La crise récente de groupes sous LBO comme Vivarte ou SoLocal renvoie aux sujets du financement des entreprises privées et du manque de régulation d'un marché de dette littéralement sans contrôle.
L'acquisition d'une entreprise par endettement - LBO - n'est pas toujours viable et mieux vaut que l'entreprise opère sur un secteur de forte croissance qui lui permette de rembourser les échéances d'intérêts d'emprunt. Or, les années 2000 furent celles d'une irrationalité irresponsable où les fonds et les actionnaires managers ont adossé aux entreprises des dettes absolument déraisonnables. Comment expliquer, ces années-là, le rachat de sociétés réalisant plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires mais positionnées sur des secteurs à faible croissance (inférieures à 2 %), ne bénéficiant d'aucune marge de manoeuvre concurrentielle ? Ces années-là furent celles d'acquisitions d'entreprises parfois « baclées ". Ce furent les années de « management fees » exubérants pour les partenaires de fonds et les dirigeants qui réalisaient des plus-values de cession de plusieurs dizaines de millions d'euros à titre personnel sans création de valeur véritable.
L'investissement est le moteur des entreprises a fortiori dans un LBO ! Ce fondamental fut oublié dans de nombreux cas et la course au remboursement de la dette conduisit à privilégier les investissements de court terme, notamment la croissance externe au détriment de la modernisation des outils. Le LBO peut être un véhicule de financement productif dans le cadre des fonds d'investissement de « private equity », mais le sujet est beaucoup plus critiquable quand on a affaire à des fonds vautours. « Mon métier consiste à dégoûter les autres fonds, à racheter leur dette à vil prix, à me refaire en cédant les actifs à la casse » : ainsi me résumait en 2014 le responsable américain d'un fonds de « distress debt ». Dans certains dossiers récents (Partouche, Belvédère, SGD, Arc...), ces fonds dits « vautours » ont usé de véritables méthodes de déstabilisation et de raid pour prendre le contrôle de l'entreprise en « montant au capital de dette ». Rien n'est négligé pour affaiblir la cible : campagne d'influence, communiqué de presse bidon, manipulations de pages Web Wikipédia, Google, rumeurs auprès des opérateurs bancaires, d'assurance ou de crédit, fournisseurs, chasse de têtes pour remplacer les dirigeants...
Quels sont les recours du dirigeant face à ces méthodes ? Soit plier et se compromettre dans une fuite en avant vouée à l'échec, avec la bénédiction de conseils d'administration dont la docilité est proportionnelle au montant des jetons de présence souvent plus généreux que ceux du CAC 40, soit s'opposer au prix de sa carrière et de sa réputation. Qu'il s'agisse de placer l'entreprise sous mandat ad hoc sous l'égide du tribunal de commerce ou dans tout autre procédure amiable ou collective ou bien d'entamer une longue renégociation d'un abandon de dettes par les fonds, le dirigeant se met ipso facto en rupture avec les fonds actionnaires.
Pour en finir avec ces situations, il faut déjà en finir avec l'absence d'autorité de régulation des marchés de dettes. Si les marchés boursiers sont régulés par l'AMF en France et la SEC aux Etats-Unis, le marché de la dette est un marché sans régulateur, alors même qu'il cote la valeur de la dette d'une entreprise quotidiennement. Combien de fois faudra-t-il voir des entreprises qui devraient aller en redressement judiciaire ou voir leur holding financier liquidé, s'engager dans des procédures « par le haut » (mandat ad hoc, conciliation) ou dans des « amend to extend » pour éviter aux fonds d'affronter la réalité en face ?
Alors, est-il possible de sortir d'un LBO « en détresse » ? C'est très difficile. Cela se traduit le plus souvent par une longue agonie faite de plans sociaux, du limogeage de PDG, puis de cessions d'actifs « on fire sell ». Le principe même du « lenders led " est insoutenable, puisque ce sont les mêmes acteurs à tous les étages : prêteurs, actionnaires et administrateurs ! Ceci a un nom en droit : la gestion de fait, à moins que nous ne soyons déjà dans ces cas précis dans la gestion de droit... Il serait temps que les pouvoirs publics se saisissent enfin de ce sujet et fassent preuve de volonté.
Source Les Echos par Marc Lelandais
Marc Lelandais est un ancien président de Vivarte.
L'acquisition d'une entreprise par endettement - LBO - n'est pas toujours viable et mieux vaut que l'entreprise opère sur un secteur de forte croissance qui lui permette de rembourser les échéances d'intérêts d'emprunt. Or, les années 2000 furent celles d'une irrationalité irresponsable où les fonds et les actionnaires managers ont adossé aux entreprises des dettes absolument déraisonnables. Comment expliquer, ces années-là, le rachat de sociétés réalisant plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires mais positionnées sur des secteurs à faible croissance (inférieures à 2 %), ne bénéficiant d'aucune marge de manoeuvre concurrentielle ? Ces années-là furent celles d'acquisitions d'entreprises parfois « baclées ". Ce furent les années de « management fees » exubérants pour les partenaires de fonds et les dirigeants qui réalisaient des plus-values de cession de plusieurs dizaines de millions d'euros à titre personnel sans création de valeur véritable.
L'investissement est le moteur des entreprises a fortiori dans un LBO ! Ce fondamental fut oublié dans de nombreux cas et la course au remboursement de la dette conduisit à privilégier les investissements de court terme, notamment la croissance externe au détriment de la modernisation des outils. Le LBO peut être un véhicule de financement productif dans le cadre des fonds d'investissement de « private equity », mais le sujet est beaucoup plus critiquable quand on a affaire à des fonds vautours. « Mon métier consiste à dégoûter les autres fonds, à racheter leur dette à vil prix, à me refaire en cédant les actifs à la casse » : ainsi me résumait en 2014 le responsable américain d'un fonds de « distress debt ». Dans certains dossiers récents (Partouche, Belvédère, SGD, Arc...), ces fonds dits « vautours » ont usé de véritables méthodes de déstabilisation et de raid pour prendre le contrôle de l'entreprise en « montant au capital de dette ». Rien n'est négligé pour affaiblir la cible : campagne d'influence, communiqué de presse bidon, manipulations de pages Web Wikipédia, Google, rumeurs auprès des opérateurs bancaires, d'assurance ou de crédit, fournisseurs, chasse de têtes pour remplacer les dirigeants...
Quels sont les recours du dirigeant face à ces méthodes ? Soit plier et se compromettre dans une fuite en avant vouée à l'échec, avec la bénédiction de conseils d'administration dont la docilité est proportionnelle au montant des jetons de présence souvent plus généreux que ceux du CAC 40, soit s'opposer au prix de sa carrière et de sa réputation. Qu'il s'agisse de placer l'entreprise sous mandat ad hoc sous l'égide du tribunal de commerce ou dans tout autre procédure amiable ou collective ou bien d'entamer une longue renégociation d'un abandon de dettes par les fonds, le dirigeant se met ipso facto en rupture avec les fonds actionnaires.
Pour en finir avec ces situations, il faut déjà en finir avec l'absence d'autorité de régulation des marchés de dettes. Si les marchés boursiers sont régulés par l'AMF en France et la SEC aux Etats-Unis, le marché de la dette est un marché sans régulateur, alors même qu'il cote la valeur de la dette d'une entreprise quotidiennement. Combien de fois faudra-t-il voir des entreprises qui devraient aller en redressement judiciaire ou voir leur holding financier liquidé, s'engager dans des procédures « par le haut » (mandat ad hoc, conciliation) ou dans des « amend to extend » pour éviter aux fonds d'affronter la réalité en face ?
Alors, est-il possible de sortir d'un LBO « en détresse » ? C'est très difficile. Cela se traduit le plus souvent par une longue agonie faite de plans sociaux, du limogeage de PDG, puis de cessions d'actifs « on fire sell ». Le principe même du « lenders led " est insoutenable, puisque ce sont les mêmes acteurs à tous les étages : prêteurs, actionnaires et administrateurs ! Ceci a un nom en droit : la gestion de fait, à moins que nous ne soyons déjà dans ces cas précis dans la gestion de droit... Il serait temps que les pouvoirs publics se saisissent enfin de ce sujet et fassent preuve de volonté.
Source Les Echos par Marc Lelandais
Marc Lelandais est un ancien président de Vivarte.
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