Pages

20/09/2020

Journées du patrimoine 2020 : en Normandie, visitez la Poterie du Mesnil de Bavent.

Crées en 1984 par Jack Lang, alors ministre de la Culture, les Journées du patrimoine, ont lieu les 19 et 20 septembre. Pour cette 37e édition, la Normandie propose des rendez-vous dans des endroits parfois méconnus ou rarement ouverts au public.

«Ici, tout est fait à la main, cela demande du temps, beaucoup de temps. C’est ce que les gens ont le plus de mal à comprendre quand ils me disent que c’est cher. Non ce n’est pas cher, c’est une question de choix, comme celui d’acheter un téléviseur ultra moderne... »

Avec son mari, Jérémy et leurs deux employés, Marie et Gaëtan, Dominique Kay-Mouat dirige dans le Calvados, la Poterie du Mesnil de Bavent.

Un peu après Cabourg sur la route départementale 513 allant à Caen, dans des bâtiments à la fois fascinant et hors du temps, sont façonnés à la main, depuis 1842, les célèbres épis de faîtages. 1842, c’est aussi la date de la création de la tuilerie du Mesnil de Bavent. Une institution qui fabrique la fameuse tuile plate en argile vendue dans le monde entier. À l’époque les deux entreprises ne font qu’une. « Ma mère qui était cantatrice avait appris la sculpture ici. Alors, explique, Dominique, lorsqu’en 1987, la tuilerie veut se séparer de la poterie qui n’est pas assez rentable, ma mère, qui avait gardé des liens avec les propriétaires, l’a rachetée. » Mais les débuts sont compliqués. « Elle avait acheté un stock d’émaux au plomb juste avant que la législation interdise le plomb... Les premières années ont été très dures, se souvient Dominique. J’étais en Angleterre, je terminais mes études en histoire de l’art, et je cherchais un emploi. Je suis rentrée à Paris, mais la vie parisienne ce n’était pas pour moi. Ma mère m’a proposé de venir informatiser l’entreprise. » On est en 1992, Dominique n’est jamais repartie de Bavent. « Je me suis rendu compte du trésor qu’il y avait ici ». Elle apprend « sur le tas ».

Faire perdurer l’épi de faîtage, une tradition qui remonte aux créations chinoises au IIIe millénaire avant Jésus-Christ, est la mission qu’elle se fixe alors.

La signature d’une toiture

Utilisé naguère pour protéger les bois qui ressortent du toit, au milieu du XIXe siècle, avec le développement des stations balnéaires, l’épi de faîtage se transforme en un élément d’ornement des manoirs et autres maisons de maître, nombreux le long de la Côte fleurie. Il devient, couronné de la représentation d’un animal, d’un oiseau, de fruits, de fleurs ou encore de personnages en costumes d’époque, un signe d’opulence, la signature d’une toiture.

Aujourd’hui encore l’épi est tourné et façonné dans l’argile par le potier, décoré de motifs et modelés en relief ou en creux avec le pouce.

« Chaque pièce demande trente heures de cuisson dans le four et une semaine de séchage, pour être certain que ça ne fissure pas, sinon c’est perdu. Ensuite, elle est émaillée au pinceau. » Un long process qui demande « trois mois de délais entre la fabrication et la livraison. »

Après des années de travail, en 2007, la poterie est la première entreprise du Calvados à se voir décerner le label « Entreprise du patrimoine vivant », reconnaissance de l’ensemble de ses performances économiques et culturelles.

Les moules en plâtre utilisés pour les modelages ont été achetés aux potiers de la région au fur et à mesure de leurs cessations d’activités. Faisant de la poterie du Mesnil de Bavent qui souffle en en 2020 ses 178 bougies, parmi les derniers dépositaires d’une tradition.

« L’artisanat, c’est un choix de vie »

Un savoir-faire qui se vend aujourd’hui en France, auprès d’entreprises, de collectivités, des monuments historiques, mais aussi à travers le monde. Japon, États-Unis, Mexique...

« La variété de notre production est énorme. » D’autant que la poterie fabrique également des éléments de décoration de toiture, de façade, de jardin, pour des clients en recherche de pièces sur mesure. « En ce moment, nous réalisons, à partir de photos que nous a envoyé un client américain, deux chiens, un Setter, un Labrador et un chat. » Un toucan géant, deux ours pour un fleuriste belge, « nous pouvons tout réaliser », comme le voilier et le chalutier, qui ornent depuis peu l’entrée du port de la Presqu’île de Deauville. « Deux pièces uniques qui ont demandé six mois de travail », ajoute encore Dominique.

Depuis quelques années la poterie s’est ouverte au public et reçoit 20 000 visiteurs par an, dans son village ouvert à d’autres artisans d’art, maroquiniers, tapissiers... et reçoit également des artistes et des écoles de la région qui explorent une vision plus contemporaine de l’épi de faîtage. Dominique est également très investie dans la transmission de son savoir, aux scolaires, 900 enfants se sont initiés à la terre l’an passé.

Source Paris Normandie par Marie-Christine URSET