Chez Wienerberger, les géologues tâchent de sourcer les argiles les moins riches en carbonates, donc moins absorbantes et plus faciles à sécher.
Avec 135 lignes de fabrication et plus de 4.500 emplois directs dans l'Hexagone, la filière française des tuiles et briques est la deuxième industrie de terre cuite européenne, derrière l'Allemagne. Autant d'acteurs qui entendent réduire les émissions de CO2 sur l'ensemble de leur chaîne de valeur, depuis l'extraction des argiles, jusqu'à la commercialisation des produits.
Sachant que « le principal potentiel de décarbonation se situe au niveau du séchage et de la cuisson, du fait de l'utilisation de gaz naturel dans ces processus », comme l'indique Isabelle Dorgeret, la directrice générale de la Fédération française des tuiles et briques (FFTB), qui regroupe une trentaine de grands groupes, ETI et TPE-PME, dont des sociétés labellisées Entreprise du patrimoine vivant.
Sur le front des économies d'énergie, les tuileries et briqueteries s'en remettent parfois au gaz de synthèse, issu de la biomasse, comme le fait Wienerberger . Ou encore au biométhane, produit à base de déchets ménagers dans l'usine de Terreal de Chagny, en Saône-et-Loire.
« Sur le site concerné, 20 % de nos tuiles sont produites dans des fours fonctionnant à partir de ce biogaz, ce qui représente une économie de 4.500 tonnes de CO2 par an », explique Martin Piotte, le directeur de la technologie et de l'innovation de Terreal, entreprise qui emploie 3.500 collaborateurs dans le monde et réalise 600 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Récupération des chaleurs fatales
Egalement en usage, la récupération des chaleurs fatales consiste à réinjecter dans le processus de séchage les calories émanant des fours. Un procédé déjà à l'oeuvre chez Terreal (qui a investi 2 millions d'euros dans son premier échangeur thermique), ainsi que dans les quatre briqueteries françaises de Wienerberger, en passe de dupliquer ce modèle dans une de ses tuileries de Bourgogne. Ce groupe d'origine autrichienne, qui tutoie les 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, avec 215 usines dans 28 pays, s'est fixé pour but d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.
Pour ce faire, l'industriel ambitionne aussi de généraliser le recours à des pompes à chaleur à haute température, permettant la production d'énergie grâce à la captation des vapeurs émises par les séchoirs. « La concrétisation de cette technique sera un levier majeur pour notre démarche de décarbonation », note Frédéric Didier, le directeur général de Wienerberger en France.
Toujours sur le volet énergétique, Isabelle Dorgeret souligne qu'est également envisagée l'utilisation d'hydrogène, « à plus long terme, lorsqu'il sera disponible en quantité suffisante », dit-elle. D'ailleurs, la FFTB mène des travaux de R & D sur la cuisson via l'hydrogène, cela avec l'Agence de la transition écologique (Ademe). Pour sa part, Martin Piotte évoque des recherches de Terreal « sur le solaire thermique et sur la captation du dioxyde de carbone à la sortie des cheminées ».
Proximité des clients
A plus court terme, la quête d'innovation concerne aussi les étapes antérieures au séchage et à la cuisson. Ainsi, Isabelle Dorgeret rappelle que « la notion de circuit court est essentielle à ce secteur ». Et Frédéric Didier d'ajouter que « les briques et tuiles sont des produits locaux : les carrières sont toujours à proximité des usines et des clients ».
Des carrières où les géologues de Wienerberger tâchent de sourcer les argiles les moins riches en carbonates, donc moins absorbantes et plus faciles à sécher. Voilà pour l'amont. En aval, le groupe collabore notamment avec FRET21, dispositif de l'Ademe en faveur d'un impact moindre du transport. Pour ce qui est des emballages, Wienerberger est engagé depuis une dizaine d'années dans le recyclage des palettes, via un circuit de consignation, qui permet le réusage de 90 % des 500.000 palettes utilisées chaque année.
Reste que « malgré ces actions, la filière a encore besoin d'énergie fossile à court terme », concède Frédéric Didier, inquiet des répercussions de la guerre en Ukraine sur les prix. « A long terme, cela pourrait mettre en péril l'activité de certains acteurs », alerte-t-il.
Source Les Echos par Julie Le Bolzer