Pages

20/06/2019

Construire en terre, qui l'eût cru?


La terre crue pourrait devenir une manne pour le secteur de la construction. À condition de dépasser les freins technico-réglementaires et économiques qui contraignent aujourd'hui sa mise en œuvre.

Principale composante de nos sous-sols, la terre est une ressource disponible sur l'ensemble du territoire. Particulièrement médiatisée en métropole depuis qu'un projet d'envergure, Cycle Terre (1), vise à démontrer le potentiel de réemploi des déblais du Grand Paris, la terre crue, qui dans les siècles passés a été utilisée comme matériau de construction avant de se marginaliser au cours des dernières décennies, suscite à nouveau l'intérêt du secteur de la construction.


Mise en œuvre du pisé sur le chantier du groupe scolaire Myriam-Makeba, à Nanterre (92) (voir visuels A et B p. 51).

 Dans la perspective d'une future réglementation environnementale, son bilan carbone y est évidemment pour beaucoup, puisque, entre autres atouts, elle ne nécessite pas de combustion pour sa production. Si la communauté scientifique (2) consacre à la terre crue des travaux depuis plusieurs années, ce n'est qu'en 2013 que le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie s'est mobilisé en faveur du développement de la filière, à travers une étude (3) de ses freins et la proposition d'un plan d'action pour les lever.
Le pisé est utilisé en RDC, sur un soubassement en béton qui le protège de la stagnation d'eau.
Sur l'opération, le principe de pisé va être employé non seulement pour les façades et les murs de refends, mais également en mur d'enceinte.


Pas encore de référentiel



Devraient particulièrement en découler des guides de bonnes pratiques, qui étaient attendus pour fin 2018 et sont désormais annoncés pour ce printemps. Leur objectif ? Donner un premier cadre permettant de qualifier et de crédibiliser les différentes techniques de la terre crue (bauge, pisé, briques de terre crue, torchis, enduit), notamment dans une optique de garantie assurantielle, avant la mise en place de règles professionnelles, comme cela a été le cas pour les filières paille ou chanvre.


Modules de pisé préfabriqués en cours de séchage sur le chantier de l'école Paul-Langevin (ci-contre), à Fontenay-sous-Bois (94), de l'agence Epicuria.

 « Parallèlement, la profession planche sur la révision de la norme XP P13-901 relative aux blocs de terre comprimée pour murs et cloisons, pour une parution envisagée à horizon 2020 », ajoute Pascal Maillard, référent construction en terre crue au CTMNC, et pilote du projet. Enfin, impulsé par les pouvoirs publics, un « Projet national terre » est en cours de structuration. En attendant, « l'absence de référentiel réglementaire pèse sur les projets menés, constate Olivier Gonzales, directeur d'affaires au sein du bureau d'études TPFI, impliqué sur l'un des premiers projets en terre crue de cette société d'ingénierie. Alors que, paradoxalement, la terre crue est un matériau on ne peut plus traditionnel ». 
Qui plus est, il n'existe pas encore, pour ce matériau, de FDES collectives basées sur des données consolidées… Mais, « avec 40 à 50 marchés publics par an mettant en œuvre ledit matériau, contre un à deux il y a vingt ans, la filière connaît actuellement un tournant significatif », observe Martin Pointet, du bureau d'études Terre, spécialiste dans le domaine. Parmi les procédés constructifs mis en œuvre, se distinguent notamment le pisé (terre compactée dans des coffrages), la brique de terre comprimée (BTC) et les enduits, qui représentent aujourd'hui la part de marché la plus importante.



Source Les Cahiers Techniques du Bâtiment par Félicie Geslin

Aucun commentaire: