Les façades offrent un champ d'innovation artistique et technique d'autant plus essentiel que la problématique du confort d'été est au cœur des enjeux constructifs. Tour d'horizon en France et ailleurs.
Flamboyant
La peau colorée de cette nouvelle résidence étudiante, conçue par l’agence Tangram Architectes pour le promoteur Bouygues Immobilier, située en bordure d’autoroute, ne laisse pas indifférent. Cet ancien bâtiment tertiaire, qui appartenait à la CPAM de Marseille, a été habillé d’une vêture d’écailles métalliques bicolores. L’édifice d’origine, construit en classiques poteaux-poutres béton, était fortement climatisé du fait de sa grande façade ouest vitrée et très exposée en été au soleil de l’après-midi. Pour la reconvertir en résidence étudiante, il fallait protéger la façade, mais le recours à la climatisation n’était plus possible. Les menuiseries ont été changées en une double-fenêtre, soit deux doubles vitrages, et sans entrées d’air qui auraient pu laisser passer le bruit de l’autoroute. La ventilation est double flux. Le programme de 260 logements étudiants a été livré en septembre 2018 et va être complété par 60 chambres d’hôtels.
Double lecture
Deux raisons essentielles ont motivé la peau d’écailles. La première est la protection solaire avec un apport solaire réduit d’environ moitié par la présence des écailles. La deuxième est visuelle. Pour l’automobiliste se déplaçant sur l’autoroute, la façade change en fonction du point de vue. « Au départ, nous avions envisagé de créer une anamorphose d’images, mais cela semblait dangereux pour les conducteurs sur l’autoroute. Aussi, nous nous sommes contentés d’un changement de couleurs. En entrant dans la ville, les teintes sont celles du soleil couchant dans les rouges et orangés, avec quelques paillettes d’or. Et en sortant, elles sont celles du soleil levant avec des jaunes clairs et d’autres plus foncés », décrit l’architecte Emmanuel Dujardin, de l’agence Tangram. La vêture est constituée de plus de 5 000 écailles thermolaquées avec des orientations différentes et six couleurs changeantes. Les travaux de découpe des panneaux et leur pose ont été confiés à la société Evangelista. Ces écailles sont fixées à de grandes barres thermolaquées de teinte gris foncé qui sont préfabriquées, assemblées et fixées par de petits cavaliers sur la façade. La vêture d’écailles se retourne un peu en pignon nord avec un travail soigné sur la forme au passage de l’angle. Sur les côtés, certaines écailles isolées sont fixées de manière ponctuelle, avec délicatesse.
Une conception sur mesure
« La Ville de Marseille nous a soutenus dans notre démarche ainsi que le promoteur, car la résidence est perçue comme un repère, un signal fort dans un quartier qui se paupérise. Pour la conception, nous avons projeté sur une forme modélisée en 3D, des images des volutes de gaz et de fluides dans un sens et, dans l’autre sens, une image de vague. La modélisation 3D a permis de simuler le résultat et de définir chacune des écailles, par exemple, avec 30° d’orientation, rouge d’un côté et jaune de l’autre », poursuit Emmanuel Dujardin. Pour cette phase de recherche assez longue et complexe, l’agence a développé un outil paramétrique propriétaire de projection sur la forme 3D, qui pourra être réemployé sur d’autres projets. L’image est projetée sur les écailles modélisées en 3D et le logiciel génère automatiquement un tableau avec les bonnes valeurs et angles pour chaque écaille numérotée. Un prototype de 4 m par 4 m de la vêture a été réalisé en bicolore fin 2017 et a été posé en façade le long de l’autoroute. Le principe a été ainsi été validé, mais avec une gamme colorimétrique plus complexe comprenant six couleurs au lieu de deux envisagées. À noter qu’à l’origine, les architectes voulaient donner une mobilité aux écailles mais le risque était de ne maîtriser ni les efforts dus au vent ni le bruit généré. L’autoroute voisine de la résidence est en effet un couloir très venté emprunté par le mistral. Aussi était-il plus sécurisant de réaliser des écailles plus petites et, surtout, fixes.
Orientalisant
Il existe quelques projets très spectaculaires comportant des façades dynamiques, comme les tours Al-Bahr à Abu Dhabi. D’une hauteur de 145 mètres, les deux bâtiments ont été réalisés par les architectes de l’agence anglaise AHR associée à Arup Ingénierie et accueillent le nouveau siège social du conseil d’investissement d’Abu Dhabi. Leur design est basé sur un concept de forme florale et de moucharabiehs motorisés. Cet écran de protection solaire en maillage de bois est utilisé traditionnellement pour forcer la ventilation naturelle, protéger du soleil et de l’éblouissement et préserver son intimité. L’ouverture motorisée des moucharabiehs protecteurs de ces tours modernes permet, en fonction du mouvement du soleil, de doser l’apport solaire qui peut être réduit de moitié. De plus, la diffusion de la lumière naturelle à l’intérieur de la tour est améliorée par réflexion sur les profilés et la vue imprenable sur le paysage environnant est conservée. Autre avantage, les vitrages ne sont pas traités avec une couche de protection solaire, ils sont donc davantage transparents et les besoins en éclairage artificiel s’en trouvent réduits. Cette très belle réalisation concilie la bio-inspiration, les principes de l’architecture traditionnelle et l’innovation technologique.
Mouvant
La composition des 1 600 m² de façades des bureaux de la Mutualité sociale agricole (MSA) de Chauray (79), livrés par l’agence Rocheteau-Saillard en 2017, offre des modes de lecture différents selon la position du spectateur. Les brise-soleil Autant XL de Terreal en terre cuite émaillée sur un fond de façade orange créent en effet un mouvement cinétique. Les baguettes ont été posées à la verticale avec un léger écartement de 7 cm, qui laisse à découvert le bardage en alu orangé. Le fabricant Terreal est intervenu pour développer des baguettes pouvant aller jusqu’à 141 cm de longueur, dans huit teintes et avec une fixation sur ossature métallique et non pas sur un mur béton comme de coutume.
Opalescent
Situé dans le port de la capitale islandaise, le Reykjavik Concert Hall, avec le centre de conférences Harpa, a été livré en 2011 par l’architecte Henning Larsen. Sa façade principale ouverte sur le ciel et l’océan tout proche est constituée de plus d’un millier d’éléments vitrés pentagonaux et hexagonaux. Fournis par Schött, les vitrages alternent du dichroïque (Narima) avec du verre très clair et traité antiréflexion (Amiran). À la nuit tombée, les blocs vitrés sont éclairés en plusieurs couleurs par des Leds pilotées individuellement.
Ondoyant
L’agence australienne d’architecture Urban Art Projects (UAP) a travaillé avec l’artiste Ned Kahn pour créer la façade artistique du parking du terminal domestique de l’aéroport de Brisbane. Cette façade cinétique de 5 000 m2 se déploie sur huit étages. Son rideau formé de 117 000 panneaux d’aluminium suspendus s’anime en vagues sous l’effet du vent. Il est embelli par le tracé d’une ligne inspiré du sillage créé à la surface de l’eau par une navette fluviale de la ville de Brisbane. Le design est aussi fonctionnel : le rideau apporte de l’ombrage et une ventilation naturelle. À l’intérieur du parking, les rayons du soleil passant au travers de la façade dessinent des motifs mouvants de lumière et d’ombres sur les murs et sols.
Scintillant
La nouvelle façade du parking de l’hôpital d’Eskenazi, à Indianapolis, a été réalisée en 2014 par l’architecte Rob Ley. Afin d’éviter les problèmes de maintenance et de durabilité de pièces mobiles, le principe est celui d’une façade statique composée de 7 000 panneaux métalliques faisant brise-soleil avec différentes orientations – ce qui donne différentes intensités –, combiné à une articulation des couleurs : côté est, du jaune doré et, côté ouest, un bleu profond. Le système est dynamique pour l’observateur (piéton, vélo ou véhicule motorisé) en fonction de son point de vue et de sa vitesse de déplacement sur le site. Ce camouflage de 75 m de long pour 18,5 m de hauteur a été fabriqué à partir de dix-huit sortes de pièces différentes en dimensions et orientations.
Luminescent
Le nouveau musée d’art Sogn & Fjordane de Førde a été conçu par l’agence danoise CF Møller Architects sur le principe d’un glacier qui se fracture en gros morceaux de glace. Les joints de façade, rendus lumineux par des lignes de Leds, symbolisent les fissures dans la glace la nuit. Le bâtiment a été conçu comme un imposant cube angulaire de quatre étages organisé autour d’un patio triangulaire. Les façades ventilées ont pour bardage du StoVentec Glass : de grands panneaux de verre émaillé collés sur une plaque en mortier de granulats de verre expansé avec liant époxy.
Source Les cahiers techniques du bâtiment par François Ploye
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