absorber, et c'est le cas de toutes nos lignes de production.
Décarboner les procédés de production, c'est un objectif de Terreal, et plus largement de la Fédération des briques et tuiles, qui va publier dans les prochains jours sa feuille de route sur la question, avec des voies multiples : optimiser les procédés actuels, miser sur le biométhane, la biomasse, le photovoltaïque, l'hydrogène, la captation de carbone, ou encore électrifier l'activité de séchage. Pour Terreal, nous avons fixé un premier pas pour 2030, avec la réduction de 35 % de nos usages de gaz naturel, puis de 80 % à l'horizon 2050.
Ce que l'on sait, c'est que le coût de l'énergie va rester à un niveau élevé dans les mois et années à venir. Si l'on y ajoute le contexte de décarbonation, et un gouvernement qui facilite les procédures d'approbation et de validation de nouveaux modes de production, ça va accélérer les choses.