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26/03/2018

La France regarde enfin vers le Soleil

Longtemps à la traîne de ses voisins européens, le pays met les bouchées doubles pour développer sa production d’énergie solaire. EDF a annoncé un plan ambitieux et les géants Total et Engie se lancent aussi.

A 150 millions de kilomètres de la Terre, le Soleil nous envoie en une heure plus d’énergie que la consommation annuelle des humains. Pourtant, la part du solaire dans la production d’électricité en Europe ne dépasse pas 3,5 %, loin derrière les combustibles (48 %) et le nucléaire (26 %). En France, c’est pire encore. L’énergie produite directement par le soleil ne représente que 1,6 % de la production électrique française. Face à ce retard, le ministre de la Transition énergétique, Nicolas Hulot, qui a annoncé en novembre 2017 que la part du nucléaire serait abaissée de 75 % à 50 % d’ici à « 2030 ou 2035 », souhaite développer les énergies renouvelables, parmi lesquelles le solaire. Cette volonté a poussé EDF à présenter un plan à la hauteur. Le 11 décembre dernier, le groupe a ainsi annoncé le déploiement de 30 gigawatts d’énergie solaire entre 2020 et 2035, soit quatre fois plus que la production actuelle. « C’est un virage pour le solaire. Nous avons une ambition beaucoup plus forte », confirme Nicolas Couderc, directeur France et Energies Réparties pour EDF Energies nouvelles. A titre de comparaison, l’ensemble du parc nucléaire français avoisine la capacité de 63 gigawatts (pour une production de 416 TWh en 2015).

Une alternative au nucléaire
Il s’agit donc de corriger une anomalie. Grâce à son ensoleillement, la France est le cinquième pays européen en termes de potentiel solaire. Pourtant, « nous produisons seulement entre 7 et 8 gigawatts, contre 40 en Allemagne et 20 en Italie », souligne Gwenaelle Huet, directrice générale d’Engie France Renouvelables, le concurrent d’EDF, aux objectifs également très ambitieux dans le développement du solaire. Depuis les années 1950, la priorité a été donnée au nucléaire, une méthode efficace et à moindre coût, mais dont les déchets restent radioactifs pendant des centaines d’années.

Depuis l’accident de Fukushima, en mars 2011, les cartes ont été rebattues. Engie (ex-GDF-Suez) compte multiplier par quatre ses capacités solaires d’ici à 2021, pour atteindre 2,2 gigawatts en France. Même le géant des hydrocarbures Total s’est lancé dans le créneau, en équipant ses sites industriels et ses stations-service de panneaux photovoltaïques (5 000 d’entre elles seront concernées d’ici cinq ans, dans le monde entier). En 2011, l’entreprise avait également racheté le fabricant de panneaux solaires SunPower, réputé pour l’efficacité de son matériel.

Le solaire, écologique et économique
Cet engouement est un choix écologique, mais aussi économique. « Le coût du solaire a considérablement baissé ces dernières années, souligne André Joffre, PDG du bureau d’études Tecsol. La technologie s’est nettement améliorée, et les panneaux solaires ont des rendements de 22 %, contre 12 % il y a encore dix ans. » Ces derniers fournissent donc davantage d’électricité pour le même ensoleillement. Ces rendements vont encore progresser. « On devrait atteindre 40 % dans dix ou quinze ans et bien plus d’ici à 2050 », affirme l’expert. Grâce à ces progrès, le prix du mégawattheure d’une grande centrale de panneaux photovoltaïques, qui fond d’année en année (400 euros en 2010, contre 60 euros aujourd’hui), continuera de baisser. Par comparaison, le mégawattheure nucléaire coûte 33 euros à produire. L’atome reste à ce jour plus rentable, mais, à l’avenir, les courbes risquent de se croiser.

Fort de cette conviction, EDF déboursera 25 milliards d’euros pour installer de vastes champs de panneaux photovoltaïques sur 30 000 hectares, dispersés en France, à l’instar de celui de Toul-Rosières (Meurthe-et-Moselle), la centrale solaire la plus puissante du groupe. « EDF va mobiliser en premier lieu le foncier dont il est propriétaire, mais ce ne sera pas suffisant », souligne Nicolas Couderc. Des discussions seront donc entamées avec l’Etat et les collectivités locales pour que soient trouvés de nouveaux terrains éligibles, indispensables pour mener à bien le projet. Afin d’aider la filière à se développer, l’Etat lance des appels d’offres avec des tarifs d’achat garantis. Seul bémol, les tailles des futures centrales, souvent bien plus petites que celles des voisins européens. Or, plus le champ sera grand, plus il sera rentable et plus le coût de la production baissera. « La limite a été récemment relevée à 30 mégawatts. Nous souhaitons qu’elle soit portée à 50, voire à 100 mégawatts », indique Nicolas Couderc. Dès lors, la France pourra durablement assurer un avenir radieux à l’énergie solaire.

Des tuiles pleines d'énergie
Il est aujourd’hui possible de produire son électricité en plaçant des panneaux photovoltaïques sur son toit, mais cette solution n’est pas très esthétique. Ces derniers pourraient donc laisser la place à des tuiles équipées d’un filtre spécial pour capter les rayons solaires. C’est le projet du constructeur américain de voitures électriques Tesla, qui a lancé, en décembre 2017, la production de ses tuiles solaires. Impossible de les différencier des classiques. Elles produisent pourtant suffisamment d’énergie pour subvenir aux besoins d’un foyer bien ensoleillé. Elles sont reliées à une ou plusieurs batteries, installées dans la maison pour conserver l’énergie. Les prix, qui ne sont pas encore divulgués, devraient être supérieurs à ceux des panneaux traditionnels. Les premières livraisons sont attendues cette année

Source Le Parisien par Thomas Leroy

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