Alors que les indicateurs d’activité sur le tout début d’année 2020 semblaient plutôt bien orientés avec un certain raffermissement de la production de matériaux, l’arrivée de l’épidémie de
Coronavirus sur le territoire français et l’amorce du confinement à mi-mars ont mis un coup d’arrêt à une grande partie des activités économiques, notamment dans le secteur du BTP. C’est un double choc d’offre et de demande, d’une ampleur et d’une portée sans précédent, qui a paralysé tout un pan de l’industrie et des services et la quasi-totalité du secteur de la construction. Les dernières estimations de l’INSEE évoquent un repli du PIB de - 9 % sur 2020 sans véritable retour à “la normale” d’ici la fin de l’année pour bon nombre de secteurs.
Du côté des matériaux, l’activité plonge de - 20 à - 30 % sur un an en cumul sur les quatre premiers mois de l’année (cvs-cjo), tandis qu’à mi-juin, même si la quasi-totalité des sites étaient ouverts, leur taux d’activité restait encore inférieur de - 5 à - 10 % à leur niveau d’avant crise.
Chute très marquée des volumes d’activité en avril
Après desmois de janvier et février plutôt en redressement par rapport à l’an passé,les productions de granulats et de BPE ont enregistré une contraction brutale en mars-avril en liaison avec la quasi-mise à l’arrêt de l’activité des sites pendant le confinement. Sur le seul mois d’avril, mois le plus impacté,les volumes se sont contractés de près de 60 % par rapport à avril 2019 pour les granulats et de 70%pour le BPE (CVS-CJO).Ainsi, au cours des trois derniersmois connus (février à avril), l’activité des granulats a plongé de - 33 % par rapport aux trois mois précédents
et par rapport à la même période d’il y a un an.
Du côté du BPE, la chute est encore plus marquée,dépassant les - 40%.Depuis le début de l’année 2020, l’activité des granulats affiche désormais une baisse de - 22,4 % sur un an,tandis que celle du BPE s’enfonce de - 31 %. Quant au cumul sur les douze derniers mois, les rythmes de repli sont certes atténués mais néanmoins inquiétants, avec un reflux de - 8,9 % de l’activité pour les granulats et de - 13 % pour le BPE. Les premières estimations sur le mois de mai, en liaison avec l’amorce du déconfinement, suggèrent un rebond de l’activité par rapport à avril mais à des niveaux qui demeurent très inférieurs à ceux d’il y a un an.
Les enquêtes “COVID19”menées parl’UNICEM auprès de ses adhérents au cours des mois de mai et juin nous indiquent en effet que l’activité serait revenue autour de 75 % de son niveau normal en mai (en granulats et en BPE) et que la poursuite du redressement a été plus rapide pour le BPE (taux d’activité à 95 % contre 90 % pour les granulats sur la première quinzaine de juin, date de la dernière enquête). En revanche, les résultats de ces enquêtes nous confirment qu’à la mi-juin, la quasi-totalité des sites de production de matériaux étaient ouverts (98 %) et que le manque de demande constituait le dernier frein à la pleine activité. Les résultats des prochaines enquêtes mensuelles permettront de préciser l’ampleur du redressement, voire du rebond dans les granulats et le BPE pour les mois de mai et juin mais, pour l’heure, notre indicateur matériaux, après avoir accusé une baisse de -15 % au premier trimestre, s’enfonce de - 26 % sur un an, en données provisoires, pour les quatre premiers mois de l’année.
Rebond des enquêtes d’opinion…
L’activité de production de matériaux, en liaison avec le déconfinement et le redémarrage de l’ensemble des secteurs du BTP, devrait donc observer un net raffermissement au cours des mois de mai et juin mais ce rattrapage, de nature purement “technique”, ne peut être assimilé à une reprise. En effet, les enquêtes menées auprès des professionnels du bâtiment traduisent un fortregain d’optimisme en juin-juillet,le solde d’opinions surleurs perspectives d’activité repassant nettement au-dessus de la moyenne de longue période,décrivant, en deux mois, un rebond d’une ampleur jamais observée parle passé.Cependant,l’opinion des professionnels surleurs carnets reste dégradée.
Certes, le stock de commandes perdure puisqu’il assure encore 8,5mois de travail dans le gros œuvre (soit le niveau d’avant crise, en mars), mais les professionnels perçoivent sans doute un freinage des nouvelles commandes, menaçant leur activité une fois les chantiers en cours achevés. Il est vrai que, de mars à mai, avec le report des délais d’instruction et le gel des autorisations, les dépôts de permis de logements ont plongé de près de - 46 % par rapport aux trois mois précédents (CVS-CJO), alors qu’ils avaient rebondi de + 9,6 % sur le trimestre précédent. Cette forte baisse se soldera mécaniquement par un “trou d’air” des mises en chantier d’ici la fin de l’année, ces dernières ayant déjà accusé une chute de - 45,8 % sur les trois mois de confinement (avril-mai par rapport au trimestre précédent).En outre,l’impact du confinement sur la solvabilité des ménages (via la mise en activité partielle puis, à terme, la hausse du chômage), pourrait peser sur leurs investissements immobiliers. L’Observatoire du Crédit Logement a déjà noté une chute de - 38,6 % sur un an des prêts à l’habitat au deuxième trimestre 2020 (marché du neuf), la reprise observée en juin ne permettant pas de retrouver les niveaux de février (- 10 % par rapport à juin 2019). Du côté des entreprises, le choc économique, bien qu’inégal selon les secteurs,laissera aussi des séquelles en termes de besoins de locaux d’activité.Les surfaces autorisées et lesmises en chantier, qui ont chuté de plus de - 45 % sur un an de mars à mai, pourraient pâtir des difficultés financières, voire des faillites,de l’appareil productif tandis que le développement du télétravailrisque de réduire, voire d’obérer des projets d’immobilier de bureaux. Enfin, côté collectivités territoriales, la dynamique des investissements devrait subir plus fortement la fin du cycle électoral avec le report du second tour, gelant pendant trois mois les projets des communes sans élu au premier tour (15 % du total). Le “verdissement”politique de nombreuses municipalités peut également conduire à une révision qualitative et quantitative des projets constructifs.
…mais pas de retour “à la normale” ?
Face à ces changements de paradigmes qui écartent toute hypothèse d’un retour à la situation d’avant crise,il est donc encore trop tôt pour se prononcer sur le nouveau“trend”qui se dessinera une fois le contrecoup du choc digéré. Pour l’heure, si le rebond est bel et bien enclenché, le niveau de l’atterrissage en 2021 demeure incertain mais sans aucun doute en deçà de celui observé avant la crise. Ce faisant,notre scénario prévisionnel pour 2020 retient un recul des productions de - 15 % pour les granulats et de - 17 % pour le BPE (données brutes),
le retour à une activité “normale” n’étant pas envisagé au-delà du rebond technique attendu au cours de l’été. Dans ce contexte, et en complément de l’arsenal des mesures de soutien proposé pendant la période de confinement, les Plans de relance annoncés par l’Etat et par l’Europe (“Next Generation UE” pour un budget de 750 milliards d’euros dont 40 milliards fléchés vers la France) apparaissent décisifs pour endiguerles reports et annulations des projets, maintenir la cohésion des territoires, entretenir et améliorer les infrastructures, bref, soutenir l’activité de toute la filière construction.
Source Unicem