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01/01/2017

Les procédés de fabrication de la terre cuite

Extraction de l'argile

Après avoir introduit les principaux éléments sur les matières de base et l’argile, nous allons présenter le procédé de fabrication avec ses différentes étapes : l’extraction de l’argile, la préparation de la pâte, le façonnage, le séchage et la cuisson. Le présent chapitre est consacré à l’extraction de l’argile à la carrière. Tout commence donc à la carrière d’argile.

Préparation du projet de carrière

Avant une éventuelle mise en exploitation, des études approfondies de la future exploitation de la carrière d’argile sont réalisées.

Etude du gisement

On commence par l’étude du gisement à partir des cartes, études géologiques, et des examens de surface disponibles. Puis des analyses sur le terrain sont effectuées. Les techniques géophysiques (carte de résistivité électrique par la méthode de Slingram, carte par magnétisme, épaisseur de couches par mesure de résistance électrique à quatre électrodes - méthode de Wenner, sismique) sont peu utilisées dans l’argile car les gisements exploitables sont superficiels et le carottage ainsi que la réalisation de tranchées sont aisés. On pratique donc des sondages carottés selon un maillage donné, en fonction de la qualité du gisement et l’utilisation envisagée. Des échantillons sont récoltés. Le gisement est caractérisé par son extension géographique, son épaisseur, son pendage, son uniformité, la hauteur de la découverte et finalement sa puissance, exprimée en tonnes de produit cuit ou en années de production. Une carrière doit pouvoir s’exploiter sur le long terme (10 à 30 ans ou plus). Les informations sur les conditions géologiques de formation des couches donnent des indications sur l’uniformité, les impuretés potentielles… Il y a souvent plusieurs couches d’argile superposées avec des propriétés différentes. Dans une couche, la partie inférieure est souvent de plasticité inférieure. Des veines plus ou moins argileuses viennent s’intercaler entre les bonnes couches. On rencontre aussi des impuretés comme des bancs de silex, des nodules de calcaire, des bancs de coquillages et fossiles, des pyrites, des matières organiques : lignite, tourbe… Il faudra sans doute les éliminer et l’exploitation sera donc sélective, quand c’est possible et économique. On étudie alors les propriétés des argiles obtenues, les mélanges de production réalisables, les propriétés des produits cuits finaux.

Préparation technique de l’exploitation de la carrière

Après cette évaluation technique du gisement, on réalise les études économiques de sa mise en œuvre. Le rapport entre la puissance exploitable et le volume de découverte est un facteur crucial dans la rentabilité du projet. De même la distance carrière- usine est importante. On prépare les plans d’exploitation en fonction du procédé d’exploitation prévu et de l’état de développement de la carrière. On choisira les hauteurs des fronts de taille, la formation éventuelle de gradins, les pentes des talus pour qu’ils restent stables, selon leur nature et leur humidité. Les talus d’argile humide nécessitent ainsi des angles maximaux de l’ordre de 20 à 30°. On conçoit l’exhaure (drainage et évacuation de l’eau de la carrière). L’eau peut s’accumuler par infiltration, ruissellement et pluie. Une mauvaise exhaure peut induire des problèmes de stabilité des couches, des risques de contamination entre couches et peut compliquer le transport de l’argile. Un écoulement naturel est évidemment le plus simple quand c’est possible car l’entretien du système d’exhaure et l’énergie consommée par les pompes peuvent devenir coûteux. On limitera au mieux les arrivées d’eau et on s’efforcera de garder l'exhaure la plus propre possible. Il faudra prévoir des bassins de décantation pour clarifier l’eau avant son rejet avec une qualité conforme à la réglementation. On prévoira le transport à l’intérieur de la carrière et aussi entre la carrière et l’usine de terre cuite, en étudiant les moyens mis en œuvre et les trajets effectifs. Les passages d’engins, la création des pistes et leur revêtement seront planifiés. La position des remplissages en fuel des engins sera fixée, ainsi que celles des stations de lavage des engins. On examinera les problèmes de voisinage qui peuvent apparaître en période d’extraction: les voisins peuvent se plaindre du bruit, de la poussière, de la circulation, et de la saleté des routes… Si on considère ces problèmes dès le stade de la conception, ils sont généralement plus faciles à résoudre. Les solutions classiques sont la clôture de la carrière, la constitution de merlons de terre et de chicanes judicieusement placés pour limiter les bruits, la plantation de haies d’arbres pour limiter les envols de poussière, le mouillage et traitement des pistes si besoin est, le nettoyage des roues des camions qui quittent la carrière…En période d’inactivité de la carrière, on se préoccupera de la sécurité des voisins et promeneurs. On fixera les positions des éventuels tas d’argile, en particulier si on y stocke la production annuelle. On planifiera le stockage de la découverte : elle peut parfois être utilisée pour faire des écrans de protection acoustique et elle sera réutilisée à la remise en état.

Préparation administrative

La préparation du projet de carrière sous le plan administratif est généralement une tache laborieuse, variable selon les réglementations et administrations nationales et locales Le premier point est bien sur lié à la propriété de la carrière. Selon les législations, il peut exister différents types de propriété de l’argile. La carrière sera achetée, concédée ou louée avec par exemple un droit de fortage. On réalise les travaux nécessaires à la sauvegarde de restes archéologiques qui pourraient être mis à jour : par exemple des sondages sont demandés par la récente loi française sur l’archéologie préventive et ses décrets d’application. Une étude d’impact est alors réalisée et remise à l’administration avec la demande d’autorisation d'exploiter. Ce document présente le projet, les buts visés et les précautions environnementales qui sont prises. II comprend habituellement les éléments suivants :
  • Description de l’état initial des lieux avant la création de la carrière;
  • Intégration des futures exploitations dans leur environnement (étude paysagère, faune et flore remarquables, compatibilité avec l’exploitation agricole),
  • Protection les intérêts liés à l’environnement, et études des effets prévisibles de l’exploitation future sur la qualité de l’environnement et sur la sécurité du public ;
  • Définition des mesures prises pour limiter les nuisances de l’exploitation et prévenir les pollutions (réduction du bruit, limitation des poussières en tenant compte de la météorologie,
  • Protection des ressources en eau, limitation de l’impact hydraulique sur la nappe phréatique et les captages d’eau, contrôle des rejets d’eau….
  • Proposition des moyens de transport les mieux adaptés.
  • Prise en compte du devenir des sites avec description de la remise en état prévue (stabilisation et mise en sécurité des fronts de taille, nettoyage, relief et remblayage éventuel, élimination des vieilles installations, insertion dans le paysage, pentes acceptable des talus, limitation de la hauteur des fronts de taille par des banquettes intermédiaires, limitation des ruptures de pentes, essences végétales replantées,…) avec son coût estimé.
  • Travail par phases avec des déboisements limités et simultanéité de l’exploitation et de la remise en état.
  • Association des populations locales aux phases de vie de la carrière.
Généralement, à la suite de l’étude d’impact, des enquêtes publiques sont réalisées pour informer les populations et les associations locales et obtenir leurs avis et commentaires. A la suite de ce long travail de préparation, et si tout se passe bien, l’administration donne une autorisation d’exploiter avec un certain nombre d’exigences et de limitations.

Exploitation

Généralités

L’extraction a généralement lieu à ciel ouvert. De façon très générale, l’argile est extraite de façon mécanique. L’abattage à l’explosif n’est généralement pas nécessaire pour l’argile qui est assez tendre. Il peut l’être cependant si l’argile est recouverte d’une couche plus dure. On trouve souvent deux types de carrières :
  • Les carrières de plaines ou au fond de vallée. Il s’agit alors souvent de couches lacustres ou fluviales récentes, en forme de lentilles horizontales. Elles sont souvent assez minces. Leur exploitation est assez simple, il y peu de problème de stabilité des pentes sauf s’il peut y avoir des accumulations d’eau importantes au fond de la carrière et des interactions ou non avec la nappe phréatique. L’eau stagnante peut devenir polluée.
  • Les carrières de collines. Il s’agit souvent de couches marines plus anciennes qui ont été remodelées par la tectonique. Elles peuvent être très épaisses (plusieurs centaines de m) avec des orientations plus ou moins pentues. L’exploitation se fera à flanc de coteau, en fonction de la topologie. On peut alors faire des gradins pour l’exploitation avec des pelleteuses. De façon plus rustique, il est aussi possible de réaliser un plan incliné de glissement, en bas duquel on charge l’argile poussée du haut par un bulldozer. La stabilité des pentes, à court et à long terme, est très importante, en particulier en zone sismique.
L’exploitation est dite en butte lorsqu’elle se fait à flanc de coteau ou de talus, et en fouille quand elle se fait en excavation. Les hauteurs de front de taille sont souvent comprises entre un mètre à une vingtaine de mètres environ, pour des raisons d’épaisseur de couche, d’accès des engins et de stabilité et sécurité quand les couches sont épaisses. La hauteur des gradins est limitée par le rayon d’action des engins. L’exploitation en elle-même commence par l’enlèvement de la découverte (encore appelée stérile) à l’aide de bouteurs (bulldozer), de pelles mécaniques, de chargeurs ou de décapeuses (scraper)… Cette découverte est mise de côté pour le réaménagement futur, sous forme de merlons géo techniquement stabilisés. La terre végétale est stockée de façon sélective dans des tas de hauteur limitée pour lui conserver sa valeur humifère. Parfois une mince couche d’argile est conservée en fond de carrière pour assurer la protection des sols et sous-sols contre une pollution accidentelle. On s’efforce parfois d’exploiter chaque couche de façon séparée afin de limiter les pollutions et les variations de compositions. Ce tri devient cependant plus difficile et moins économique actuellement avec les nouveaux modes d’exploitation à haute productivité. Souvent, l’extraction est réalisée au cours de campagnes courtes et intenses, dans une période bien choisie, et cette approche tend à se généraliser. Le travail en campagne permet d’extraire dans des bonnes conditions climatiques, d’optimiser l’organisation, de sous-traiter le travail à des sociétés spécialisées mieux équipées, de limiter dans le temps l’impact écologique et d’être moins sensible aux variations de la géologie. Le prix de revient au m3 peut ainsi être réduit, en particulier pour les carrières éloignées de l’usine. Le transport entre la carrière et l’usine est souvent sous-traité lui aussi.

Matériels d’extraction

Selon le mode d’exploitation et la dureté de la terre, l’extraction peut se faire à la pelle mécanique, à l’excavateur, à l’aide de défonceuses, décapeuses, bouteurs, chargeuses, roues-pelles (ou roue à couteaux), etc. L’utilisation de pelles mécaniques est la plus courante. Ces machines conviennent bien pour les argiles de dureté moyenne avec des gradins de 2 à 6 m. Ces équipements sont très maniables, flexibles et ont de multiples emplois. On peut exploiter facilement plusieurs couches à la fois et éviter les impuretés. En butte, les pelles travaillent avec un godet normal. En fouille, elles utilisent un godet rétro. Ces machines peuvent aussi être équipées de dragline ; dans ce cas, elles se rapprochent de l’excavateur à godet. Les excavateurs à godet travaillent sur des matières tendres avec des fronts de taille plus grands (5 à 15 m). Ils fragmentent l’argile sous forme d’un copeau et homogénéisent bien les différentes couches mais incorporent aussi les impuretés lorsqu’elles existent. La roue à couteau permet de fragmenter l’argile et de pouvoir suivre des couches de faible épaisseur en évitant les zones d’impuretés. La matière première extraite est déplacée dans la carrière par des tombereaux (dumper) puis acheminée à l’usine, principalement par camions, moyen flexible et économique. Plus rarement, l’argile a pu être évacuée par voie ferrée, transporteurs à câbles ou transporteurs à bandes, moyens plus anciens, plus lourds, peu flexibles et moins adaptés à des carrières d’argile pour la terre cuite.

Pré homogénéisation et stock annuel

Quand on extrait par campagne, on réalise de grands tas en plein air correspondant à la production de l’année à venir. On effectue ainsi une pré homogénéisation de l’argile en réalisant ces tas de stockage : la matière extraite est déposée en couches successives d’épaisseur relativement faible. Le mélange s’effectuera lors de la reprise du tas ; ce dernier sera prélevé alors de façon perpendiculaire (verticalement si les couches de dépôt sont horizontales). Ceci permet un lissage des compositions de l’argile, d’autant meilleur que le nombre de couches est élevé, l’homogénéisation s’améliorant comme la racine carrée du nombre de couches. Le dépôt des couches peut se faire en couches parallèles horizontales ou en chevrons, selon le volume du tas. La géométrie des tas peut être linéaire, annulaire, circulaire, conique ; selon la surface disponible et les moyens de manutention. Le travail par campagne permet de prendre facilement des échantillons au fur et à mesure de la construction du tas, de vérifier la constance des matières premières pour l’année à venir et de limiter les mauvaises surprises. Pour des questions de prix de revient, il ne peut être question de transporter les matières premières sur de trop longues distances, l’incidence des frais de transport devenant prohibitive. La grande majorité des tuileries et briqueteries travaillent avec des matières premières provenant de gisements proches de l’usine (quelques kilomètres). De façon à améliorer les caractéristiques des mélanges de fabrication et les qualités des produits cuits, certaines usines doivent cependant faire des ajouts limités d’argiles d’appoint de haute qualité provenant de gisements plus lointains, parfois à plusieurs centaines de km..

Carrière et environnement

Les carrières sont soumises à de très nombreuses réglementations européennes et nationales. Cette réglementation est complexe et se modifie rapidement. Nous nous limitons ci-dessous à donner quelques informations générales sur les lois européennes et françaises.

Réglementation européenne

La réglementation européenne ne s’est pas encore intéressée aux carrières en temps que telles. Il existe, bien sur, plusieurs réglementations qui s’appliquent aux carrières sans leur être spécifiquement destinées: La directive sur l'évaluation des incidences sur l'environnement couvre les mines et carrières à ciel ouvert de plus de 25 hectares.
L'activité de l'industrie extractive sera aussi couverte par la nouvelle directive cadre sur l’eau. En janvier 2006, le Parlement Européen a adopté la directive « Gestion des déchets miniers ». Cette directive contient :
  • des conditions liées à la délivrance des autorisations d’exploiter
  • des obligations sur la gestion des déchets (élaboration d’un plan de gestion des déchets avec leur caractérisation, leur quantité etc.)
  • l’obligation de présenter un niveau de sécurité financière adéquat (ce qui correspond aux garanties financières demandées en France).
Le traitement des minéraux en usine est réglé par la directive concernant la prévention et le contrôle intégré de la pollution (IPPC) qui sera discutée de façon plus approfondie dans le chapitre sur l’environnement et les usines. La réglementation des carrières est donc jusqu’à présent principalement nationale et on va détailler la réglementation française à titre d’exemple.

Exemple de réglementation nationale des carrières: le cas français

La législation française, en particulier le code minier, appelle carrières les gîtes de substances telles que les pierres à bâtir, le gypse, les granulats alluvionnaires à béton, les sables, les argiles, la barytine, l'amiante, le talc, les roches massives pour granulats concassés et les roches ornementales. Pour les carrières, la propriété du sol donne la propriété du sous-sol tandis que pour les mines, l'État français reste propriétaire des richesses du sous-sol, et n'en octroie le droit d'exploitation à des particuliers que sous forme de concession. Celui qui désire exploiter une carrière d’argile doit donc soit acheter le terrain, soit acquérir les « droits de fortage », qui lui permettent, moyennant redevance, d'exploiter les matériaux. Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) Depuis la loi Saumade 93-3 du 4 janvier 1993 relative aux carrières, le décret 94-484 du 9 juin 1994, et l’arrêté du 22 septembre 1994, l'ouverture d'une carrière est soumise à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et nécessite, outre l'accord du propriétaire du sol, une autorisation d’exploitation préfectorale dont on a parlé précédemment. L’autorisation est accordée par le préfet pour une durée limitée (15 à 30 ans au maximum) après consultation de la commission départementale des carrières. La réhabilitation des carrières fait l'objet d'une réglementation particulière, avec obligation pour l'exploitant de déposer, dès le début de l’opération, une garantie financière pour couvrir le coût de réhabilitation des lieux en fin d'exploitation en cas de carence de l’entreprise.

Schéma départemental des carrières

Il existe, par département, un schéma des carrières. Il est élaboré par la commission départementale des carrières et approuvé par le préfet de département après avis du conseil général. Il doit constituer un instrument d'aide à la décision du préfet lorsque celui-ci autorise les exploitations. Ses recommandations visent essentiellement à assurer une gestion rationnelle et optimale des ressources, et une meilleure protection de l'environnement. Les tâches à accomplir par cette commission portent sur neuf thèmes fondamentaux :
  • l'inventaire des ressources ;
  • l'analyse des besoins existants et à venir en matériaux ;
  • l'analyse des modes d'approvisionnement existants ;
  • l'analyse de l'impact des carrières existantes sur l'environnement ;
  • l'analyse des modalités de transport des matériaux et des orientations à privilégier dans ce domaine ;
  • les orientations et objectifs dans le domaine de l'utilisation économe et rationnelle des matériaux ;
  • la détermination des zones devant être protégées, compte tenu de la qualité et de la fragilité de leur environnement, en liaison avec la gestion des eaux ;
  • les orientations et objectifs à atteindre dans les modes d'approvisionnement de matériaux afin de réduire l'impact des extractions sur l'environnement ;
  • les orientations à privilégier en matière de réaménagement des carrières.
Les demandes d’autorisation doivent bien sûr être conformes à ce schéma départemental. A l’issue d’une longue procédure administrative : soumission au préfet, envoi à la DRIRE, réalisation d’une enquête publique, consultation des administrations, des élus, de la commission départementale et retour au préfet, c’est ce dernier qui prend la décision finale d’autorisation d’exploitation. Les autorisations d'ouverture et l'extraction font l'objet d'une réglementation de plus en plus stricte et exigeante dans les domaines de la santé (empoussièrement) et de l'environnement. Les problèmes les plus importants portent sur la réduction des nuisances dues au bruit, au transport routier, à la pollution des eaux, et aux impacts faunistiques, floristiques et paysagers.

Émissions des carrières

Établissements classés, les carrières doivent contrôler leurs émissions : les poussières, les eaux de ruissellement et le bruit.

Poussières

Pour les poussières, un certain nombre de précautions sont exigées, comme le traitement des pistes, le lavage des roues des camions à la sortie de la carrière, la plantation de haies d’arbres…

Eaux d’exhaure

Les eaux de carrière peuvent se charger de particules en suspension. Elles peuvent devenir acides en particulier si il y a des sulfures de fer qui s'oxydent lentement en sulfates. Il peut y avoir des pollutions organiques. Dans leur principe, les eaux de carrière (exhaure, pluie, lavage) sont soumises aux mêmes limitations qu'une eau polluée quelconque. L’eau rejetée ne doit pas être chargée en suspensions qui sont de fines particules insolubles, minérales ou organiques, biodégradables ou non, que l’on élimine le plus souvent par décantation. Au-delà de leur aspect déplaisant, elles font écran à la lumière, nuisant ainsi à la photosynthèse qui permet la bonne oxygénation de l’eau:composés chimiques nocifs. L’eau d’exhaure ne doit pas être chargée en composés chimiques. On contrôle alors le pH, les Matières En Suspension (MES), la Demande Chimique d’Oxygène (DCO). Cette dernière est reliée à la pollution organique des eaux puisqu'elle représente le poids d'oxygène nécessaire à la dégradation par voie chimique de la totalité de la matière organique. On note que des sels inorganiques sont présents naturellement dans l'eau, en concentration variable. Ils participent à la conductibilité électrique. On peut trouver des chlorures, des fluorures, des sulfates. Il n’y a pas de limitations prévues dans l’arrêté de 1994. L’arrêté d’autorisation fixe des contraintes conformes à la réglementation pour les caractéristiques importantes pour le projet, généralement des valeurs de rejets sont fixées,
pH
Entre 5.5 et 8.5
Température
<<st1:metricconverter productid="30ᄚC">30°C</st1:metricconverter>
Matières
en suspension
(mg/l)
<35
DCO (mg/l)
< 125
Concentration
en
hydrocarbure (mg/l)
<10
Tableau 18 Valeur typiques exigés pour les rejets d'eau
On trouve souvent des demandes additionnelles comme On ne stockera pas et ne fera pas de transfert d’hydrocarbures dans la carrière. Le nombre et la taille des bassins de rétention sont définis,

Bruits

En ce qui concerne le bruit, il provient principalement des engins de chantier et des camions. Les carrières sont soumises à l’arrêté du 23 janvier 1997. On utilise l’indicateur d’émergence, définie comme la différence entre le bruit ambiant (installation en fonctionnement) et le bruit résiduel (installation à l’arrêt). On définit aussi des zones à émergence réglementée, qui comprennent les immeubles habités environnants. Les émissions sonores ne doivent pas engendrer une émergence supérieure à des valeurs données dans les zones réglementées (< 5 dB(A) le jour et 3 dB(A) la nuit si le bruit ambiant est > 45 dB(A)). Par ailleurs, l'arrêté préfectoral fixe pour chaque période de la journée le bruit à ne pas dépasser en limite de propriété. Il ne peut dépasser 70 dB(A) le jour et 60 dB(A) la nuit. Il peut prendre en compte les tonalités marquées. Souvent on fixe les heures d’ouverture de la carrière et les niveaux sonores et la circulation des véhicules est précisée.

  

Les Matières premières :

Roches argileuses

Ce sont des roches argileuses, et non des minéraux, qui sont utilisées comme matière de base pour la terre cuite. Par définition, ces roches contiennent au moins 50 % de minéraux silico-alumineux. Souvent plusieurs minéraux argileux différents sont associés dans un gisement, auxquels viennent s’ajouter d’autres minéraux non argileux très divers selon la sédimentation de la roche : sable (quartz) et silicates (feldspath, mica), calcaire et autres carbonates, oxydes et hydroxydes, sels solubles, matériaux ferrifères et matériaux organiques (humus). Parmi les roches sédimentaires continentales ou marines, les roches argileuses sont très abondantes. Ce sont des roches tendres, rayables à l’ongle, fragiles à l’état sec, faisant une pâte plastique avec l’eau et durcissant à la cuisson. Dans le gisement, elles peuvent être disposées en couche épaisse ou alterner avec d’autres couches (calcaire, grès). Du fait de leur imperméabilité, elles jouent un grand rôle dans les circulations et accumulations de fluides (eau, pétrole, gaz).

De façon pratique, on distingue souvent les argiles grasses et les argiles maigres suivant qu’elles sont très ou peu plastiques, les argiles blanches ou colorées, les argiles grésantes ou réfractaires selon leur comportement à la cuisson, les argiles smectiques, c'est-à-dire absorbantes et dégraissantes (terre à foulon). Selon le mode de formation, on parle les argiles d’altération provenant de la dégradation des roches selon le climat, les argiles résiduelles qui sont restées sur place après la dissolution des roches les ayant contenues (exemple : argile de décalcification). On parle aussi de terre glaise, ou glaise (terre grasse et compacte fortement argileuse que l’eau ne pénètre pas), de marne (mélange de calcaire et d’argile).

Caractéristiques des principales argiles des carrières françaises pour terre cuite

Les roches argileuses employées en terre cuite en France (d'après L. Alviset) [VI] sont de natures chimiques et minéralogiques très variées, le plus souvent de type illitique ou kaolino-illitique. Nous donnons ci-après des analyses typiques d’argiles françaises ainsi que les limites entre lesquelles varient les différents éléments dosés par analyse chimique (%), déjà données au tableau précédent. La perte au feu correspond à la perte de poids d’un échantillon sec, après un chauffage à 1 050 °C. Il inclut l’eau hygroscopique résiduelle, l’eau de constitution, la combustion des matières organiques, la décomposition des carbonates et, à un niveau moindre, des composés soufrés.
On note les conclusions classiques suivantes  :
  • l’argile kaolinitique D a une forte concentration en Al2O3 ;
  • les pertes au feu sont importantes sur les argiles calcaires B et E ;
  • la faible humidité de façonnage de E est liée à la faible concentration en fines et le contraire pour D ;
  • les argiles calcaires sont plus poreuses après cuisson.
Des données très complètes ont été récemment publiées pour les argiles à briques italiennes , qui viennent bien en complément . En plus de l’analyse chimique, la composition minéralogique est estimée de façon semi quantitative (erreur < 10 %). On donne les propriétés de chaque argile ainsi que les valeurs extrêmes obtenues dans l’étude. On note la correspondance attendue entre les concentrations chimiques en CaO, MgO, oxyde de fer avec les analyses minéralogiques calcite, dolomite et hématite. Les argiles riches en kaolin ont une forte concentration en Al2O3 mais l’opposé n’est pas vrai, car l’alumine ne provient pas seulement de l’argile. Un peu plus loin, on reprendra ces argiles et on en étudiera les propriétés de séchage et cuisson.

Influence des différentes formes minéralogiques des argiles

Dans les deux paragraphes suivants on examine d’abord l’influence de la composition minéralogique sur le procédé ou les propriétés, alors que dans la section suivante on s’intéresse à l’influence de l’analyse chimique. Il y a bien sûr beaucoup de relations entre les deux. Un certain nombre de commentaires sur la plasticité et les aptitudes au séchage ou à la cuisson deviendront plus clairs après l’étude des chapitres décrivant ces aspects (Chapitres 5 et 6). Le tableau 10 donne des relations entre la composition minéralogique, le choix des paramètres opératoires et les propriétés des produits. Flux, additif qui abaisse le point de fusion (fondant) et augmente le grésage.

Influence des différents éléments chimiques

Les différents éléments chimiques jouent des rôles divers:
  • le carbone et les particules organiques de petite taille et bien distribuées, vont diminuer les consommations d’énergie à la cuisson. Elles peuvent favoriser le « cœur noir » et avoir aussi un effet porosant ;
  • la silice existe soit sous forme combinée dans les différents silicates d’alumine (argiles et autres silicates), soit sous forme libre (quartz). Sous cette dernière forme, elle joue le rôle d’élément dégraissant lorsqu’elle est grossière et constitue en quelque sorte le squelette des produits. Il faut cependant se méfier de la silice présente sous forme de quartz : il existe un changement de phase  enallotropique à 573°C, appelé point quartz (transformation du quartz   avec un changement de la taille de la maille), qui provoquequartz  des déformations et tensions internes et peut entraîner l’apparition de casses (fêles) au refroidissement ;
  • l’alumine est généralement liée aux silicates argileux. Dans le cas de la kaolinite pure, la concentration en alumine peut atteindre 46 % en poids. Elle indique donc la plasticité de l’argile, cette plasticité étant d’autant plus élevée que la teneur en alumine est plus importante. On emploiera de préférence des argiles à haute teneur en alumine pour la fabrication de produits pressés à reliefs importants, tels que les tuiles. Elle est aussi signe de tenue à haute température. L’alumine peut avoir encore d’autres origines (sable micacé ou feldspathique). Un fort taux en alumine est donc une condition nécessaire mais non suffisante à l’obtention d’une bonne plasticité ;
  • comme on a vu, les oxydes et les hydroxydes de fer, agissent comme élément fondant (ou flux) au cours de la cuisson, en formant des eutectiques fondant à plus basse température. Ils communiquent aux produits leur couleur rouge. Le fer peut être aussi introduit par la pyrite ou la marcassite (tous deux de composition Fe2S) en grains plus ou moins grossiers qui se décomposent à la cuisson ;
  • la chaux CaO et la magnésie MgO sont des constituants très fréquents. Ils agissent comme éléments fondants puis se combinent aux silicates à la cuisson.
Ces constituants sont issus d’abord des minéraux argiles eux-mêmes, mais ils proviennent surtout des carbonates de chaux (calcaire) et de magnésie (en particulier dolomie) qui se décomposent, au cours de la cuisson, en libérant de l’anhydride carbonique selon la réaction : Équation 1 CO3Ca => CaO + CO2 (g)

Quand les grains de calcaire sont suffisamment fins et répartis, la chaux libérée se combine avec les autres éléments de l’argile pour former des silicates d’alumine complexes, avec des propriétés mécaniques élevées et des couleurs claires : de rose à jaunâtre. Ainsi les produits fabriqués avec des argiles calcaires ne cuisent pas rouges, mais prennent une couleur rose ou jaune, d’autant plus pâle que les produits ont été cuits à température plus élevée. La couleur finale est fonction des concentrations relatives de calcium, de fer et d’alumine, comme on le verra plus tard. La décomposition du carbonate de chaux produit, à l’intérieur du tesson, un dégagement de CO2 et un certain pourcentage de vides qui a pour conséquence de communiquer aux produits cuits une porosité assez élevée.

La chaux confère un bon palier de cuisson suivi d’une fusion brutale. Quelquefois, le calcaire existe dans les argiles sous forme de grains de granulométrie grossière (> 1 mm). Dans les produits cuits, ces grains se transforment alors en gros grains de chaux vive qui ne peuvent s’associer aux autres silicates. Ils s’hydratent sous l’action de l’humidité atmosphérique. Cela produit une expansion qui risque de provoquer des éclatements localisés, qui sont connus, en termes de métier, sous le nom d’éclatements ou point de chaux ; – les oxydes alcalins (K2O et Na2O) proviennent principalement des feldspaths, des illites, des micas et des smectites. Ils peuvent jouer le rôle de fondants. Associés à d’autres éléments (oxyde de fer, par exemple), ils provoquent, au cours de la cuisson, les réactions de grésage, avec création d’une phase liquide, qui confèrent aux produits leurs qualités définitives, et tout particulièrement leur résistance mécanique et leur faible porosité. Le mica présente déjà des phases liquides vers 950 °C. Par contre les feldspaths se liquéfient à plus haute température ; – les sulfates (le gypse CaSO4, 2H2O, l’anhydrite) et les sulfures (pyrite, marcassite) sont généralement des composants indésirables : les fumées des fours vont contenir du SO2 corrosif et des efflorescences risquent d’apparaître sur les produits en cours de fabrication et en œuvre. Le gypse est aussi in source de CaO.

Différents gisements d’argile

Les argiles se trouvent sous forme de grandes nappes, d’extension et de profondeur variables avec des aspects extérieurs divers. Pour des raisons économiques, on s’intéresse principalement aux couches proches de la surface. La présence de matières organiques et de sels minéraux donnent aux argiles une grande variété de teintes (vert, violet, brun, noir), les plus courantes étant gris, gris bleu et jaune. Suivant la période, la terre argileuse se présente comme des mottes plus ou moins déformables. L’été, on peut voir des blocs secs, durs et cassants et des sols fissurés. L’automne, les mottes sont plastiques. Les argiles utilisées pour la fabrication de produits de terre cuite se retrouvent à de nombreux étages géologiques, du primaire au quaternaire. Les argiles ont été dégradées selon les conditions climatiques locales au temps de leur formation à partir des roches originelles. Après leur formation par hydrolyse, les argiles ont souvent été entraînées par les eaux et se sont déposées sur les rives de rivières, dans les bassins lacustres d’alors, dans des deltas ou dans la mer profonde. Les conditions de sédimentation ont été très variées selon les conditions locales (chimie, courants des eaux, variations des conditions dans le temps…). Une grande partie des argiles se sont déposées dans les deltas car la transition de l’eau douce à l’eau de mer favorise la floculation. La formation de mélanges kaolinitique / illitique prédomine près de la côte alors que les mélanges illite/ montmorillonite se déposent plus loin en mer. Des sels, des carbonates d’origine animale et du sable peuvent donc s’y mêler suivant les conditions de dépôt.

Les glaciers et le vent sont aussi des vecteurs importants du déplacement de l’argile. A la suite de leur dépôt, les argiles peuvent évoluer, en particulier en cas d’enfouissement. Elles peuvent se charger en alcalins. Elles peuvent aussi se compacter et se transformer en argilite, peu stratifiée, ou en schistes et en ardoises, plus stratifiés.

Royaume Uni

Au Royaume Uni, on exploite des argiles à terre cuite provenant de tous les ages géologiques depuis l’ère primaire, à l’exception du Permien (c’était alors un désert !). On exploite les schistes ardoisiers du Devon, les argiles d’Oxford sont du Jurassique, le Weald clay est du Crétacé, l’argile de Londres et celui de Reading sont de l’Eocène Tertiaire et on exploite jusqu’à l’Holocène Quaternaire.

France

En France, il n’y a pour ainsi dire pas d’argile de l'ère primaire, mais on trouve des schistes et des ardoises qui peuvent être utilisés chimiquement pour la fabrication de terre cuite avec cependant une plasticité réduite. Les trois étages de l’ère secondaire renferment par contre de nombreux gisements:
  • Trias: bordures de Lorraine et Meuse ;
  • Jurassique : Haute-Normandie (Lisieux, Bavent, Argence), Hautes-Alpes ;
  • Crétacé moyen et inférieur : Beauvaisis, Pays de Bray, Champagne.
Au Tertiaire, se sont formées les argiles du centre du Bassin parisien (argiles de Fresnes, de Vaugirard, des Mureaux), du Centre, de Provence (Bassin de Séon, Ste-Baume), de Salernes, de Charente et du Sud Ouest (Castelnaudary). Au Quaternaire, on trouve les argiles du Centre-Est (Chagny, Lyon, Bourg-en-Bresse) provoquées par le passage des glaciations. Au sommet du Quaternaire, il y a aussi d’importantes formations de lœss. Ce lœss est d’origine périglaciaire, continentale et il a été entraîné par migration éolienne. C’est est une argile siliceuse et calcaire, de couleur jaune à brun clair, présentant peu de plasticité. Ces argiles sont très répandues dans l’est de la France (Alsace). Dans certaines régions, la couche supérieure du lœss a été décalcifiée et a donné naissance à une argile siliceuse, silteuse (grains entre 4 et m), peu plastique, pratiquement exempte de calcaire, appelée lehm,60 qui est utilisée dans le nord de la France. Souvent la couche inférieure est recalcifiée (ergeron).

Allemagne

En Allemagne, les origines sont aussi très variées : Primaire carbonifère permien (Palatinat), Secondaire
  • Trias (Odenwald, Bade Wurtemberg)
  • Lias (Westphalie, basse Saxe)
  • Crétacé (Est du Weserbergland)
Tertiaire miocène (Westerwald, sud de la forêt bavaroise,..) Quaternaire Pleistocène (Brandebourg, basse Rhénanie,..) Quaternaire Holocène (Weser inférieure, Eifel, Elbe inférieur, basse et haute Bavière. On trouve aussi fréquemment des Lehms en Allemagne de façon abondante et c’est en fait un des éléments courant du mélange des tuileries.

Italie

En Italie par contre, toutes les argiles utilisées sont assez récentes, tertiaires ou quaternaires. Il s’agit principalement d’argiles de l’holocène déposées par les fleuves ou dans des lacs (par exemple vallée de l’Arno et du Tibre), d’argiles grises bleues du pliocène ou du Pleistocène inférieur, à la limite du tertiaire /quaternaire, déposés en mer profonde et qu’on retrouve tout le long de la péninsule, de dépôts fluviaux glaciaires du Pléistocène quaternaire (en Vénétie, Lombardie et Piémont). Il est donc possible de mettre en exploitation des gisements variés avec des argiles très différentes. La connaissance des conditions de formation et de sédimentation des couches permet ainsi de mieux comprendre les compositions et les structures des gisements de roches argileuses, la présence des éléments complémentaires, les granulométries, les impuretés, la forme des grains, la consolidation, la structure et l’homogénéité des gisements…5

Géométrie des grains du mélange

Le mélange de production comprend de nombreux grains de différentes formes et taille. La forme et la distribution des granulométries des mélanges ont une grande importance sur leurs propriétés.

Forme des grains

Selon les origines, natures et tailles, la forme des grains du mélange est très variée. En principe, les plus gros grains ont une forme massive, plus ou moins arrondie suivant le processus de production. Les plus gros grains ont été cassés durant le broyage sont anguleux, alors que les grains intermédiaires, plus anciens, ont été usés au cours de leur vie et sont plus arrondis. Les grains les plus fins (argiles <m) ont la forme lamellaire et sont très allongés.2 Classification granulométrique Le mécanicien des sols répartit souvent les particules selon leur diamètre (voir tableau 9).

On voit qu’il parle d’argile sur la base d’une taille et non sur la base d’une composition minéralogique. On a vu cependant que les deux aspects étaient globalement liés.

Surface spécifique

Avec la taille et la forme des particules, varie aussi leur surface spécifique. Lorsque la dimension des particules diminue, leur surface spécifique augmente. Pour des particules sphériques, on a ainsi :
  • surface spécifique volumique (cm2/cm3) = 6/d (cm-1) (avec d diamètre),
  •  densité). (avec surface spécifique massique (cm2/g) = 6/d
Des particules sphériques de 1 µm et de densité 2,5 g/cm3 ont donc une surface spécifique de 2,4 m2/g. Des particules lamellaires présentent bien plus de surface spécifique. Ainsi les surfaces spécifiques totales varient entre 10 et 20 m2/g pour la kaolinite et les chlorites, 30 à 150 m2/g pour les illites et jusqu’à 800 m2/g pour les smectites. A ces dimensions, les réactions de surface sont prépondérantes.

Distribution granulométrique et plasticité

Les propriétés de bonne plasticité et de forte absorption d’eau sont liées à la fraction de la granulométrie inférieure à 2 µm, qui représente réellement la fraction argileuse. Une forte classe < 2 µm donnera une plasticité importante avec en contrepartie, une forte humidité de façonnage et des problèmes de séchage dus au fort retrait. Une faible classe < 2 µm donnera le contraire (faible plasticité, faible humidité de façonnage, faible retrait). Sur le tableau 12, on indique les granulométries observées sur les argiles françaises décrites dans le tableau 8. Les classes de granulométrie employées sont un peu différentes de celles du tableau 11.

Ainsi le loess alsacien comprend une très faible quantité d’argile. Il est par nature très maigre ou très dégraissé. Il se travaille avec une faible humidité de façonnage mais le produit final est poreux. Les argiles très grasses A et D ont des propriétés inverses.

Diagramme de Niesper et Winkler

Selon les produits à fabriquer, on a besoin de plus ou moins de plasticité ; ils sont plus ou moins faciles à sécher. On peut donc imaginer qu’il y a une distribution optimale des granulométries par produit. Une certaine teneur en argiles et limons serait donc à rechercher dans les mélanges de production selon les produits à fabriquer. Niesper et Winkler ont classé les mélanges de production allemands selon trois critères : concentration en argile (<2µm), concentration en limon (2µm < < 20µm), concentration en sable (>20µm) et ont relié la granulométrie aux produits réalisés avec la technologie d’extrusion d’alors. En fait les trois critères sont liés entre eux (leur somme est égale à 1). On peut donc tracer un diagramme ternaire ou un diagramme binaire. On observe alors les distributions des mélanges de production se regroupent zones par type de produit. (Figure 8) On voit que les trop grandes concentrations de fines sont écartées, que les tuiles demandent de 20 à 50 % d’éléments fins et que les granulométries plus grossières sont acceptables pour les briques, en particulier pour les briques pleines.

Si ce diagramme est synthétique, il ne décrit les mélanges qu’avec deux paramètres indépendants: la concentration d’argile et la concentration de limon. Souvent il se limite même à indiquer la quantité d’argile minimale. Par ailleurs, il rend compte d’une situation de la technologie et de choix historiques qui ne sont pas tous techniques. Si on a une très bonne argile et le marché, on peut aussi faire des briques pleines et pas seulement des tuiles. Ainsi s’il distingue bien les produits en Allemagne et en Belgique, il s’applique mal à la production italienne. Ce diagramme reste cependant un élément très intéressant de comparaison qui permet une première approche dans l’amélioration du mélange de production par le mélange de terres différentes.

Compacité maximale

La distribution granulométrique a aussi une grande importance sur la compacité et la porosité des produits sec et cuits. Si le produit sec est très poreux, les échanges hydriques sont faciles de même que les passages de gaz au cours de la cuisson. Par contre, une faible porosité sera obtenue plus difficilement après la cuisson Une distribution serrée de la granulométrie ne peut donner une forte compacité. Si on prend des billes sphériques de rayon uniforme r, la compacité maximale est de 74 % (arrangement rangé hexagonal compact ou face centrée) et d’environ 63 % (arrangement au hasard avec compaction mécanique). Le nombre de coordinence (nombre de points de contact entre une bille et ses voisines) est alors de l’ordre de 7. Ce nombre est important dans les processus de séchage et de frittage. Une meilleure compacité peut être obtenue si on peut boucher les trous de la première population par des billes de beaucoup plus petite taille (par exemple r/10). On bouchera à leur tour les porosités restantes par une nouvelle population de rayon 10 fois plus petit, et ainsi de suite. Si on utilise maintenant une distribution continue, Litzow et Fuller indiquent les distributions qui donnent la compacité la plus élevée pour des grains arrondis (F) et anguleux (L) (Figure 9). L’abscisse peut facilement s’adapter à la dimension maximale des grains d’un mélange de production de brique (ici, 1 mm).

On voit qu’il ne faudrait qu’une faible quantité de fine (< 10 %). En fait, il faut souvent plus d’argile pour obtenir une plasticité acceptable que ce qui est nécessaire pour la compacité maximale. De plus pour obtenir une compacité maximale, il faut non seulement une bonne distribution initiale des particules mais il faut aussi un procédé de fabrication qui permette aux particules les plus petites de bien se placer entre les plus grosses et l’extrusion en voie semi humide, procédé de mise en forme le plus courant, ne le garantit pas forcément. La conclusion générale est qu’il n’est pas possible ni forcément désirable d’atteindre la compacité maximale mais il reste qu’il faut avoir une distribution équilibrée, contrôlée et constante pour assurer la plasticité nécessaire, et obtenir une porosité homogène. Comparaison de distributions granulométriques cumulative Quand le diagramme de Winkler, parait très condensé, il est utile de comparer effectivement les distributions complètes de mélanges ou de roches argileuses brutes. J. Sigg donne ainsi un exemple de différentes distributions sur la figure 10 :
  • mélange 1, toutes les fractions ont la même importance;
  • mélange 2, les fractions fines sont très importantes (< 2 µm, 58 %). Il s’agit d’une terre très grasse, très argileuse, à utiliser en ajout ;
  • mélange 3, au contraire de 2, il s’agit d’un mélange qui contient beaucoup de sable et de limon et qui est très dégraissé ;
  • mélange 4, similaire au précédent sous l’aspect argile, il contient cependant beaucoup de limon ;
  • mélange 5, mélange d’argile grasse avec un sable grossier ;
  • mélange 6, il s’agit du mélange de Litzow et Fuller à compacité maximale ;
  • terre argileuse N1, très grasse, utile sous forme d’ajout ;
  • terre argileuse N2, qui est une très bonne terre à tuile, très plastique ;
  • terre argileuse N3, terre à grès, avec des gros grains qui font un squelette.
  • terre argileuse N4, qui est un lehm peu plastique.
De la même façon que dans les diagrammes de Winkler, il est possible de tracer des zones recommandées pour un certain type de produit. On a par exemple reproduit la zone de Winkler pour les briques pleines (BP) et les tuiles (T).

Éléments dégraissants

Souvent, les argiles naturelles présentent une plasticité excessive, ce qui entraîne des difficultés de fabrication (forte eau de façonnage, séchage lent et retrait de séchage important). Il est alors nécessaire d’ajouter des éléments inertes, appelés « dégraissants ». Ils sont « non plastiques », n’induisent pas de variations dimensionnelles au séchage. Souvent ils sont inertes jusqu'à haute température. Ils donnent aux produits une texture moins compacte, ce qui facilite l’évacuation de l’eau pendant le séchage et les dégagements gazeux pendant la cuisson. Ils permettent aussi une meilleure oxydation à cœur des produits en limitant l’apparition de « cœur noir ». Par contre, ils diminuent la plasticité, la compacité et les propriétés mécaniques après cuisson. Les éléments dégraissants le plus couramment utilisés sont décrits ci-dessous :
  • le sable, de granulométrie de 0,2 à 1 mm, exempt de calcaire, à des doses pouvant atteindre jusqu’à 30 %. Le sable est généralement constitué de silice quartzeuse plus ou moins pure et parfois de feldspaths et mica. Le quartz est stable thermiquement mais subit des transformations allotropiques (point quartz à 573 °C), responsables de casse des produits au refroidissement. Les sables feldspathiques et micacés ne présentent pas cette transformation allotropique. De plus ils peuvent présenter une action de fondant quand leur teneur en éléments alcalins est importante et qu’ils peuvent former des eutectiques ;
  • la chamotte : on désigne sous ce terme de l’argile déjà cuite qui provient le plus souvent du broyage des déchets de cuisson (casson) ; cet ajout est fréquemment effectué pour la fabrication de boisseaux de terre cuite ; en effet, pour ces produits, une texture grossière a pour conséquence une baisse de la dilatation thermique et donc une amélioration de la résistance au choc thermique. Si cette chamotte est stable à la température de cuisson, elle va diminuer le grésage, augmenter la stabilité dimensionnelle et favoriser la production de produits plus poreux ;
  • les cendres volantes de centrales thermiques alimentées au charbon pulvérisé;
  • les laitiers granulés de hauts fourneaux ;
  • des éléments partiellement combustibles tels que le mâchefer, le fraisil, les schlamms (résidus de lavage des charbons). Leurs effets ressemblent à celui de la chamotte, avec un petit effet combustible additionnel ;
  • des roches dures broyées (basaltes, micaschistes…). Suivant la température de fusion de la roche, l’effet sera celui de la chamotte ou provoquera un grésage.
On montre un exemple de l’efficacité du dégraissage pour une argile très plastique au tableau 14.
Le dégraissant permet de limiter l’humidité de façonnage et le retrait de séchage mais il augmente la porosité finale, surtout à 1000°C, en limitant le retrait…

Ajouts spéciaux

Outre les argiles et les dégraissants, il est souvent nécessaire d’ajouter aux mélanges de fabrication des constituants spéciaux, soit pour corriger un défaut propre à la nature de certaines matières premières, soit pour réaliser des produits présentant des caractéristiques particulières. Les principaux ajouts utilisés sont :
  • le bioxyde de manganèse, colorant brun, pour la fabrication de produits d’aspect vieilli ; des doses de 1 à 3 % par rapport au poids sec, permettent l’obtention de produits présentant une belle couleur brune avec des argiles ferrugineuses. Pour les argiles calcaires, le gris est obtenu ;
  • l’oxyde de titane qui permet d’obtenir, avec certaines argiles, à des doses de 1,5 à 2 %, des produits de couleur orangée, jaune ou crème ;
  • le carbonate de baryum qui limite les phénomènes d’efflorescence; la réaction de fixation des sulfates a lieu en phase humide : les ions baryum piégent les ions sulfates à la surface du grain de carbonate de baryum, et le sulfate de baryum est très peu soluble. Les additions et dépendent de la concentration en sulfate du mélange et de l’activité de surface de l’ajout ; elles sont de l’ordre de 1 à 10 kg/tonne. On reparlera de cette addition dans le paragraphe consacré aux efflorescences (Chapitre 9) ;
  • le calcaire finement broyé, est un ajout important. On a déjà parlé de son action : il favorise la cristallisation de composés calciques à partir des phases amorphes, il modifie le retrait à la cuisson et le grésage et permet généralement d’augmenter les paliers de cuisson. Il diminue la dilatation à l’humidité. Par sa décomposition thermique, il va augmenter la porosité du tesson. Enfin il éclaircit la couleur ;
  • la chaux vive est parfois utilisée pour réduire l’humidité d’un mélange ;
  • le carbonate de sodium est parfois ajouté, au niveau de quelques pour milles, pour améliorer la plasticité, comme on le verra plus tard ;
  • les phosphates sont parfois utilisés dans les mêmes conditions et pour les mêmes buts (polyphosphate de sodium, méta phosphate de sodium, silico-phosphate alcalin,…)
  • les lignosulfonates (de sodium ou de calcium), à des doses de quelques pour milles, sont utilisé comme régulateur de séchage uniformisant les vitesses d’évaporation, par la création d’une couche superficielle plus visqueuse et moins perméable. Il augmente aussi la plasticité du mélange de production.

Eléments « porosants »

De plus en plus, les fabricants de briques cherchent à diminuer la conductivité thermique de leurs produits pour obtenir des résistances thermiques de mur élevées. Ils cherchent aussi à diminuer les poids des produits. Ils recherchent aussi des énergies à faible coût. Comme on le verra en détail (Chapitre 14), un des moyens disponibles est d’augmenter la porosité du tesson par l’ajout d’éléments porosant. On a déjà vu que l’utilisation de calcaire/carbonates avait un effet « porosant » et permettait de créer des microporosités à haute température. Il existe deux autres types d’ajout qui augmentent la porosité :
  • l’ajout de composés déjà poreux, inertes et plus ou moins stables thermiquement: perlite, vermiculite, diatomée ou kieselguhr, argile poreuse, verre poreux, hydroxyde d’aluminium…certains de ces produits peuvent s provoquer une expansion au chauffage. Pour la plupart les additions doivent être importantes pour être efficaces.
  • l’ajout de composés organiques qui vont se décomposer, brûler et finalement dégager du CO2. On trouve de nombreux produits, qui se différencient par leur granulométrie, leur pouvoir combustible, leur pouvoir gazogène, leur taux d’humidité, la présence éventuelle de fibres, la quantité et la composition des cendres résiduelles, la zone de température d’oxydation et son étendue, la nature des émissions…
Les additifs les plus importants sont les sciures et écorces de bois, les déchets végétaux (paille,…), le papier, le polystyrène expansé, comme déchet ou en billes, les déchets organiques (boues de papeterie, de brasserie, de tannerie, de stations d’épuration, résidus des l’industries alimentaires, textiles…), les déchets de moules de fonderie, la poudre de charbon, les cendres et résidus de combustion non entièrement oxydées…En partant d’un mélange donnant un tesson de 1700kg/m3, une densité de tesson de 1500kg/m3 sera obtenue avec 15% de sciure. L’ajout de porosants dans le mélange de production se heurte à des limites :
  • C’est un produit dégraissant avec ses conséquences (retrait, humidité de travail plus élevée, résistance plus faible du produit sec).
  • Il faut travailler généralement avec un taux d’humidité plus élevé.
  • On observe une baisse associée des propriétés mécaniques de la brique.
  • Dans le cas des additions organiques, il devient difficile de contrôler la cuisson dans le four quand le mélange est trop chargé en matière organique avec un haut pouvoir combustible (par exemple 400kJ/kg de brique); la charge possède alors un pouvoir combustible qui se rapproche de la quantité d’énergie nécessaire à la cuisson, et la cuisson peut donc s’emballer de façon locale.
  • Durant la combustion, les additions organiques sont susceptibles de produire des gaz polluants dans les fumées, émissions qu’il faut donc maîtriser.

Notions sur les minéraux argiles

Les argiles sont des matériaux sédimentaires de la couche superficielle de l’écorce terrestre, obtenus par dégradation physique (gel, cristallisation de sels,..) et altération par l’hydrolyse des minéraux des roches éruptives et magmatiques (granites et basaltes) sous l’action physique et chimique des eaux de surface. Ces résidus détritiques sont déplacés par voie glaciaire, fluviale ou éolienne et se déposent dans les bassins de sédimentation . Le terme argile vient du grec («argos » = blanc), montrant que les potiers de l’Antiquité se sont d’abord intéressés à des glaises blanches ou à des argiles calcaires cuisant blanc. Ce terme est cependant mal défini techniquement et car il possède différents sens qui ne se recouvrent que globalement. Il peut désigner :
  • des minéraux de structures et propriétés particulières ;
  • des roches argileuses composées pour l’essentiel de ces minéraux ;
  • la partie la plus fine (< 2 µm) d’une analyse granulométrique d’un sol meuble, bien que des cristaux du minéral argile puissent être plus gros que 2 µm et que ceux des autres éléments, comme le quartz, puissent être plus petits.
Les minéraux argiles sont fondamentalement constitués de silicium, aluminium, oxygène et ions hydroxyles. Ce sont des phyllosilicates d’alumine hydratés, le préfixe « phyllo » désignant des minéraux qui prennent des formes de feuillets.

Structure cristallographique

La structure cristallographique de ces feuillets est caractérisée par la superposition de deux couches (« sheet en anglais»):
  • couche tétraédrique (couche ct), tétraèdre de quatre atomes d’oxygène avec un atome de silicium au centre). Il s’agit de l’anion orthosilicate qu’on retrouve dans le quartz ; ici cependant, seuls 3 atomes d’oxygène (et non 4) sont partagés avec des atomes de silicium,. Ils s’allient en formant des hexagones dans le plan, ce qui donne la formule de la couche n(Si2O5)2-. Les atomes d’oxygène des sommets supérieurs ne sont pas neutres mais chacun chargé.
  • couche octaédrique (couche co) à base d’octaèdres de gibbsite Al(OH))3, octaèdre de 6 hydroxyles OH- avec un ion aluminium au centre. Un octaèdre est le volume formé par deux pyramides de base carrée, assemblées par les bases. De nouveau, ces octaèdres s’associent en formant des hexagones selon un plan. On peut aussi trouver de la brucite Mg(OH)2 à la place de la gibbsite.

Les argiles sont des empilements de couches co et ct qui se lient en feuillets (« layer » en anglais) ; les ions oxygène libres des sommets de la couche ct s'intègrent dans certains ions hydroxyles de la surface inférieure de la couche co. Les feuillets des argiles sont de deux types :
  • type co-ct (argile de type 1:1) qui associent deux couches gibbsite/ silice ;
  • type ct-co-ct (argile de type 1:2) qui contiennent trois couches silice/ gibbsite/ silice.
Ces feuillets sont séparés entre eux par un espace inter foliaire (« inter layer » en anglais).Cet espace peut-être vide ou garni de cations K +, Na +, Ca2+, eux-mêmes secs ou hydratés. Comme tous ces éléments sont à l’état ionique, le matériau doit rester globalement neutre. La neutralité électrique est alors obtenue si nécessaire par l'adsorption d'ions intermédiaures dans l'espace interfoliaire. Un feuillet et son espace interfoliaire constituent l'unité struturale, qui aura donc différentes épaisseurs typiques, de 7 à 31 Angström selon les argiles.S’il y a équilibre entre les charges, le feuillet est neutre. Ces derniers sont alors maintenus entre eux par des liaisons hydrogène ou des liaisons de Van der Waals. L’espace inter foliaire est vide.

Cependant la structure des argiles est généralement compliquée par des substitutions partielles :
  • Si4+ substitué par Al3 dans la couche ct
  • Al3 par Mg2+ ou Fe2+ dans la couche co ,
Ces substitutions entraînent un déficit de charges positives. Dans ce cas, la neutralité électrique des feuillets n’est plus réalisée. La neutralité globale est obtenue par l’adsorption de cations dans l’espace interfoliaire qui se garnit de cations K+, Na+, Ca2+, eux-mêmes secs ou hydratés. Selon leur nature et celle de l’argile, ces ions adsorbés sont plus ou moins liés et échangeables. Certaines argiles ont donc la capacité de fixer et d’échanger des ions (principalement des cations) (Cation Exchange Capacity CEC). La classification des argiles dépend alors en grande partie de l’importance du déficit de charge, de la position des substitutions (ct ou co) et des capacités d’échange des cations. Un feuillet et son espace interfoliaire constituent l’unité structurale (« unit structure »), qui aura donc différentes épaisseurs typiques, de 7 à 31 Å (Angström) selon les argiles et l’environnement.

Formation de l’argile

Les argiles sont des matériaux détritiques issus d’altérations physiques (gel, choc thermique,..) suivies de réactions chimiques du type : Silicates parentaux primaires (quartz, feldspaths, pyroxène, amphibole…) + eau de percolation => silicates stables (quartz) ou incomplètement altérés (feldspaths) + minéraux secondaires (minéraux argileux et hydroxydes de Fer et Aluminium) + solutions enrichies en ions. Selon la nature de la solution de percolation, la réaction est une acidolyse, une hydrolyse (pH neutre, eau pure ou chargée en CO2), une salinolyse ou une alcalinolyse. On rappelle que le quartz est la forme cristallisée la plus courante de l’oxyde de silicium. Les feldspaths sont des tecto-aluminosilicates alcalins ou alcalinoterreux (« tecto » = bloc). Ils peuvent être potassiques (comme la microcline 6SiO2.Al2.O3.K20, ou l’orthose), sodi-potassiques comme l'anorthose, sodi-calciques (les plagioclases, de l’albite 6SiO2.Al2O3.Na2O à l’anorthite 2SiO2.Al2O3.CaO). Suivant la concentration en Si02, les roches sont acides (Si02>66%) ou basiques. Les feldspaths existent comme des phases indépendantes ou associées. Ce sont des composants essentiels des roches magmatiques, en particulier des granites. Suivant la roche mère initiale (basique ou acide), les conditions d’environnement comme le climat (chaud et humide avec forte hydrolyse ou non), et la topographie (cuvette ou sommet) qui commande le drainage actif ou non, et la durée de la réaction, les géologues montrent que les types d’argile produits par la réaction d’altération évoluent. On observe très globalement une désilification progressive, une désalcalination progressive, la formation d’argile 1 :2, puis d’argile 1 :1 et enfin de silice.

Compte tenu de sa formation détritique, l’argile se présente sous la forme de très petits cristaux, en forme de plaquettes, ou paillettes pseudo hexagonales ou tabulaires, ou en écailles, qui comprennent des feuillets visibles. Les propriétés différentes des deux couches co et ct induisent des contraintes internes importantes qui limitent la taille des cristaux à environ 10 µm. Il n’est donc pas possible d’observer des gros cristaux d’argile. Il sont généralement < 2 µm. Les cristaux contiennent quelques dizaines à quelques milliers de feuillets. Ils peuvent s’agglomérer pour former des grains de taille supérieure, qu’il peut être difficile de disperser pratiquement.

On trouve des cristaux faits d’une seule unité structurelle (feuillet et espace inter foliaire) mais il est aussi fréquent de trouver des édifices inter stratifiés avec des mélanges d’unités structurelles : co-ct/ /co-ct/co-ct-co/ /co-ct-co/ co-ct/… La description complète du minéral argileux devrait enfin prendre en considération les variations des modes d’empilement des feuillets dans le cristal (empilement régulier, rotation des feuillets entre eux, désordre translationnel, désordre turbostratique…). En conclusion de toutes ces combinaisons possibles, la structure des argiles est très variée : il existe plus de quatre-vingts minéraux argileux qualifiés de simples, auxquels il faut ajouter les complexes et leurs mélanges !

Principaux minéraux argileux

Nous allons examiner les minéraux les plus importants pour la terre cuite :

Kaolinite

kaolinite
La kaolinite [Si2O5]Al2(OH)4 ou écrite en oxydes équivalents 2SiO2.Al2O3.2H2O, (de Kao ling, lieu géographique de Chine), minéral à deux couches ct-co . Le feuillet est neutre et l’espace inter foliaire est vide. L’unité structurelle a une épaisseur de 7,2 angströms. Les feuillets sont liés par de fortes liaisons hydrogène. La structure est stable : l’eau ne peut s’adsorber qu’autour des particules et cette argile n’est pas gonflante. La kaolinite est fréquente dans les sédiments argileux provenant de l’altération de roches acides riches en feldspath (granites par exemple). Elle présente une forte teneur en alumine (46 %) et montre des propriétés de plasticité, de faible retrait au séchage et à la cuisson. Elle demande des températures de cuisson élevées et elle est assez réfractaire après cuisson. Une modification légère de la structure de ce minéral, appelée Halloysite, comprend plus d’eau ; les feuillets ont alors une épaisseur supérieure (entre 7,2 et 10,1 Å) ; d’autres modifications mineures donnent la Nacrite, la Dickite. Dans la Serpentine, le Magnesium remplace l’Aluminium.

Smectites

Les smectites (du grec « smektikos », qui nettoie) comme la montmorillonite M+x[(Al2-x Mgx) Si4O10 (OH)2]-x.nH2O (de Montmorillon en France)(appelé aussi bentonite aux USA, de Fort Benton). Dans les argiles à trois couches ct-co-ct, il peut y avoir différentes substitutions dans les couches, avec des teneurs variables en Na, Al, Fe, Mg. Cela produit différents niveaux de charge (0.2 à 0.6 charge par unité) et des adsorptions d’ions compensateurs plus ou moins liés… Dans la montmorillonite, un Aluminium3+ sur huit des sites orthogonaux est remplacé par le Magnesium2+. Les feuillets ne sont plus neutres mais très négatifs et des compensations importantes sont faites par des ions faiblement liés (Calcium+ dans la majorité des smectites, Sodium+ moins fréquemment). Les smectites se caractérisent par l’interchangeabilité importante d’ions (Mg2+, Fe3+) et ainsi que leur capacité à fixer de l’eau dans l’espace inter foliaire. L’écart réticulaire est donc variable entre 10 et 21 Å en fonction de la présence d’eau. Les cristaux sont généralement très fins. De cette structure et de cette capacité d’absorption d’eau dans l’espace inter foliaire, découlent leurs propriétés particulières de haute plasticité, de grande absorption d’eau, de retrait/gonflement important, de pouvoir liant, d’absorbant. Les Saponites, les Nontronites et les Beidellites sont des variétés de smectite.

Illites

Le groupe des micas et l’illite qui présentent aussi des feuillets à trois couches ct-co-ct. Un exemple de mica est la muscovite KAl2[Si4Al010](OH)2. Elle fait intervenir des ions K2+ qui sont absorbés dans les liaisons inter foliaires afin de compenser le déséquilibre des charges. Cependant ces ions sont liés de façon très stable et la plupart ne sont pas échangeables. L’épaisseur de l’unité structurelle est 10 Å et reste constante.
Le minéral argileux le plus répandu appartient au groupe mica avec potassium et est appelé Illite (de l’état de l’Illinois), de façon générique car les illites sont souvent des mélanges et ne sont sans doute pas un groupe distinct des micas. L’illite contient un peu moins de potassium mais plus d’eau que la muscovite. On dit parfois que l’illite est un « hydro mica ». Sa composition est variable en fonction des conditions de formation. Il a une capacité d’échange limitée et l’espace inter foliaire reste constant. La présence de potassium qui joue le rôle de flux peut abaisser la température de début de fusion vers 1050 °C. L’illite apporte de la plasticité. C’est le type d’argile le plus commun et le plus utilisé dans la terre cuite. La Glauconite est une illite riche en fer. Dans la Paragonite, le potassium et remplacé par le sodium.

Chlorites

Les chlorites (du grec « khlôros » vert) sont encore des composés à trois couches ct-co-ct. Ici, l’espace inter foliaire est garni par des composés de Mg et OH qui forment pratiquement une quatrième couche stable, proche de la brucite. La capacité d’échange est limitée et l’écart réticulaire reste constant (14,1 Å). Les chlorites sont assez fréquentes dans les argiles pour terre cuite.
Il faut encore noter l’existence de nombreux composés, un peu moins courants, très voisins par leurs compositions chimiques et leurs structures et auxquels les composés précédents sont souvent mélangés. Ils sont connus pour leurs formes en feuillet, leurs propriétés glissantes et absorbantes. Ce sont par exemple les pyrophyllites, argile à 3 couches, le talc, phyllosilicate à trois couches, de structure similaire à la pyrophylite, où le magnésium remplace partiellement ou entièrement l’aluminium, les vermiculites, argile à trois couches, proches des smectites, qui, chauffées, augmentent de volume jusqu’à vingt fois et s’exfolient en filaments (ou vermicule).
On compare les différentes argiles entre elles sur le tableau suivant selon différents critères sur lesquels on reviendra plus tard.

Plasticité et rhéologie de la pâte argileuse

La propriété caractéristique des argiles est leur plasticité. La plasticité de la pâte argileuse permet de réaliser de grandes déformations sans perte de la cohésion. Elle implique l’existence d’une contrainte limite (limite élastique d’écoulement) en dessous de laquelle la pâte n’est pas déformée. Au-dessus de cette limite, la déformation est grande et sans durcissement important. C’est l’existence de ce seuil qui fait que la pâte d’argile garde sa forme après déformation. La plasticité est à la fois une propriété très importante mais très complexe car elle est la conséquence de plusieurs facteurs : la déformation, la ténacité et la cohésion. On considère habituellement que la plasticité est aussi associée aux particules de taille colloïdale de l’argile. S’il y a plus d’eau que nécessaire pour saturer les liaisons de surface, le déplacement relatif est aisé. S’il n’y a pas assez d’eau, les particules se touchent directement et les propriétés plastiques disparaissent. La plasticité dépend donc de l’eau disponible et de la surface à mouiller (liée à la taille des grains).

Limites de plasticité et liquidité

La plasticité des pâtes argileuses est influencée par de nombreux paramètres: concentration en eau, nature de l’argile, finesse et granulométrie (plus la pâte est fine, plus elle est plastique), forme des grains, surface et orientation des particules, agrégation des particules, concentration en éléments inertes (sable, etc.), présence de sels… En partant d’une poudre d’argile sèche et en rajoutant de l’eau petit à petit, on atteint une première concentration d’eau où l’argile devient plastique. En continuant l’ajout d’eau, on atteint une deuxième concentration d’eau limite où le mélange devient liquide (barbotine). Ces deux valeurs sont dites « limite de plasticité » et « limite de liquidité » de Atterberg. La différence entre ces valeurs s’appelle l’indice de plasticité. On donne ci-dessous quelques valeurs typiques, obtenues en particulier en sur des argiles et mélanges de production italiens.

Surface spécifique (m2/g)
Limite liquidité (%)
limite plasticité (%)
index plasticité
Kaolinite (pure)
10- 20
30-110
25-40
5-70
Illite (pure)
80 - 100
60-120
35-60
25-60
Montmorillonite
(pure)
400 - 800
100-900
50-100
50-800
Argiles
maigres

italiennes

33-38
22-28
10-16
Argiles
grasses

italiennes

46-66
21-31
20-38
Mélanges de production italiens

35-47
18-26
16-25
Limites de plasticité, de liquidité et indices de plasticité de quelques argiles
Ces valeurs sont habituellement corrélées à des propriétés de la pâte comme la perméabilité, la résistance au cisaillement,… Pour les géotechniciens, Casagrande a placé les différents argiles dans un diagramme limite de liquidité / indice de plasticité. Cette présentation a été reprise par Gippini et permet de comparer des argiles sous l’aspect des propriétés de mise en forme. La ligne U correspond au maximum observable. La ligne A Les mélanges facilement mis en forme se trouvent dans le losange central. On peut aussi les placer dans un diagramme limite de plasticité / indice de plasticité.

Pâte normale

Pour une concentration intermédiaire entre les deux limites précédentes, on atteint la pâte dite de façonnage normal ou pâte« normale», c'est-à-dire bien cohésive, déformable à la main, ne collant pas au doigt et qu’un technicien exercé reproduit assez facilement. Une méthode plus contrôlable de fabrication de la « pâte normale » consiste à fabriquer une barbotine et de couler une couche de 2 à 3 mm sur un moule de plâtre qui va pomper l’eau. La couche d’argile résiduelle se détache facilement du moule de plâtre sans coller et correspond à cette composition normale. Dans cet état, les argiles peu plastiques renferment environ 15 à 20 % d’eau et les argiles très plastiques 20 à 30 %. Elles sont extrudées facilement dans une mouleuse de laboratoire.

Viscosité

Un fluide simple et visqueux obéit à la loi de Newton, c'est-à-dire que la contrainte de cisaillement induite par un mouvement est proportionnelle à la vitesse de cisaillement, le facteur de proportionnalité étant la viscosité. Cette viscosité est constante avec la vitesse.
 dvx/dy, avec :xy = 
  • xy cisaillement ;
  •  viscosité ;
  •  dans la direction y normale à l'écoulement en x.dvx/dy vitesse de cisaillement ou gradient de vitesse 
Les pâtes d’argile ne sont pas purement visqueuses et ont un comportement rhéologique beaucoup plus complexe qui s’apparente souvent à des fluides visco-élastiques de Bingham avec glissement à la paroi . En dessous d’un certain seuil de contrainte  < , la pâte viscoélastique ne se déforme pas. Au-dessus, elle va se déformer et la contrainte sera liée à la vitesse de cisaillement. Cette contrainte limite d’écoulement dépend de la concentration d’eau. Et on a : <math>  < f dvx/dy = 0  >   dvx/dy, avec :f + =   viscosité de Bingham en la considérant comme constante (fluide de Bingham).  et Le mouvement peut être décrit par 2 paramètres   (chacun fonction de la concentration en eau mais non de la pression ou de la vitesse). </math> La viscosité d’une suspension est plus grande que la viscosité du fluide de base. Quand on augmente la concentration en solide à partir du liquide pur, la viscosité augmente d’abord lentement. Par contre, à l’approche d’une fraction volumique critique, la viscosité de la pâte augmente très rapidement et devient infinie. Cette valeur critique dépend de la répartition granulométrique de la pâte, et donc de la compacité de la phase solide et de son état de déflocculation. Une autre propriété des écoulements d’argile est le glissement aux parois. Au contact de la paroi, la couche d’argile est moins dense car les grains frottent sur la paroi ; la couche superficielle est enrichie en eau, ce qui produit une couche de faible viscosité, avec un effet lubrifiant et un glissement global aisé de l’argile. Il faut donc décrire un double écoulement, l’écoulement en pleine section et celui de la couche de contact très fine et plus fluide. Ce mouvement superficiel se décrit aussi par deux paramètres (une viscosité et une épaisseur). Au total, il faudrait donc au moins quatre paramètres pour décrire l’écoulement de la pâte d’argile, paramètres qui sont délicats à mesurer comme on le verra par la suite. La réalité est malheureusement encore plus complexe car la viscosité de Bingham n’est généralement pas constante. La pâte est souvent thixotropique c'est-à-dire qu’elle devient relativement moins visqueuse avec le cisaillement. Cette thixotropie s’explique par l’existence des agglomérats dans le fluide, qui sont détruits par le mouvement et qui se reconstruisent lentement plus tard. Pour finaliser la complexité, il faut aussi noter la viscoplasticité de la pâte qui va évoluer et fluer dans le temps. La modélisation réaliste des écoulements dans les mouleuses, les filières et les moules est donc très difficile à réaliser de façon quantitative.

Mesure de la plasticité des pâtes

Les propriétés de plasticité en fonction de l’humidité sont évaluées par de très nombreux tests. Certains se veulent plus théoriques et d’autres plus empiriques, ce qui signifie qu’il n’y a pas un bon test qui rende entièrement compte de la complexité de la plasticité des argiles. On utilise par exemple les tests suivants :
  • flexion de ruban d’argile autour de mandrins de diamètres décroissants de 220 à 35 mm jusqu’à apparition de la fissure. On évalue l’élongation maximale de l’argile avant fissure ;
  • mesure des limites d'Atterberg : selon ce dernier, la limite de plasticité est définie quand on fissure un ruban d’argile en le moulant dans un moule de 3 mm de diamètre et 5 mm de long et la limite de liquidité est obtenue quand une raie standard est effacée après 25 impacts avec une cuillère ;
  • mesure de la limites de plasticité par l’utilisation d'un appareil 'Pfefferkorn' qui détermine la déformation d'échantillons cylindriques (diamètre 33 mm, épaisseur 40 mm) sous l'impact d'un poids de masse connue (1 169 g) depuis une hauteur fixe de chute (186 mm). La limite de plasticité est définie quand l’épaisseur après choc est réduite à 1/3 de sa valeur initiale ;
  • mesure de dureté : indentation par pénétration d'un cône à 90 degrés, sous une charge donnée.
Les essais ci-dessus donnent des informations sur les humidités de façonnage à choisir et permettent des comparaisons entre les mélanges mais ils ne fournissent pas de renseignement sur les propriétés mécaniques de la pâte. Des tests plus sophistiqués sont alors à réaliser ;
  • emploi de plasticimètre de torsion ou de flexion. On applique lentement une déformation croissante sur une éprouvette d’argile et on enregistre les courbes effort/déformation en torsion ou flexion à une vitesse de déformation donnée. On mesure la limite élastique, l’effort maximal et la déformation à la rupture. L’aptitude au travail est souvent déterminée par le produit : limite élastique x déformation maximale. On réalise ces tests à différentes humidités. Si on augmente l’humidité de la pâte, la limite élastique baisse ainsi que l’effort maximal alors que la déformation à la rupture augmente. On observe souvent un maximum de l’aptitude au travail vers 25 /30 % d’eau.
Avec cet équipement, on peut aussi mesurer la viscoélasticité en appliquant brusquement une déformation et en mesurant la variation des contraintes avec le temps. Ces mesures fournissent de vraies valeurs mécaniques ; malheureusement, elles sont obtenues à la pression atmosphérique, dans des modes et des vitesses de déformation très différentes de celles utilisés dans les mouleuses et les presses ;
  • tests réels d’extrusion sur une mouleuse de laboratoire ou plasticimètre à écoulement. On mesure la pression initiale à la filière à laquelle commence le filage. Puis on augmente les pressions et on mesure les débits en fonction de la pression appliquée. Pratiquement, quand l’écoulement est devenu stable, on arase le colombin au niveau de la filière et on le recoupe après un certain temps de filage. On le pèse et on vérifie son humidité. On obtient donc des relations débit/pression. Ce test est intéressant car on peut travailler à des pressions et des vitesses de cisaillement réalistes. Par un modèle simple, on peut évaluer les paramètres qui décrivent le fluide de Bingham dans des conditions représentatives. On peut donc facilement réaliser des études paramétriques : influence de l’humidité, de la pression, de la température, de différents ajouts… On peut ainsi obtenir des valeurs numériques pour le premier dimensionnement de la mouleuse industrielle.

L'eau dans l'argile

 

L’eau est l’élément déterminant dans les propriétés des argiles et la fabrication des produits argileux. On définit la teneur en humidité massique d’une argile par la masse d’eau évaporable divisée par la masse de l’argile. La masse du matériau utilisée est généralement la masse à l’état sec. On trouve différents types d’eau au contact de l’argile, l’eau colloïdale et l’eau d’interposition, qui disparaissent au séchage à 105°C, l’eau adsorbée à la surface des micelles, l’eau d’hydratation des argiles gonflantes, et enfin l’eau de constitution. On reparlera de ces notions dans le chapitre sur le séchage (Chapitre 5). Dans le tableau 15, on distingue les propriétés de ces différents types d’eau, qui interviennent au cours d’un séchage/cuisson, en se déplaçant vers des états de plus en plus liés. On indique aussi les chaleurs à fournir pour faire passer cette eau de l’état condensé à l’état vapeur.
On considère habituellement que de nombreuses propriétés de l’argile sont associées aux particules d’argile qui sont de taille colloïdale et à leurs propriétés superficielles. En effet pour des petites particules, les forces de gravité deviennent faibles devant les forces de surface.
A la surface d'un feuillet d’argile en présence d’eau il y a une couche ionique négativement chargée qui tient aux substitutions ioniques et au fait que l’argile est formée d’anions de grande taille (O2- et OH-) dans lesquels les petits cations métalliques sont enterrés. Cette couche extérieure est donc légèrement négative et la charge est permanente (Figure 11). Les bords des cristaux d’argile ont aussi des charges ; elles ne sont pas permanentes mais varient avec le pH, H+ en milieu acide et OH- en milieu plus alcalin, et la force ionique(concentration en sels) . Cette couche extérieure négative est neutralisée par un essaim de cations qui viennent se fixer à la périphérie : des ions H+ de l’eau et d’autres cations en solution (Na+, K+…), formant une double couche électrostatique. Le tout est encore entouré de molécules d’eau partiellement polarisées qui viennent s’absorber autour. Cette couche complexe d’eau, partiellement liée, s’appelle la couche d’Helmholtz. L’état électrostatique réel des cristaux dépend donc du pH et de la force ionique de la solution. Ainsi dans les conditions les plus favorables, chaque particule d’argile serait entourée d’une double couche diffuse d’eau dont l’épaisseur m) est du même ordre ou même plus grande que les dimensions(0.01 à 0.3 de la plaquette d’argile . Ce mécanisme de fixation de l’eau a une grande influence sur la plasticité, la formation de colloïdes avec la floculation et la peptisation, etc.

pH de l’argile

Le pH de suspensions d’argiles purifiées est nettement acide (3,5 à 5) car les micelles fixent des ions OH- comme on l’a vu. Les argiles naturelles ont un pH très variable entre 3 et 9, avec la majorité entre 4 et 6, selon les compositions minérales réelles et les impuretés sous forme de sels solubles. Les argiles à forte basicité (pH 8 à 9) contiennent une forte proportion de sels solubles basiques (carbonates, bicarbonates,.). Elles sont floculées à l’état naturel. On revient sur cette notion à la section suivante. Les argiles neutres (pH 6 à 7.5) sont généralement défloculées et coulent facilement par addition de carbonate,… Les argiles acides (pH 3 à 5.5) contiennent des sels acides (sulfates, chlorures de Fe, Al, Ca, Mg) ou de l’acide sulfurique provenant de l’oxydation des pyrites. Elles sont généralement floculées..

Potentiel zêta et floculation

En solution acide, il y a des protons qui viennent s’adsorber sur la couche interne négative des feuillets d’argile et la charge nette est positive. L’inverse se produit en condition basique où la charge est négative. Quand les particules sont globalement chargées, un potentiel de l’ordre de quelques mV se forme à travers la double couche, en fonction de sa charge et de son épaisseur, appelé « potentiel zêta ». Les particules se repoussent et ne s'agglomèrent pas. La barbotine est dispersée.
Tableau 16 pH isoélectrique de différents minéraux
La particule chargée en suspension peut se déplacer dans un champ électrique pendant une électrophorèse. Au « point isoélectrique », le pH est tel qu’il n’y a pas de charge nette sur la micelle d’argile et le potentiel zêta est nul. Pour les argiles pures, le pH au point isoélectrique est généralement acide (Tableau 16). Quand les particules ne sont pas globalement chargées, elles peuvent s’agglomérer facilement. C’est la floculation.

Agglomérats

Quand des micelles d’argile s’agglomèrent, on a observé deux modes d’agglomération :
  • le mode « château de cartes » quand les bords des particules viennent se fixer contre les faces des autres. Il se forme quand les bords sont légèrement chargés positif. C’est le mode le plus commun. Le fluide est non newtonien et présente une limite élastique (Figure 12) ;
  • le mode « tas d’assiette » quand les disques s’entassent les uns contre les autres, faces contre faces, et forment des bandes. Ce mode est plus élastique. On l’observe dans des solutions très salées.
Des variations de pH ou de salinité peuvent donc induire des changements d’arrangement par modification des charges superficielles, et peuvent entraîner des changements importants de viscosité.

Dispersants

On voit ainsi que des changements dans les conditions ioniques de l’eau de façonnage (pH, force ionique c'est-à-dire concentration en sels solubles) vont modifier les doubles couches, les potentiels zêta, et donc les arrangements des micelles. Ils peuvent avoir une grande influence sur des propriétés importantes de l’argile comme la viscosité des barbotines et la plasticité des pâtes.
Les sels solubles de sodium sont des dispersants puissants des suspensions d’argiles : une faible concentration de silicate de sodium Na2SiO3 (ou de poly phosphate ou de polyacrylate de sodium) va modifier la double couche et favoriser la défloculation. Pour la terre cuite, on utilise parfois le carbonate de sodium, bon marché, à des doses de l’ordre du pour cent pour améliorer la plasticité et l’aptitude à l’extrusion. L’argile devient plus plastique, la quantité d’eau de façonnage peut être réduite, le feuilletage diminue et l’aspect de surface s’améliore. Les additions de soude ou de ciment, par leur modification de pH et leur consommation d’eau, sont aussi utilisées pour modifier la plasticité des pâtes argileuses. De même l’emploi de composés tensioactifs, capables de s’adsorber sur les particules colloïdales peut avoir une grande influence sur la floculation. On utilise ainsi comme défloculant des lignosulfonates (un polymère anionique, déchet de la fabrication du papier par la méthode des sulfites) à raison de 0,5 à 1 % de poids d’argile. On a aussi utilisé des tanins (Quebracho), des composés sucrés et des dextroses… Quand ces composés sont utilisés, ils permettent l’extrusion avec une humidité de façonnage plus faible. Ils rendent aussi le séchage plus uniforme.

  

Préparation de la pâte

Les rôles de l’étape de préparation de la pâte sont multiples et importants :
  • éliminer les cailloux et les autres impuretés (racines, ferrailles,…) ;
  • émietter les argiles et obtenir la granulométrie souhaitée ;
  • doser les divers composants et former des mélanges bien homogènes ;
  • humidifier et homogénéiser ces mélanges en vue d’obtenir la bonne plasticité de la pâte.
On peut travailler le mélange de production en condition sèche (en poudre), semi humide (en pâte) ou humide (en barbotine). La préparation sèche s’applique aux argiles jusqu’à des humidités de 10 %, la préparation semi humide entre 10 et 30 % et la préparation humide avec des produits jusqu’à 40 % d’humidité. Le choix se fait selon l’humidité de l’argile de la carrière, le procédé de mise en forme, la qualité recherchée du mélange et particulièrement sa granulométrie et le type de produit. En pratique, la préparation humide, avec des barbotines, n’est pas utilisée dans l’industrie des tuiles et briques.

Préparation sèche

La préparation sèche est développée dans des carrières qui sont sèches (schistes argileux) et dans les régions sèches, car il y est souvent possible d’obtenir des argiles sèches directement à la sortie de la carrière. Cette préparation présente de nombreux avantages car il est possible d’obtenir des granulométries très fines : les particules sèches s’effritent alors que les particules plus humides s'écrasent par déformation plastique. Ainsi à sec, on peut atteindre des taux de réduction élevés et le broyage peut se réalise en une seule étape. On peut réaliser industriellement des granulométries maximales de 100 µm, soit cinq fois meilleures que celles données par les préparations semi humides. On peut rappeler que cette granulométrie est la taille typique pour la préparation de la matière première du mélange du ciment avant cuisson. L’argile et l’éventuel dégraissant seront broyés ensemble. Un tel niveau de granulométrie assure :
  • une grande homogénéité du produit ;
  • une grande qualité de peau et un bel aspect esthétique ;
  • un frittage à plus basse température ou une résistance mécanique très améliorée, ce qui permet de diminuer le poids des tuiles de 10 à 20%.
la suppression des grains de chaux. La préparation sèche est particulièrement intéressante pour les argiles calcaires car une très fine granulométrie permet d’éviter les grains de chaux (voir chapitre 9). A cause de ces avantages, la préparation sèche est spécialement intéressante pour les tuiles et elle s’y développe aussi en dehors de pays à climats secs. Sa rentabilité doit être examinée au cas par cas : l’installation de broyage est plus complexe mais il n’y en a qu’une seule. Il faut sécher partiellement l’argile. Par ailleurs, l’énergie spécifique nécessaire au broyage augmente avec la finesse du grain final. Généralement, l’argile est stockée l’été dans de très grandes capacités fermées qui la gardent protégée de l’environnement. Après un premier traitement qui comprend un désintégrateur à cylindres dentés et des épierreurs, certains lots d’argile trop humides peuvent être séchés jusqu’au niveau où la particule roule, s’effrite et ne colmate plus. La terre argileuse et ses ajouts sont alors placés dans un broyeur à marteaux, dans un broyeur planétaire à boulets ou dans un broyeur pendulaire. Ils fonctionnent en continu, broient et mélangent les composants. Un séparateur recueille et trie le pulvérisé. Le grain trop gros est recyclé dans le broyeur. Un générateur auxiliaire de gaz chaud est parfois nécessaire pour sécher en continu les matières trop humides. Les broyeurs à marteaux tournent à grande vitesse et implique souvent une maintenance élevée. Dans un broyeur planétaire à boulets, les boules roulent libres sur une piste de broyage circulaire comme une couronne à billes géante, sur lequel on introduit le produit à broyer. Les capacités courantes varient de 5 à 100t/h. Le temps de séjour est assez important et la courbe des granulométries est très large dans sa partie fine. Il faut par ailleurs une grosse structure d’entraînement et de mise en charge des boulets. Un broyeur pendulaire est une technologie plus récente pour l’argile. Il contient plusieurs pendules (2 à 4) qui, entraînés par la force centrifuge, écrasent l’argile entre un galet tournant librement au bout du pendule et la carcasse externe du broyeur. Il existe des gammes de broyeurs pendulaires avec des débits dépassant 100 t/h. Le broyeur contient peu d’argile en permanence, sa structure est plus légère car la charge est appliquée par la force centrifuge et la consommation énergétique est plus faible que celle des broyeurs précédents. Par sa grande section ouverte, il permet une ventilation facile. Par ailleurs, il peut travailler avec des taux d’humidité plus élevé. Après le broyage fin, il ne reste plus qu’à remouiller le mélange et le malaxer pour obtenir l’humidité de façonnage. Avec ce mélange plus fin, il faut cependant se méfier de défauts potentiels : plus grande sensibilité au séchage, formation de cœur noir et plus grande sensibilité au gel.

Préparation semi humide

La préparation semi humide est la préparation habituelle en Europe du Nord. Les mélanges de façonnage peuvent cependant être de consistances assez différentes, aussi les types de machines utilisés sont-ils nombreux. La préparation comprend les étapes suivantes :
  • Elimination des impuretés : cailloux, racines, déchets métalliques, gros blocs de calcaire… avec des épierreurs à cylindre à gorge, des épierreurs coniques et des séparateurs magnétiques ;
  • Concassage et fragmentation de l’argile, pour favoriser l’humidification et le mélange fin des composants. Ce concassage et cet émiettement sont réalisés par des brise-mottes cylindriques, des désagrégateurs, des trémies brise-mottes, suivant la nature de l’argile ;
  • Dosage des différents composants : argiles, dégraissants et ajouts éventuels. On emploie des distributeurs doseurs, linéaires ou circulaires (doseurs à bande, doseurs à boîtes, doseurs rotatifs à plateau…), qui assurent des débits constants. On utilise aussi des distributeurs d’ajout, à plus faible débit mais à plus grande précision. Il y a souvent un contrôle pondéral en ligne réalisé par des bascules sur les bandes en continu ;
  • Le broyage et le mélange s’effectuent dans des broyeurs qui sont généralement à meules verticales, ou à cylindres horizontaux :
    • Dans le broyeur à meules, deux ou quatre meules verticales, de grand diamètre (par exemple 2m diamètre et 1 m de largeur) et de grande masse (10 à 20t) roulent autour d’un axe vertical et pressent l’argile au travers d’un fond perforé formant tamis (surface de 4 à 8m2). Les largeurs des fentes sont de 10 à 20mm Les positions des meules sont légèrement décalées pour augmenter la largeur de la piste de broyage. Un système permet aux meules de se soulever en cas de particule très dure ;
    • Dans le broyeur horizontal à cylindres, l’argile est laminée entre deux cylindres parallèles à axes horizontaux, placés dans le même plan horizontal. L’argile arrive par-dessus. Les rouleaux, avec des diamètres de 0.5 à 1.4m et des longueurs jusqu’à 1.5m, tournent avec une vitesse inégale (rapport jusqu’à 1 à 2) de façon à saisir et déchirer les morceaux d’argile et non simplement les comprimer. L’écartement des cylindres détermine la dimension maximale des grains. L’état de surface des rouleaux est fondamental pour un laminage fin et les rayures d'usure doivent être reprises par des rectifications périodiques et fréquentes, et donc généralement effectuées sur place. La fréquence des usinages peut être journalière. Les cylindres sont équipés de système de serrage, pour en modifier l’écartement, et de sécurités qui permettent leur ouverture quand la force de réaction est trop grande (particule très dure). Le débit de ces broyeurs à cylindres est fonction de l’écartement. Pour un débit constant, il faut augmenter la vitesse périphérique des rouleaux quand on diminue l’écartement. Comme les vitesses maximales actuelles sont de 15- 20m/s (environ 400t/min), il y a une limitation de principe sur les écartements minima acceptables économiquement à laquelle s’ajoutent les limitations dues à la rigidité et la stabilité des rouleaux et des systèmes de positionnement et aux vibrations. En pratique, il difficile de travailler avec des écartements plus petits que 0.5mm. Pour évaluer les débits de ces équipements, il faut aussi considérer que le taux de remplissage de l’espace inter rouleaux est inférieur à 1.
    • On utilise plusieurs équipements successifs. Comme on écrase des grains plastiques et qu’on ne les effrite pas, il n’est pas possible d’avoir des rapports de réduction des diamètres de particules obtenus à chaque étape supérieurs à environ 3. On obtient donc les diamètres de particules typiques suivants :
broyeur à meules : 10 mm ; broyeur à cylindres dégrossisseur : 3 mm ; broyeur à cylindres finisseur : 0,8 mm. Les tuiles sont souvent terminées avec de petits écartements (0.5 à 1mm), alors que les briques emploient des écartements plus grands (0.8 à 1.5mm).
  • Humidification finale et homogénéisation obtenues par malaxage. Cette opération est réalisée par des malaxeurs à tamis à axe horizontal ou vertical. Le mélange est mouillé dans un malaxeur mouilleur qui comprend deux arbres horizontaux et parallèles munis de pales qui tournent en sens inverse.

A ces équipements, il faut ajouter les différents moyens de manutention : convoyeur à bande, convoyeur à vis, convoyeur vibrant, élévateur à godets, transporteurs à bande, répartiteur, alimenteur,…, des équipements de stockage : trémie de stockage,…, équipements de mesure de débit : cellules de pesée,… ainsi que les équipements de contrôle et régulation. Si le processus indiqué de préparation de la pâte reste valable dans la plupart des cas, le détail de la composition du train de machines est fonction de la nature de la pâte, du mode de façonnage utilisé ultérieurement et du type de produits fabriqués.

Enfossage

On pratique souvent l’enfossage intermédiaire, ou ensilage, encore appelé aussi injustement pourrissage. Cette opération consiste à stocker l’argile ayant déjà subi sa préparation, contenant une partie de son eau de façonnage, et partiellement aérée, pendant une certaine durée (quelques jours à quelques semaines) dans des fosses ou silos de stockage avant la mise en forme finale. Les buts de l’enfossage sont :
  • l’homogénéisation de l’humidité du mélange ;
  • l’amélioration de l’uniformité de sa composition. Comme le tas de stockage annuel, ce stockage permet d’accroître à nouveau l’homogénéisation des compositions par des dépôts horizontaux dans la fosse avec des reprises verticales. Ce stockage intermédiaire est réalisé dans une installation de stockage couverte avec les moyens de manutention adaptés ;
  • la formation d’un stock de production intermédiaire qui permet d’en améliorer la régularité ;
On note parfois une action plastifiante additionnelle de l’enfossage. Elle serait liée à l’oxydation, dégradation biologique de la matière organique présente et à la formation d’acides organiques qui modifieraient le pH et changeraient les conditions électrostatiques autour des micelles d’argile. D’où le nom de pourrissage qui lui est parfois donné. Un pourrissage complet dépend de la matière organique, de la température et peut demander un temps très long (quelques semaines à quelques mois). Pour des raisons économiques, l’enfossage intermédiaire est généralement plus court que le temps de pourrissage optimal et l’amélioration de la plasticité quand elle a lieu, est limitée.
Une installation d’enfossage est construite sous abri et comprend un système de distribution de l’argile dans la fosse en bandes horizontales parallèles (stacker) et un système de reprise verticale perpendiculaire (gratteur à godets) de façon de bénéficier au mieux de l’effet de mélange du tas. Au lieu d’utiliser une fosse à terre, avec ses systèmes d’alimentation et de reprise, on trouve parfois dans les briqueteries des tas de terre intermédiaires dans un hall. Ce système, qui ne nécessite pas d’investissement, ne garantit cependant pas l’uniformité de la fosse à terre précédente : Le mélange est mal contrôlé et l’eau s’évapore des parois par temps chaud. Quels que soient les produits fabriqués, le rôle de la préparation est très important, et il est souvent sous-estimé par rapport au séchage et à la cuisson. Une bonne préparation va éviter des dosages irréguliers, des variations d'humidité et la présence d’inclusions, sources de défauts dans le produit final. S’il est fréquent d’attribuer la casse ou la fêle des produits au séchage ou à la cuisson, c’est souvent en fait la préparation qui en est responsable. Un dosage irrégulier du mélange risque de donner des produits de caractéristiques variables. Une mauvaise homogénéisation de la pâte peut provoquer des fissures au cours du séchage. Une élimination insuffisante de certaines impuretés risque de favoriser des amorces de fissures ou l’apparition d’éclatements sur les produits cuits (éclatements de grains de chaux).

Façonnage

Le façonnage a essentiellement deux rôles :
  • donner à la pâte une cohésion suffisante. La cohésion, partiellement développée par la préparation, est parachevée grâce à l’élimination de l’air occlus dans l’argile (désaération), à l’amélioration de la plasticité par un mouillage additionnel, par une injection de vapeur d’eau sous pression et par une intensification de la compression de la pâte ;
  • donner à l’argile la forme désirée pour le produit.

Traitement sous vide

La désaération de la pâte par mise sous vide avant son passage dans l’extrudeuse finale a pour but de diminuer la porosité du produit, d’améliorer la plasticité et de donner une plus grande cohésion qui facilite le passage au travers de la filière. En effet les bulles d’air présentes dans le mélange sont écrasées durant l’extrusion, se retrouvent comme des disques allongés et aplatis dans le colombin d’argile et favorisent l’apparition de défauts. Le traitement sous vide limite ces porosités mais il n’est efficace que si les particules d’argile ne sont pas trop grosses (particules fragmentées, aplaties), si l’air peut diffuser rapidement dans la matière (capillaires disponibles) et si le temps de séjour est suffisamment long. La pression totale de l’atmosphère est limitée par la tension de l’eau à la température et est souvent de 5 à 10% de la pression atmosphérique. Une partie de l’humidité de l’argile est donc pompée et une partie de la chaleur de condensation reprise. En résumé, le traitement améliore la plasticité, permet de travailler avec des argiles plus sèches et augmente la résistance mécanique en sec. Par contre le séchage devient plus difficile (moins de porosité) et la résistance au gel a pu être diminuée si le vide et/ou si l’apport de dégraissant était insuffisant. Parfois aussi le recollement des filets d’argile (derrière les noyaux des filières) devient plus difficile.

Contrôle de l’humidité et traitement à la vapeur

Le contrôle de l’humidité est fondamental dans le façonnage car il assure la constance des propriétés mécaniques du mélange. L’humidité initiale peut varier en fonction de la position de la terre dans la carrière, des conditions de stockage, des conditions atmosphériques. Quand c’est possible, on ajuste généralement de l’eau au mélange final dans un mouilleur mélangeur. L’humidité est mesurée directement en continu par des capteurs capacitifs, ou de façon indirecte par la mesure de la puissance électrique instantanée de la mouleuse. Il est plus facile d’extruder des produits plus humides. Par contre, il faut que le produit étiré possède un certain niveau de propriété mécanique : il ne s’affaisse pas sous son propre poids ni ne se déforme au coupeur à fil. Par ailleurs, il faudra éliminer cette humidité supplémentaire au séchage. Pour les produits extrudés, on travaille généralement avec des concentrations d’eau entre 15 et 30 % selon les mélanges argileux. Depuis une vingtaine d’années, il est apparu une nouvelle technique de mouillage qui consiste à ajouter au mouilleur mélangeur, juste avant l’étireuse, non pas de l’eau froide, mais de la vapeur sous pression (de 200 à 700 kPa). On emploie de la vapeur saturée ou surchauffée. On peut alors chauffer l’argile par la chaleur de condensation en limitant l’augmentation d’humidité. La quantité de vapeur ajoutée est de 40 à 50 kg pour 1 t d’argile (entraînant une augmentation de l’humidité de 4 à 5 %). On peut de la sorte étirer des pâtes à des températures variant de 60 à 90 °C, ce qui améliore considérablement la plasticité et l’uniformité dans la mouleuse. Si le séchage suit immédiatement l’extrusion, la haute température le facilite.

Feuilletage

Quand des morceaux d’argile plastiques sont déformés dans une mouleuse ou dans une presse, les taux locaux de déformation sont très différents selon la pièce produite, la position dans la filière et le débit. Il y a des glissements relatifs entre les différentes couches d’argile (au contact du corps de l’extrudeuse, sur l’hélice) et des cisaillements relatifs entre ces couches. Ces glissements relatifs vont produire une orientation préférentielle des particules d’argile et des autres charges lamellaires (mica) de façon à minimiser les contraintes. Les feuillets d’argile vont s’aligner dans le sens du déplacement. Après cette déformation plastique, le produit devient très anisotrope. Le cisaillement est d’autant plus grand que la vitesse de l’argile et le débit sont élevés car la vitesse au contact des surfaces des moules et des filières est très faible de toute façon. Au début de la déformation, la cohésion est conservée. Après un certain taux de cisaillement, variable selon les argiles, un décollement entre les couches, appelé feuilletage (« lamination » en anglais) va apparaître, qui limite la déformation applicable. Le feuilletage est lié à la thixotropie de la masse d’argile. Un fort cisaillement diminue localement les propriétés mécaniques de la masse d’argile, ce qui favorise encore plus la localisation de la déformation et le dépassement local du cisaillement critique. Par ailleurs dans l’opération d’extrusion, le pain d’argile doit être capable de se coller / recoller de façon efficace : collage initial des différents blocs d’argile à l’entrée de l’hélice d’extrusion, recollage à la sortie de l’hélice d’extrusion et après les étriers des filières. Un mauvais recollage est aussi une source de feuilletage. Le feuilletage peut provenir du façonnage mais aussi de la préparation (malaxage trop poussé). Le feuilletage sera limité par :
  • l’introduction de la désaération de l’argile qui supprime les bulles allongées et améliore donc de façon très significative la résistance au feuilletage ;
  • le contrôle de l’humidité qui intervient directement sur la plasticité ;
  • le dessin approprié des hélices, et surtout de la pale d’extrémité, et des étriers des filières ;
  • le choix adapté de la pression de fonctionnement et de la vitesse. Les faibles vitesses limitent le feuilletage.
  • l’amaigrissement de la pâte quand elle est trop grasse.

Procédés de façonnage

En terre cuite, on utilise principalement deux procédés principaux: le filage (moulage ou extrusion) et le pressage.

Briques pleines pressées

La matière première utilisée est généralement le lehm, que l’on trouve en France par exemple dans le Nord, en Normandie et dans la région parisienne. C’est un matériau très maigre, fortement chargé en silice. Les argiles sont façonnées telles quelles, venant de la carrière, avec un pourcentage d’eau faible (de l’ordre de 15 %). On utilise des presses à plateau (pression de 5 à 10 MPa) dont la cadence de production est de 600 à 800 briques/h (briques de dimensions 6 × 11 × 22 cm environ). De nouvelles presses automatiques permettent une cadence beaucoup plus élevée, mais nécessitent un séchage préalable de la terre et une granulométrie appropriée.

Briques pleines et briques apparentes perforées filées

Dans certaines installations de production de briques apparentes, la pâte subit une préparation qui rejoint celle des produits creux. Dans certaines fabrications, on façonne une ébauche par filage qui est ensuite pressée (briques rebattues ou briques repressées). Après façonnage, un aspect de surface est souvent donné : rugosité de surface (sablage, impression…) et couleur (engobe, éventuellement émaillage). Briques pleines apparentes « fait main » ou « soft mud » On fabrique aussi des briques à partir de mélanges d’argile très humide. La matière est projetée dans un moule en bois puis démoulé

Produits creux

La technique de fabrication décrite concerne l’élaboration de briques creuses pour murs, de briques plâtrières, de blocs à perforations verticales, de produits pour planchers et sous plafonds, et de boisseaux (conduits de fumées). Ces produits sont réalisés en continu par extrusion /filage d’un mélange argileux au travers de filières au moyen d’extrudeuses, souvent appelées mouleuses dans l’industrie de la terre cuite. Le produit filé est ensuite coupé à la dimension à l’aide d’un coupeur à fil.

Tuiles

Il y a lieu de considérer les trois grands types de tuiles :
  • les tuiles canal : elles sont généralement façonnées comme les produits creux, par filage ; certaines sont cependant pressées ;
  • les tuiles plates : elles sont souvent façonnées par filage. Parfois, les tuiles sortant de la mouleuse sont pressées pour leur donner leur forme définitive ;
  • les tuiles à emboîtement : elles sont façonnées par pressage d’une galette, elle-même coupée dans une ébauche préalablement filée.
Après façonnage les tuiles peuvent être engobées pour apporter les couleurs et aspects recherchés.

Carreaux

Le façonnage par extrusion à l’aide de mouleuses constitue le mode le plus répandu de mise en forme des carreaux de terre cuite. La mouleuse délivre un ruban continu de pâte plastique, qui est soit simplement tronçonné par un coupeur à fil, soit découpé suivant une forme spécialement choisie (hexagone, fuseau, trèfle, écaille, etc.) par un coupeur spécial fonctionnant suivant le principe de l’emporte-pièce. Dans certains cas, les éléments ainsi découpés subissent un re-pressage, généralement en moules d’acier ou de plâtre.

Mouleuses et filières

Certains produits pleins et les produits creux sont obtenus par le passage du mélange argileux sous pression au travers d’une filière à l'extrémité d'une extrudeuse (appelée aussi mouleuse).

Mouleuses

Selon la nature et l'humidité du mélange ainsi que la complexité du produit à réaliser, l’extrudeuse va être conçue pour l’extrusion dure (humidité inférieure à 18 %) ou semi dure (humidité entre 18 et 30 %).
Les mouleuses sont constituées des éléments suivants :
  • un mélangeur mouilleur dans lequel le mélange argileux est re-mélangé, mouillé, avec ajout éventuel de vapeur, et propulsé à l’aide de deux arbres parallèles munis de pales, au travers d’une grille qui le fragmente en petits morceaux qui tombent dans une chambre à vide ;
  • la chambre à vide où s’effectue le dégazage de l’argile, en fonction de la taille des particules et de leur temps de séjour ;
  • un bourreur reprend les particules d’argiles pour les pousser de façon répartie dans l’extrudeuse;
  • l’extrudeuse proprement dite, qui est un cylindre avec une hélice unique, qui reprend le mélange argileux sortant de la chambre à vide dans la zone de chargement, le presse de façon uniforme pour le densifier, le compacter, supprimer les vides, remplir complètement les spires, le comprime dans la zone de compression en lui appliquant une pression uniforme et le véhicule vers la bouche de la mouleuse, aussi appelée gueulard. Enfin le mélange s’écoule à l’extérieur de la machine à travers la filière. Les efforts de compression de l’argile appliqués par l’hélice sont repris par le palier du bout de l’hélice;
  • des moteurs, des entraînements mécaniques et des réducteurs pour faire fonctionner les éléments précédents. Pour des produits délicats à étirer, les mouleuses sont équipées de variateurs de vitesse ou de moteurs à vitesse variable pour adapter les poussées à la production.
Le mélange argileux avance dans l’hélice comme un écrou, dont on a bloqué la rotation, se déplace le long d’une tige filetée qui tourne sur elle-même. Si le remplissage est bien uniforme, la pression du mélange croît au fur et à mesure qu’il se rapproche de la filière. Le coefficient de frottement de l’hélice avec le mélange argileux doit être faible. Comme l’hélice s’use et sera rechargée, elle a généralement un profil assez simple (vis à un filet, noyau à section constante) et un pas constant mais avec une inclinaison variable, en s’éloignant du centre (10 à 30°). Les hélices sont généralement de grand diamètre avec un nombre limité de tours ; souvent le pas de vis est égal au diamètre. Près de la sortie, l’hélice comprend souvent deux ou trois filets pour augmenter la pression et réduire le coup d’hélice. Le coup d’hélice est la trace que l’hélice peut laisser dans un colombin qui se referme mal. La bouche ou gueulard précède immédiatement la filière. Cette pièce a plusieurs fonctions :
  • changer graduellement la forme du pain argileux de rond à rectangulaire ;
  • annuler les vitesses radiales provoquées par le dernier coup d’hélice ;
  • égaliser les pressions et homogénéiser les vitesses de sortie, en valeur et en direction ;
  • permettre à la fissure en forme de S provoquée par l’hélice de se refermer.
Elle sera donc régulière et aussi longue que possible dans la limite des frottements acceptables. Le débit volumique théorique (m3/s) d'une mouleuse est égal au volume d’une spire multiplié par la vitesse de rotation (nombre de tours/seconde). En pratique la production est nettement plus petite (par exemple de 30 à 60 % du débit volumique théorique) car il y a des retours du mélange argileux entre l’hélice et le corps. Par ailleurs des morceaux de mélange peuvent rester collés sur l’hélice et tournent avec elle sans avancer, ce qui diminue d’autant le volume utile de la spire. Une grande partie de l’énergie fournie à l’extrudeuse passe en chaleur et réchauffe partiellement le mélange. Le débit pratique des mouleuses est conditionné par plusieurs facteurs :
  • la forme des produits à filer et donc la perte de charge dans la filière ;
  • le rapport des sections hélice / filière est important dans le rendement volumétrique ;
  • la vitesse de rotation de l’hélice et le pas de cette dernière ;
  • la plasticité de la pâte et son humidité ;
  • la régularité de l’alimentation. Il faut toujours travailler dans des conditions où l’alimentation est suffisante et ne limite pas la production de l’hélice de la mouleuse.
Le débit de sortie filière est lié à la pression finale d’extrusion, une plus grande pression à l’extrémité de la mouleuse étant obtenue avec un plus grand débit. Les gammes de pression usuelles sont de 15 à 30 bars. On notera qu’une forte pression diminue légèrement le retrait au séchage comme on le verra plus loin. Une tendance actuelle est d’augmenter la pression dans la mesure du possible de façon à travailler avec des mélanges plus durs, plus secs (moins de retrait et moins d’énergie de séchage à fournir) ou contenant moins d’argile. On est cependant limité par la technologie (très gros cylindre à forte pression avec des joints tournants), la qualité des produits et l’usure des hélices et filières. Pour limiter l’usure, on utilise des hélices en fonte de chrome. On trouve aussi des hélices recouvertes de revêtements durs (hardfacing, projection plasma, pastilles de carbures cémentés brasées,) En pratique, on mesure la puissance instantanée (ou l’intensité électrique) consommée par la mouleuse ainsi que la pression au gueulard. On adapte alors la quantité d’humidité fournie à la terre au mélangeur mouilleur. On trouve couramment des mouleuses avec des diamètres de 25 à 120 cm, des débits de 3 à 100 t /h et des pressions au gueulard jusqu’à 35b. La vitesse de rotation de l’hélice est lente (10 à 30 tours/min).Les vitesses du colombin sont souvent de l’ordre de 20 m/mn.
Il existe aussi des extrudeuses pour l’extrusion en pâte dure (de 12 à 16 % d’humidité) qui sont utilisées principalement aux États Unis, Canada, Australie et Afrique du Sud. Le colombin est extrudé très sec, à haute pression (25 à 45 bar). On peut alors utiliser des mélanges plus pauvres en argile. Par contre l’usure des extrudeuses est plus importante et la technique ne s’applique pas à des profils complexes des briques perforées.

Filières

La filière est la pièce placée à l’extrémité de la mouleuse au travers de laquelle le pain argileux est poussé. Elle donne donc au produit sa forme définitive. Un schéma de principe de filière est montré à la figure 20.
Pour les ébauches de tuiles et pour les briques pleines, la filière est un simple trou profilé dans une plaque épaisse. Pour les produits creux, la filière est beaucoup plus complexe. On utilise des noyaux internes fixés à des tiges, elles-mêmes reliées à des étriers transversaux. Pour des briques apparentes perforées, la filière comprend donc une douzaine de noyaux. Pour une brique alvéolée, il y a un noyau par alvéole, soit typiquement une centaine, et la filière est très complexe. Les étriers transversaux freinent le mélange argileux et y provoquent des décollements. Pour un bon recollement, on allongera la longueur des tiges supports mais on sera limité par la rigidité de l’ensemble, qui garantit la stabilité des épaisseurs des parois des produits. Souvent on n’utilise pas de sections profilées pour les étriers, préférant laisser se créer des profils argileux dans les parties mortes. Pour éviter des déformations et flexions du produit, des ruptures localisées ou des feuilletages, tous les filets argileux qui sortent de la filière doivent avoir la même vitesse. Le réglage, pour qu’il en soit ainsi, s’appelle « l’équilibrage de la filière » et constitue une opération délicate et artisanale qui conditionne la qualité des produits. Il faut bien sûr :
  • une plasticité du mélange argileux parfaitement homogène et constante au niveau de la filière et au niveau de chaque paroi individuelle ;
  • une pression homogène dans le gueulard et des pertes de charge locales (et frottements) égales à travers la filière. Les formes symétriques et uniformes de produits sont évidemment plus faciles à équilibrer.
L’équilibrage s’effectue en modifiant les dimensions des canaux de la filière et en introduisant éventuellement des « freins », petites pièces glissées/vissées dans le corps de la filière ou autour des tiges des noyaux, susceptibles de freiner localement le flot d’argile. Ce réglage peut souvent se faire de l’extérieur. On trouve aussi maintenant des filières multiples qui permettent d’extruder plusieurs produits à la fois. Pour un débit donné, la vitesse de sortie des produits est plus faible (jusqu’à 1m/min). La qualité des produits s’améliore souvent. Tous les éléments de la filière sont soumis à l’abrasion du mélange. Ils s’usent en fonction de la quantité extrudée, de la pression d’extrusion et de l’abrasivité du mélange (liée en particulier au quartz et autres dégraissants). Après un certain temps de fonctionnement, la filière usée doit être changée, sinon les épaisseurs des parois et le poids de la brique augmenteraient au-delà de l’acceptable. Pour maximiser la durée de vie des filières, qui sont longues à changer et à régler, on utilise des matériaux très résistants à l’abrasion (c'est-à-dire à la fois durs et résilients : aciers à outil trempés, aciers au manganèse). On peut aussi utiliser des matériaux rechargeables (stellite, carbures cémentés, chromage dur 0,2 mm).

Presses et moules

Les tuiles à emboîtement sont fabriquées par pressage d’une ébauche filée entre deux moules dans une presse.

Presses revolver

Les presses le plus couramment utilisées sont des presses dites revolver . Elles comportent un tambour tournant, à axe horizontal, de forme pentagonale, hexagonale ou octogonale, dont chaque face reçoit un moule inférieur, tandis que le moule supérieur est porté par un plateau qui s’abaisse lorsqu’une des faces du tambour est en position horizontale. La surface de pressage peut comprendre un ou plusieurs moules individuels. Le nombre de faces est lié aux angles par rapport à l’horizontale que prennent les faces non horizontales. Le tambour à 5 faces était bien adapté au chargement manuel, mais ceux à 6 ou 8 faces sont plus faciles à fabriquer et conviennent bien à l’automatisation. L’augmentation de la taille des tuiles fait que les presses automatiques actuelles ont plutôt 6 faces que 8. Différentes opérations sont réalisées sur les différentes faces du tambour, de façon typique :
  • plaquage de la galette sur le moule, avec une légère pré compression pour que la galette reste en place ;
  • pressage complet de la galette avec mise en pression contrôlée du moule supérieur ;
  • ébavurage par un cadre métallique affûté qui vient s’emboîter sur le moule inférieur ;
  • démoulage de la tuile du moule inférieur, reprise par des ventouses à vide et positionnement sur un support de séchage. Ces deux dernières opérations sont réalisées sur la même face.
De façon habituelle, on diminue la vitesse de descente du plateau supérieur en fin de pressage de façon à réduire la vitesse de déformation de l’argile et à limiter les efforts et les contraintes résiduelles.
Ces presses sont généralement électromécaniques. Dans ce cas, elles possèdent des excentriques, des cames et des croix de Malte qui permettent de produire le cycle de pressage adapté. Ces presses sont relativement peu coûteuses mais peu flexibles. Elles sont donc utilisées pour les produits répétitifs des grandes séries. Les presses sont parfois hydrauliques, ce qui permet d’avoir de plus grandes forces de pressage, de contrôler exactement le mouvement du piston au cours des différentes phases du pressage et de s’adapter facilement aux différents types de tuile et accessoires. Par contre la vitesse est généralement plus faible. Elles sont utilisées pour les pièces plus complexes, avec des plus petites séries. Les moules sont fixés mécaniquement ou hydrauliquement sur la presse et sont changés manuellement ou de façon automatique. L’alimentation des galettes et l’évacuation des tuiles étaient faites de façon manuelle. Elles sont maintenant réalisées généralement de façon automatique par des automates ou des robots. Suivant le développement de la presse, le niveau de régulation et contrôle est variable.
La puissance est fonction de la force maximale et de la vitesse. La force de pressage est liée à la plasticité et à l’humidité du mélange argileux, à la forme de la tuile (section et complexité) et à l’épaisseur de la bavure. Il existe d’autres dessins de presse qui sont moins utilisés que la presse revolver comme la presse à table rotative, plus simple mais moins rapide, Elle est souvent hydraulique. La fabrication des tuiles à la presse est faite de différentes manières selon la nature du moule :
  • moules de plâtre ;
  • moules d'acier ;
  • moules avec feuille de caoutchouc.

Moules de plâtre

Le moule de plâtre produit de très bons états de surface de la tuile (très lisses) et la tuile se démoule facilement. Le plâtre est poreux et un peu d’eau est comprimée au pressage. Quand la pression est relâchée, l’eau ressort partiellement et facilite le démoulage. Le moule individuel est peu coûteux mais il s’use rapidement. Il faut donc utiliser des mélanges argileux assez humides (20 à 30 %). Malgré cela, il faut changer fréquemment les moules de plâtre, parfois plusieurs fois par jour (environ toutes les 1 000 à 3 000 pièces), sinon l’épaisseur des produits devient trop importante. Il convient donc d’avoir un atelier de fabrication de moules de plâtre. Par ailleurs les abondants déchets de plâtre doivent être traités séparément. On utilise la technique du moule « ouvert ». On prend une ébauche d’argile de format nettement plus grand que nécessaire et les moules se referment à une position fixe en laissant un espace périphérique de l’ordre de quelques mm (par exemple 4 mm). Il y a donc formation d’une bavure qu’il faut ébavurer puis recycler. La pression maximale de pressage est fonction de cette bavure et est, bien sûr, limitée. Le procédé ne nécessite pas d’ajustage serré, le moule étant toujours rempli. Le procédé supporte bien l’usure des moules.

Moules d’acier

Les moules en fonte ou en acier sont plus chers à usiner, plus durables, mais le démoulage est plus difficile et l’état final de surface souvent moins bon. Le produit est plus facile à sécher car on emploie une pâte plus sèche (humidité < 20 %). Ces moules sont donc utilisés quand le produit le permet. On travaille aussi généralement en « moules ouverts ». Pour faciliter le démoulage, on emploie des huiles qu’on pulvérise sur le moule. On utilise aussi l’air comprimé soufflé entre le moule et la tuile. Une autre technique est l’application d’un choc électrique sur les moules : cette tension attire de l’eau au contact du moule par électrophorèse, et produit une couche de gaz par électrolyse, ce qui facilite le démoulage. Il est aussi possible de travailler en moule « fermé ». Dans ce cas, le moule se referme presque complètement, sans être complètement fermé, l’écart final entre moules est plus faible. La bavure est de faible importance. On peut travailler avec des pressions plus fortes et plus uniformes. Par contre le moule doit être précis, et l’ébauche doit être très bien contrôlée en poids et, parfaitement positionnée sur le moule.

Moules avec feuille de caoutchouc

On peut aussi utiliser des moules en matières synthétiques recouverts de feuilles de caoutchouc fixées et plaquées sur le moule en faisant le vide avant pressage. Il s’agit de membranes préformées fixes de 1 mm d’épaisseur ou de feuilles fines en rouleau qui se déroulent lentement à chaque pressage pour répartir l’usure. La remise à l’air permet l’éjection facile de la tuile. L’emploi de cette feuille limite cependant les reliefs qui peuvent être produits.

Autres équipements de mise en forme et presse à briques

Il existe d’autres équipements de mise en forme, adaptés aux autres procédés de façonnage, en conditions humides ou en conditions sèches. Ils ont été développés principalement pour les briques apparentes et sont employés de façon extensive dans certains pays européens et aux États-Unis :
  • les machines de fabrication des briques apparentes dites moulées main (« soft mud »). Ce procédé simule le procédé manuel ancien et produit des aspects esthétiques intéressants qui mettent en relief la structure de la brique. Ces machines sont utilisées avec des argiles très humides, de l’ordre de 30 %. La pâte est poussée dans des moules d’acier préalablement saupoudrés de sable, par une lame en spirale (Mould chain press). On trouve aussi des machines qui préparent des ébauches de brique, les poudrent et les projettent dans un moule. Différents effets de surface peuvent être obtenues avec des sablages, des lavages superficiels,…
On peut arriver à des productions de l’ordre de 40 000 briques à l’heure ;
  • des presses à brique. Le mélange assez sec (humidité 18 %) est pressé dans un moule. On fabrique des briques pleines avec des creux (frog) qui économise l’argile et sont plus facilement démoulables.






Séchage


Les produits ont été façonnés avec une teneur en eau de 15 à 30 % (chiffres exprimés en % par rapport au poids sec). Il est nécessaire, avant de les soumettre à la cuisson, d’éliminer la plus grande partie de cette eau : c’est l’opération de séchage. Après leur passage dans le séchoir, les produits ne contiennent plus que 1 à 2 % d’eau résiduelle. Le séchage est une phase délicate et importante de la fabrication qui doit être menée judicieusement si l’on veut obtenir des produits de qualité. Nous allons étudier les principaux problèmes technologiques posés par le séchage et décrire les principaux séchoirs utilisés dans l’industrie de la terre cuite.

Rappels sur l’air humide

L’air sec est un mélange d’oxygène, d’azote et d’autres gaz en concentrations plus faibles. L’air humide est un mélange d’air sec et de vapeur d’eau. La pression totale est la somme de la pression de l’air sec et de la pression de vapeur. Si à une température donnée, on augmente lentement la quantité de vapeur d’eau dans l’air, l’air est d’abord non saturé. Puis il existe une pression, dite tension de vapeur saturante, où la saturation est atteinte et une condensation d’eau (brouillard ou condensation superficielle) est observée. L’air humide est alors dit saturé. L’humidité absolue est la quantité de vapeur d’eau, exprimée en kg de vapeur d’eau par kg d’air sec. L’humidité relative (en %) est le rapport entre la pression de vapeur de l'air et la tension de vapeur saturante à la température. Quand l’humidité relative est de 100 %, il y a condensation. L’humidité relative est aussi appelée degré hygrométrique. Sur la figure 24, on a tracé la variation de la vapeur saturante avec la température. La tension de vapeur saturante augmente beaucoup avec la température. En dessous de la courbe, l’air est humide mais non saturé et sans condensation ; on a tracé les courbes correspondant à différentes humidités relatives partielles. Un point au-dessus de la courbe de vapeur saturante est sursaturé ; il n’est pas monophasé et il y a condensation (vapeur + liquide). On prend maintenant un air humide non saturé à une certaine température (par exemple 70 °C à 70 % HR). On en baisse lentement la température ; à une température donnée (62 °C), il va y avoir un début de condensation, c’est le point de rosée (figure 22). On a alors atteint la vapeur saturante à cette température. Ce point de rosée est défini par la température et l’humidité absolue correspondante. Son humidité relative est de 100 %. On nomme la température sèche de l’air la température indiquée par une sonde de température nue placée dans le courant d’air. La température sèche de l’air précédent est de 70 °C. Si on mesure la température du même mélange avec un thermomètre dont le capteur est entouré d’un linge qu’on maintient mouillé et ventilé, on constate que la température mesurée est inférieure. On l’appelle température humide. On admet que l’air humide autour du bulbe mouillé se refroidit en évaporant de l’eau jusqu’à saturation. Ainsi, de l’air à HR = 70 % et à température sèche de 70 °C aura une température humide de 62 °C. L’écart entre la température sèche et la température humide est d’autant plus faible que l’air humide est peu chargé d’eau.
Figure 23 Température sèche et température humide
De façon réciproque, la mesure conjointe des températures humides et sèches permet de connaître le degré d’hygrométrie de l’air. Le pouvoir séchant est la différence entre l’humidité absolue de l’air de séchage et la tension de vapeur saturante à la température, exprimée en kg de vapeur/kg d’air. La chaleur totale de l’air humide, ou son enthalpie, correspond à la quantité de chaleur à fournir pour élever sa température de 1 °C. Elle est égale à la somme de l’enthalpie du gaz sec, de l’enthalpie de la vapeur et des éventuelles chaleurs de vaporisation. Elle est entièrement définie quand on connaît la température et l’humidité de l’air. L'énergie de vaporisation de l'eau est de 44 kJ/mole (2 444 kJ/kg) à 0 °C et 40,7 kJ/mole (2 261 kJ/kg) à 100 °C. Sans parler de l’entropie, il y a donc cinq variables qui peuvent décrire un air humide ; température sèche, température humide, humidité absolue, humidité relative, enthalpie, et deux paramètres à eux seuls sont donc capables de le décrire entièrement, les autres en découlent. Il existe donc différents diagrammes de l’air humide correspondant au choix des deux paramètres représentés. Tous les cycles de séchage se décrivent facilement dans ces diagrammes. Un diagramme couramment utilisé est le diagramme de Mollier. La figure 25 montre ce diagramme, température sèche en ordonnée, humidité absolue en abscisse. Ce diagramme est similaire à celui de la figure précédente, mais abscisse et ordonnée ont été permutées. On a aussi tracé les courbes à enthalpie constante (droites très pentues) et à densité constante (en tiret, presque horizontales). Partons d’un air extérieur (15 °C, 80 % HR).Le point représentatif de cet air humide est en bas à gauche. Il contient 8 g d'eau/kg d'air sec. La densité est de 1,23 kg/m3 et l’enthalpie est alors de 35 kJ/kg. On chauffe cet air à 150 °C. Comme la quantité d’eau ne varie pas, le point représentatif suit une verticale. A 150 °C, la densité est de 0,83 kg/m3 et l’enthalpie est de 170 kJ/kg. Pour le chauffer, il a fallu utiliser 135 kJ/kg d’air. Si cet air évapore maintenant de l’eau sans apport extérieur de chaleur, il va se déplacer à enthalpie constante. Si l’évaporation est arrêtée quand l’air atteint une humidité de 80 %, alors l’air aura une température de 44 °C, il contiendra 49 g eau/kg d’air sec. Il aura donc évaporé 41 g d’eau/kg d’air sec. Le diagramme de Mollier est donc la base des calculs de quantités théoriques d’air de séchage.
Figure 24 Diagramme de Mollier

Isotherme d’absorption des argiles

Quand un matériau comme l’argile se trouve en équilibre dans une atmosphère d’une humidité relative donnée, à une température donnée, il adsorbe lui-même une certaine quantité d’eau jusqu’à une concentration d’équilibre. Si on mesure les teneurs en humidité d’une argile à l'équilibre (kg H2O/kg argile sèche) en fonction de l’humidité relative de l’air, on obtient une courbe qui s’appelle l’isotherme d’adsorption de l’eau de cette argile (ou la courbe de sorption hygroscopique). Si on trace la courbe en absorption ou en désorption, on observe généralement une hystérésis. L’isotherme d’adsorption des argiles varie selon la nature de l’argile, la structure granulométrique et la présence de sels. Sur la figure 26, on montre l’isotherme d’adsorption de quelques argiles. Pour une humidité relative donnée, la kaolinite adsorbe peu d’eau ; elle est peu hygroscopique. La montmorillonite en absorbe beaucoup ; elle est beaucoup plus hygroscopique.
Figure 25 Humidités d'équilibre de différentes argiles en fonction de l’humidité de l’air

  

Théorie du séchage

Cinétique du séchage

On examine comment la vitesse de séchage évolue dans le temps. Quand on met un morceau d’argile humide dans un courant d’air, de température et d'humidité données, avec une vitesse d’air connue, on observe trois périodes successives durant le séchage (voir figure 27).

Phase 1 : liquide externe

Dans un premier temps, la température du produit humide, ou tout au moins de sa surface, va tendre vers la température humide de l’air, comme le bulbe du thermomètre humide. Si l’eau qui s’évapore est chargée en sels solubles, la température en sera légèrement modifiée. Quand la température est stable, la vitesse d’évaporation reste constante tant que du liquide est présent à la surface de la pièce. Durant cette période, le phénomène limitatif est l’évaporation de l’eau à la surface, qui est régie par les conditions de l’air extérieur. La vitesse d’évaporation est constante. La quantité séchée est proportionnelle au temps et peu fonction de l’argile (sauf par la présence de sels solubles qui peuvent changer la tension de vapeur). On distingue cette phase sur la Figure 27 seulement à basse température car l’échantillon est très mince (2mm).
Figure 26 Vitesse de séchage d’un ruban d’argile à différentes températures
(épaisseur 2 mm, air HR 67 %, 0,43 m/s) 
Cette vitesse d’évaporation est fixée par la capacité de sécher l’air et par l’apport de chaleur rendue disponible par la convection. La quantité d’eau évaporée est proportionnelle à un coefficient de transfert lié à la vitesse de l’air et à la différence température sèche/température humide. T , avec :t= a/L x m/Équation 2 
  • tm/ vitesse de séchage par unité de surface (kg/m2/s) ;
  • a coefficient de transfert thermique (W/(m2.K) ;
  • L chaleur de vaporisation de l’eau (J/kg) ;
  • T différence des températures (°C) sèches et humides de l’air.
En convection libre, les valeurs courantes du coefficient a vont de 8 à 15 W/(m2.K). En convection forcée, elles sont couramment de 20 à 80 W/(m2.K), selon les conditions géométriques et la vitesse de l'air. a augmente avec la vitesse de l’air. Il existe plusieurs relations empiriques qui l’évalue. Une relation empirique simple est la suivante : Équation 3 a = 30.w0,5 avec :
  • w vitesse de l’air en m/s.
Comme l’eau mouille bien les pores de l’argile, elle est apportée continuellement par la pression capillaire dans un milieu non saturé (voir chapitre 14). Selon Jurin et Cantor, cette pression capillaire est : /r avec :Équation 4 P = 2
  • p pression capillaire (Pa) ;
  •  tension de surface de l’eau (0,066 N/m à 60 °C) ;
  • r rayon du capillaire (m).
Pour un pore de rayon 10 µm, la pression capillaire est de 13 200 Pa, soit 0,13 atm. Elle est plus grande pour les pores plus petits. Ce flux d’eau liquide est par contre limité par la perte de charge dans les pores.

Phase 2 : peau externe sèche

Puis la diffusion de l’eau dans l’argile diminue au point que le flux diffusé n’est plus capable d’équilibrer l’évaporation. La surface de l’argile ne contient plus d’eau liquide et le front de vaporisation vapeur/liquide se retire à l’intérieur du produit. Une croûte sèche se forme alors à la surface. La pression capillaire modifie la pression de vapeur au-dessus de l’eau dans le pore, ce qui entraîne une réduction de la vitesse de séchage. Les pores sèchent de façon non uniforme en commençant par les plus gros où la pression capillaire est plus faible. La température de la surface monte pour atteindre la température sèche de l’air de séchage. Cette phase se décompose en fait elle-même en deux.
  • Dans un premier temps, c’est la capillarité qui est le phénomène limitant de l’apport d’eau liquide vers le front de vaporisation.
  • La longueur de diffusion de la vapeur croît et le facteur limitant devient maintenant la diffusion de l’eau sous forme de vapeur dans les pores jusqu’à la surface.
On observe ainsi une baisse de la vitesse de séchage avec le temps et finalement la vitesse s’annule.

Humidité hygroscopique

A la fin du séchage, il reste une humidité résiduelle qui correspond à l’hygroscopie de l’argile, en équilibre avec l’humidité de l’air ambiant.

Retrait de séchage d’une argile et aptitude au séchage

Lorsqu’un mélange argileux très humide est soumis à un séchage très lent de façon que l’humidité reste uniforme dans l’échantillon, on observe un changement de la structure du mélange: les particules élémentaires, primitivement dispersées dans l’eau (état A de la figure 28), tendent à se rapprocher de plus en plus puis à s’imbriquer, ce qui entraîne d’une part un retrait, et d’autre part une consolidation ou prise de cohésion.
Figure 27 Structure du mélange argileux au cours du séchage
Lorsque les particules sont en contact, il reste encore de l’eau entre elles (état C), qui continue à s’évacuer alors qu’il ne se produit plus de retrait dans la pièce. Ces phénomènes sont illustrés sur la figure 29, où le retrait du volume de l’argile et le volume d’eau retiré sont tracés en fonction du temps. Selon la représentation de Bourry, on distingue trois phases :
  • la première consiste à retirer l’eau autour des particules et le volume de retrait de l’argile correspond au volume de l’eau retirée. L’eau qui part au cours de la première phase (avec retrait) est appelée « eau colloïdale » dont on a déjà parlé au chapitre 2 ;
  • puis des particules viennent en contact et le retrait diminue ; le départ de l’eau devient partiellement compensé par la création de porosités. Cette phase dépend de l’arrangement des particules qui se crée et est typique de chaque mélange. En particulier l’espace est plus ou moins rempli selon la répartition des granulométries et les particules sont plus ou moins organisées selon le mélange et les conditions du façonnage. Ainsi sur la figure 29, après 70 h de séchage, l’argile a pris un retrait HI, des porosités IJ se sont formées et le volume d’eau résiduel est JL ;
  • dans la partie finale, il n’y a plus de retrait et le départ de l’eau est totalement compensé par la création de porosités. L’eau qui part au cours de la troisième phase (sans retrait) est appelée « eau d’interposition ». Elle dépend de l’arrangement des particules d’argile. Quand l’argile est dans cet état, elle a perdu sa plasticité et les Anglo-saxons disent qu’elle est « leather hard », c'est-à-dire qu’elle a la «dureté du cuir ».
On notera que ces trois phases sont différentes en principe des trois périodes précédentes observées en cinétique. Quand le séchage est très lent, la fin de la première période correspond à la fin de la deuxième phase : toutes les particules se touchent, il n’y a plus de retrait mais tous les espaces sont encore remplis d’eau et la couche liquide de surface est encore là.
Figure 28 Variation des volumes au séchage
Une autre représentation de la courbe précédente consiste à tracer la variation de volume de retrait de l’argile humide en fonction du volume d’eau retiré, en supprimant le temps qui est fonction des conditions de séchage. On obtient la courbe de la figure 30 , qui est plus, ou peu, fonction du temps. Quand il y a beaucoup d’eau colloïdale, toute diminution de la quantité d’eau correspond à une diminution de volume équivalente de l’argile humide. Sur cette représentation, la pente en début de séchage est égale à 1. Puis les gros grains commencent à se toucher, les particules rentrent en contact les unes dans les autres et la courbe change de pente. Finalement le volume de l’argile ne diminue plus quand l’humidité baisse encore. La fin du séchage se fait à volume d’argile constant. On peut tracer en coordonnées normées avec l’état sec comme référence : le changement de volume relatif, et le volume d’eau rapportés au volume sec de l’argile. La pente en début de séchage est toujours égale à 1. On peut choisir le point sec comme origine. De façon pratique, Bigot et ses successeurs ont proposé plusieurs modifications de la courbe de séchage :
  • tracer la figure en coordonnées normées avec l'état sec comme référence ;
  • choisir l'état sec comme origine des axes ;
  • tracer la variation relative de longueur de l'argile, plutôt que celle du volume. La variation relative de longueur est égale au tiers de la variation du volume pour un solide isotrope ;
  • tracer les variations du volume d’eau par rapport au poids de l’argile sec et non à son volume. Mais dans ce cas la densité de l’argile sèche intervient.
Sur la figure 31, on montre des courbes de séchage selon Bigot pour différentes argiles. Le retrait initial est toujours linéaire. Par contre les pentes dépendent maintenant de la densité de l’argile sèche et de l’anisotropie du matériau. Les non linéarités initiales éventuelles sont principalement liées à la présence de porosités préexistantes dans l’éprouvette. La partie la plus caractéristique des courbes se situe quand sa linéarité s’achève. On commence généralement le test de séchage pour courbe de Bigot avec un mélange « normal » ou un mélange réaliste de caractéristique mécanique donnée. Plus la courbe est longue, plus le retrait est important par définition. Plus elle est haute, plus il faut éliminer d’eau. Une forte eau d’interposition indique une argile facile à sécher car l’eau colloïdale est réduite d’autant et parce que c'est une indication de la porosité du matériau sec. Pour les pâtes utilisées dans la terre cuite, les concentrations d’eau totale sont de l’ordre de 17 à 30 % et les concentrations d’eau d’interposition sont de 9 à 14 %. Le retrait varie de 4 à 8 % environ (selon la nature minéralogique de l’argile, la granulométrie, la teneur en éléments dégraissants, la teneur en eau de façonnage, la compression subie par l’argile lors de son passage dans la filière, etc.). Les retraits supérieurs à 8 % posent beaucoup de problèmes de production.
Figure 30 Courbes de Bigot
Durant le séchage de pièces réelles, au cours des premières phases de séchage, les gradients d’humidité en travers de la pièce vont générer des déplacements différentiels et donc des contraintes préjudiciables à la qualité des produits. Ces contraintes sont d'autant plus importantes que le retrait est grand. Dans ce sens, un mélange argileux présente une bonne aptitude au séchage quand le retrait de séchage est limité.

Concentration d’eau hygroscopique, reprise d’humidité et aptitude au séchage

Dans cette section, on caractérise l’aptitude au séchage par la possibilité d’obtenir une faible humidité résiduelle après séchage. Si on veut obtenir au final un produit très sec, il faut l’exposer et le conserver dans une atmosphère très sèche. Suivant les argiles, il faut des atmosphères plus ou moins sèches selon l’isotherme d’adsorption. On peut donc connaître les humidités finales des produits que l’on peut obtenir dans un séchoir avec un air d’humidité donnée. De façon pratique, les humidités résiduelles doivent au moins être inférieures à l’humidité d’interposition où le retrait s’arrête. Ce n’est cependant pas suffisant : quand les pièces vont rentrer dans le four et être chauffées rapidement, l’eau résiduelle absorbée va s’évaporer rapidement et la pression de vapeur peut endommager les produits. On recherche donc des teneurs en humidité plus faibles. Le séchage / humidification est un phénomène réversible. Si on expose des produits secs à une atmosphère humide, ils vont reprendre de l’humidité. A la sortie du séchoir, le produit sec tendra à réabsorber de l’humidité jusqu’à cette concentration d’équilibre. De façon réciproque, on peut voir si une argile sèche risque ou non de reprendre beaucoup d’eau pendant une exposition à l’atmosphère. La montmorillonite est donc très défavorable sous cet aspect. Dans cette optique, l’aptitude au séchage est la possibilité d’obtenir des faibles humidités résiduelles de l’argile et son aptitude ou non à ne pas reprendre d’humidité.

Résistance à la fissuration et aptitude au séchage

Jusqu’à présent, on a parlé de l’aptitude au séchage sans faire intervenir le paramètre pratique le plus limitatif du séchage : la formation de fissures de séchage quand le séchage est trop rapide. Quand on sèche trop vite, on produit de forts gradients d’humidité et donc de forts gradients de volume spécifique, d’où des contraintes de séchage importantes. L’argile peut ou ne peut pas résister à ces contraintes car ses propriétés mécaniques changent elles aussi au cours du séchage. Au cours des premières périodes de séchage, le matériau perd sa plasticité mais se renforce, en particulier dans la deuxième période. Pendant la troisième période de séchage (sans retrait), le matériau se renforce encore. Ainsi sur un kaolin, le module de Young passe de 1MPa à 40% d’humidité à 10 MPa à la fin du retrait (27% d’humidité) et 25 MPa à l’état sec. Pour un mélange, les résistances à la flexion varient aussi avec la nature du mélange, l’humidité et la vitesse d’application de la charge, de 0.1 à 2 MPa à la fin du départ de l’eau colloïdale avec 10 à 20 % d’humidité 20%, jusqu’à 2 à 12 MPa lorsqu'il est complètement sec. Quand l’argile ne peut plus résister aux contraintes de séchage, elle se fissure. On peut aussi définir l’aptitude au séchage comme la résistance à la fissuration sous les contraintes des déformations de séchage. Suivant sa nature, l’argile présente plus ou moins de résistance. Une argile très grasse possède de bonnes propriétés mécaniques mais présente un fort retrait et se fissure. Une argile très dégraissée a moins de retrait mais aussi moins de résistance mécanique et elle se fissure aussi. Un optimum est généralement à rechercher entre les deux extrêmes. Il faut enfin remarquer qu’il n’y a pas de relation univoque entre les trois façons de définir l’aptitude au séchage…

Modélisation du séchage de pièce en argile

Une modélisation détaillée du séchage et un calcul des efforts générés sont possibles en principe par éléments finis et un exemple se trouve décrit par Augier et al. . Le calcul est assez compliqué même s’il n’envisage pas toute la complexité de la pâte d’argile (viscoélasticité,..) Il tient compte des propriétés détaillées de l’argile qui interviennent dans le séchage et qu’il est utile de détailler ci-dessous (Tableau 22) : ce sont en principe les paramètres matériaux à contrôler pour un séchage reproductible.

Type de phénomène
Propriété de l’argile
Propriétés physiques
Densité

Retrait et Courbe de Bigot
Transfert Thermique
Chaleur spécifique

Conductivité thermique en fonction de l’humidité
Transfert Hydrique
Isotherme d’absorption

Coefficient de
résistance
     à la diffusion de la
vapeur

Diffusivité hydrique en
régime 
capillaire (mouillage et séchage), en fonction de l’humidité
Mécanique, contraintes et rupture
Module
d’élasticité en fonction de
l’humidité

Résistance à la flexion en fonction de l’humidité

Critère de rupture en fonction de l’humidité
Tableau 22 Paramètres matériaux nécessaires au calcul du séchage

Ce calcul fait intervenir différents mécanismes couplés, avec un matériau dont les propriétés changent avec l’humidité:
  • calcul des échanges thermiques dans l’argile et à sa surface, avec les chaleurs d’évaporation
  • calcul des échanges hydriques sous forme liquide en milieu non saturé par capillarité, les transferts en phase vapeur dans l’argile et à sa surface et l’évaporation,
  • évaluation des retraits locaux provoqués par les changements d’humidité de l’argile,
  • calcul des contraintes générées par ce retrait,
  • choix d’un critère de rupture ou de fissuration,
Il tient compte des conditions initiales (température et humidité initiales) et des conditions aux limites (température et humidité de l’air de séchage, vitesse de l’air ou coefficient d’échanges superficiels thermiques et hydriques).

Tests d’aptitude au séchage

En discutant précédemment l’aptitude au séchage, on a vu que cette aptitude recouvrait différents aspects. Il existe donc de nombreux tests de séchage qui s’intéressent à ces différents aspects, de façon séparée ou de façon combinée.

Courbe de Bigot

La courbe de Bigot permet de connaître les propriétés de retrait du mélange argileux. On utilise un barélattographe qui trace les pertes de masse en fonction du retrait, l’état sec (séché à 105 °C) étant pris comme état de référence. Les courbes de Bigot sont obtenues en séchage naturel, statique et lent, en atmosphère contrôlée si possible. La concentration d’eau reste uniforme dans l’échantillon et on mesure donc bien une propriété du matériau. Il faut noter que la représentation de Bigot est simple quand on travaille sur de l’argile pure. Par contre si on rajoute un dégraissant, il convient de comparer la diminution de l’humidité en se référant à l’argile seule car le retrait, lui, n’est fonction que de la présence d’argile. Le retrait sera fonction de la quantité de dégraissant mais aussi de la granulométrie et de la morphologie du dégraissant.

Tests de séchage au séchoir rapide

Un séchoir rapide instrumenté à atmosphère contrôlée permet de réaliser des tests de séchage rapide en variant la vitesse, la température et l’humidité de l’air de façon contrôlée, tout en mesurant la perte de poids et le retrait de l’argile. Dans le séchage rapide, l’humidité n’est plus homogène dans l’échantillon. Il est intéressant de mesurer ou calculer :
  • les vitesses de séchage en fonction des conditions opératoires et de détecter les différentes phases du séchage ; de cette vitesse de séchage, il est possible d’évaluer les coefficients de diffusion de l’eau en phase non saturée et en phase vapeur.
  • les retraits sur les pièces séchées. Dans ce cas, il existe des gradients d’humidité et de retrait dans la pièce. On ne mesure donc pas une propriété de l’argile lui-même mais la déformation de la pièce globale avec une couche extérieure plus sèche, mise en tension par la couche intérieure plus humide. Différents résultats peuvent d’ailleurs être obtenus selon la position du capteur de déplacement ;
  • la formation éventuelle de fissures. L’apparition de fissures se détecte parfois par un changement dans la longueur mesurée mais plus facilement elle est observée visuellement par l’opérateur ou par une caméra de télévision avec un traitement d’image.
On peut déterminer la capacité au séchage rapide de différents mélanges argileux de façon comparative selon le critère de la fissuration. Pour cela on expose des barrettes d’épaisseur réaliste (ex : 10 mm) à des conditions standard constantes de séchage, et on mesure le temps d'apparition des premières fissures sur les différentes éprouvettes. De la même façon, pour un temps fixe, on peut faire varier les différents paramètres du séchage et en déterminer la valeur critique de fissuration. Ce paramètre peut être l’épaisseur de l’éprouvette, la température, l’humidité ou la vitesse de l’air. Cela peut être aussi le pouvoir séchant de l’air… On peut comparer ces valeurs à celles de tests de référence effectués sur les mélanges de production d’usines connues. On peut ainsi calculer différents critères d’aptitude au séchage pour les différents mélanges. On liste ci-dessous quelques critères d’aptitude au séchage de mélanges argileux qui ont été proposés .
Auteurs
Critère
d’aptitude <o:p></o:p>
au séchage
Conditions de test
Valeur limite :
     <o:p></o:p>

  

  
     faible
sensibilité au séchage
Pilz / Schmidt
retrait
linéaire (%) / <o:p></o:p>
     temps de fissuration
(min
80
x 40 x 20 mm<o:p></o:p>
     

  

  
séchage
     <o:p></o:p>

  

  
     à <st1:metricconverter
productid="80ᄚC">80°C</st1:metricconverter>, HR=3% et v= 0 6.5m/s
<0.2
Muller / Biehl
différence
d’humidité <o:p></o:p>
     

  

  
max. x retrait <o:p></o:p>
     

  

  
linéaire (%) / résistance
à la <o:p></o:p>flexion en sec
Cylindre scellé,
évaporation par les deux faces
<st1:metricconverter productid="65C">65°C</st1:metricconverter>
<0.03
Czysky / Nossowa
Eau
colloïdale / Eau
interstitielle
100
x 100 x 10mm<o:p></o:p>
<st1:metricconverter productid="20ᄚC">20°C</st1:metricconverter>
<1.2
Chizhskii
Temps de première fissure
100
x100 x16mm<o:p></o:p>
     

  

  
Exposition
     <o:p></o:p>

  

  
     une face
à 7000w/m2
> 80s
Schwiete
Coefficient
de diffusion x
résistance à la flexion en sec


Ratzenberger
Eau
interstitielle x <o:p></o:p>
retrait


Ratzenberger
Baisse
d’humidité en <o:p></o:p>
     7.5h x retrait
linéaire
<st1:metricconverter productid="65C">65°C</st1:metricconverter>
<25
Ratzenberger
Baisse
d’humidité en <o:p></o:p>
     

  

  
7.5h x retrait <o:p></o:p>
     

  

  
linéaire x résistance <o:p></o:p>
     à la
flexion en sec


Tableau 23 Différents critères d'aptitude au séchage des argiles

On peut aussi simuler et optimiser un séchage industriel en prenant des éprouvettes de tests de même épaisseur que celles de l’application industrielle. Cet équipement permet alors de déterminer de façon expérimentale, pour une argile donnée, les conditions optimales de séchage, qui donnent le séchage le plus rapide sans dégradation des propriétés mécaniques après cuisson. L’extrapolation de ces résultats dans la pratique industrielle exige cependant l’emploi de facteurs de sécurité liés aux variations d’épaisseur des pièces réelles mais surtout à l'inhomogénéité des conditions de séchage des séchoirs industriels : les produits y sont disposés dans des empilements et ne voient pas tous forcément des conditions identiques de séchage. Les conditions locales peuvent être très différentes des conditions moyennes.

Cycle industriel de séchage

Le séchage optimal sera celui qui est le plus économique tout en conservant les propriétés mécaniques du produit. Économique, ici, veut dire rapide, avec un bon rendement thermique et avec peu de défauts sur les produits secs. Pour cela il conviendra d’avoir d’abord le séchage le plus uniforme possible. La vitesse limite de séchage est celle qui permet d’évacuer l’eau assez lentement pour que les faces externes et certains points singuliers comme les coins ne sèchent pas trop rapidement avant que l’eau interne ne soit évacuée. Ceci est spécialement valable pour les pièces épaisses et aux formes complexes. L’air qui est en contact avec les faces des produits doit donc avoir une capacité d’évaporation qui correspond à la vitesse optimale à tous les stades, ce qui nécessite un séchage en atmosphère contrôlée. Cela oblige à ventiler correctement toutes les faces des produits, éventuellement en inversant périodiquement le sens de l’air. Le séchage sera assez lent pour limiter les gradients, tout au moins tant que la pièce prend du retrait. On voit donc que si on veut minimiser les temps de séchage, il convient de sécher en étapes successives, avec différents réglages, qui tiennent compte du niveau de séchage local. Généralement on commence l’opération de séchage avec un air très humide qui va permettre d’augmenter la température de la pièce à sécher tout en gardant une vitesse de séchage lente et uniforme. Selon Kneule, le flux liquide dans un milieu poreux non saturé est lié à la tension de surface et inversement proportionnel à la viscosité. La viscosité de l’eau diminue beaucoup avec la température. De son côté, la tension de surface diminue un peu avec la température. Le tableau 24 montre le grand intérêt de travailler à haute température, de façon à améliorer la vitesse de diffusion de l’eau liquide dans l’argile.
Un séchage à haute température favorise la diffusion de l'eau, limite les gradients d’humidité et diminue donc les risques d’apparition de fissures. Cependant si on introduit une tuile à température ambiante dans un séchoir dont l’air est chaud et très humide, il va y avoir une condensation néfaste sur la brique, d’où une certaine limitation. Dans les changements de température, comme à l’entrée dans le séchoir, il faut toujours éviter que la température de surface du produit soit inférieure au point de rosée du nouvel air de séchage pour éviter toute re-condensation momentanée, source de fissuration. Lorsque la première phase du départ d’eau est achevée, on peut alors sécher avec un air de plus en plus sec. Pratiquement, on réalise un épuisement rationnel : l’air chaud et sec est envoyé sur les produits en fin de séchage, il se charge progressivement d’humidité, sa température s’abaisse et l’air humide est envoyé sur les produits en début de séchage. Une partie de l’air humide peut être réinjectée dans le séchoir, soit dans l’air chaud, soit en différents points du séchoir, c’est ce qu’on appelle le recyclage. Les vitesses de ventilation varient de 1 à 10 m/s avec plus fréquemment de 2 à 5 m/s. L’air utilisé au début du séchage est souvent à une température de 35 à 50 °C avec une humidité relative de 75 à 90 %, et l’air utilisé en fin de séchage est à une température de 70 à 160 °C, avec une faible humidité relative. On conclura par quelques remarques sur le produit :
  • indépendamment des caractéristiques des mélanges utilisés, le profil, les dimensions et épaisseurs des parois des produits fabriqués ont une influence sur le programme de séchage à employer ;
  • l'ajout de dégraissants a une action favorable sur l’aptitude au séchage en favorisant la diffusion ;
  • la qualité des produits cuits dépend en grande partie de la façon dont le séchage a été conduit.

Énergie consommée par l’opération de séchage

L’enthalpie d’évaporation théorique de l’eau est environ 2259 kJ/kg (540 kcal/kg) par kg d’eau évaporée à 100 °C. On peut calculer la valeur théorique de l'énergie de séchage avec les hypothèses suivantes :
  • air de départ 15 °C et 60 % HR ;
  • chauffage à 160 °C (à humidité constante – ligne verticale). Le diagramme de Mollier permet de suivre les transformations et les besoins en énergie de façon typique ;
  • dans le séchoir, l’air perd de la chaleur sensible et se charge d’humidité et l’état de l’air se déplace sur une ligne isenthalpique ;
  • l’air sort du séchoir ; il a une certaine température, par exemple 30 °C et il ne peut pas être complètement saturé en humidité ;
  • le séchoir est suffisamment grand (long) pour que les produits soient en équilibre avec l’air final.
Dans ce cas, l’enthalpie théorique nécessaire est de 3100 kJ/kg eau (741 kcal/kg). Il y a donc environ 40% de perte. Sur la figure 32, on a tracé les enthalpies minimales en fonction de la température de l’air initial (son humidité ici est fixée à 60 %) et de la température de l’air chaud fourni au séchoir. On voit, bien sûr que, l’été les consommations du séchoir sont plus faibles et qu'elles sont plus importantes l’hiver. A la valeur précédente de 3100 kJ/kg eau, il faut ajouter les pertes dues au chauffage des produits, les pertes à travers les parois du séchoir, et l’énergie utilisée pour ventiler la charge, une forte ventilation améliore le rendement thermodynamique mais augmente les puissances électriques des ventilateurs et leur consommation. Par ailleurs, les séchoirs ne fonctionnent généralement pas de façon continue mais ils ont un rythme journalier et hebdomadaire qui suit généralement le façonnage qui souvent ne travaille pas de nuit ni le week end, ce qui limite les rendements thermiques. Pour des séchoirs bien réglés, il faut donc compter une consommation variant de 3 500 à 4 000 kJ/kg d’eau évacuée. Une étude récente donne une valeur moyenne de 4 300 kJ/kg d’eau pour l'industrie allemande. Les pertes représente 90% de l’énergie théorique de séchage ; le rendement est de 53%.
L’eau sort généralement des séchoirs sous forme vapeur et donc toute la chaleur de condensation est perdue. Il semblerait intéressant d’essayer de la récupérer. En pratique, il est difficile de récupérer facilement de la chaleur à basse température et cette dernière n’est pas récupérée sur les séchoirs conventionnels de la terre cuite. Jusqu'à présent, on a calculé les énergies en fonction de la masse d'eau évaporée. On peut les rapporter à la masse d'argile sèche. L'énergie de séchage dépend de l'humidité initiale de l'argile. Pour le séchage d’une tonne de produits (en sec), dont l’humidité initiale était de 25 %, il faut 25 % de l’énergie précédente soit environ 875 à 1 000 kJ/kg produit sec pour le même séchoir bien réglé. Les consommations électriques des ventilateurs sont, elles, de l’ordre de 6 à 13 kWh/t produit sec (22 à 47 kJ/kg produit sec). L’apport calorifique nécessaire au séchoir est d’abord fourni par la récupération d’air chaud sur les fours (air préchauffé dans le four dans la zone de refroidissement des produits). Le complément est fourni par des foyers directs à brûleurs (au gaz, au fuel, au bois,..), des générateurs d’air chaud, des échangeurs ou des chaudières. Quand on parlera du bilan thermique de la cuisson, on verra comment les besoins du séchage peuvent en bonne partie être couverts par l’énergie de récupération disponible du four.

Différents séchoirs industriels

Avant 1950, le séchage était réalisé à l’extérieur sur des claies avec des protections contre la pluie et le soleil («séchoir hâlette »). Il était aussi réalisé au-dessus des fours (« séchoir percher »). Ce sont toujours les techniques utilisées dans de nombreux pays en développement. Pour des raisons de rendement, de qualité, d’automatisation, ces technologies n’ont plus qu’un intérêt historique dans les pays développés. Dans l’industrie de la terre cuite, le séchage est réalisé de façon assez conventionnelle avec de l’air chaud et sec, à pression atmosphérique, sans condensation et sans autres apports. On distingue différents groupes de séchoirs.

Séchoirs statiques à chambres

Dans les séchoirs statiques ou séchoirs à chambres à grande ventilation (Figure 33), chaque chambre est remplie de produits posés sur des étagères. Chaque chambre est séchée de façon individuelle par de l’air qui y est brassé énergiquement, les caractéristiques de l’air variant avec le temps. L’air chaud provient du four et d’une chambre de combustion avec son brûleur. Le fonctionnement continu de l’usine implique l’emploi d’un grand nombre de chambres similaires (par exemple 10), le réglage de chaque chambre influant moins sur celui des autres. De plus en plus d’ailleurs, chaque chambre est munie de brûleurs individuels et autonomes. Les cycles de chaque chambre sont facilement contrôlés, en particulier grâce à l’informatique. Chaque chambre est ventilée de façon séparée, souvent avec des ventilateurs réversibles, et l’air est recyclé. De façon pratique, le fonctionnement du brûleur permet de réguler la température de la chambre et l’humidité est contrôlée par le renouvellement d’air produit par le fonctionnement de deux boisseaux : entrée d’air chaud et sec et sortie d’air frais et humide. Ces séchoirs sont bien adaptés aux temps relativement longs de séchage (de 12 à 72 h) liés aux terres délicates, ainsi qu’aux produits difficiles à sécher de formes variées. Ces séchoirs sont très flexibles pour traiter différents produits. Par contre, les séchoirs à chambre impliquent généralement un coût de séchage plus élevé: investissement plus important et coût d’opération plus élevé (manipulation plus complexe des produits sur les étagères, consommation d’énergie).

Séchoirs tunnels continus

Dans les séchoirs à circulation continue des produits (Figure 35), le produit à sécher passe à travers le séchoir. Les produits sont entassés en empilage sur des wagons se déplaçant lentement sur des rails. Plusieurs lignes de wagons sont séchées en parallèle. A son entrée le wagon est envoyé sur une des lignes disponibles. Souvent ces séchoirs continus sont coupés en plusieurs zones, partiellement isolées, pour améliorer les possibilités de contrôle des conditions de séchage. On distingue souvent trois zones :
  • zone de préchauffage,
  • zone de séchage avec retrait,
  • zone de séchage de l’eau interstitielle.
L’air chaud provient du four et d’une chambre de combustion avec un brûleur. Différents modes de contrôle sont utilisés selon les zones. Les temps de séchage sont plus courts que dans les séchoirs à chambre. Ils vont souvent de 12 à 48h. Les avantages des séchoirs continus sont le plus faible coût de séchage pour de grandes productions assez homogènes.

Séchoirs rapides

Les séchoirs « rapides » sèchent plus rapidement, généralement en moins de 12 h. Ce terme de « rapide » est mal défini, il veut dire « plus rapide » que les séchoirs continus conventionnels alors que le temps de séchage dépend aussi de l’argile et de la forme de la pièce. Le principe des séchoirs "rapides" consiste à sécher les produits de façon individuelle, sans empilage, chacun étant exposé réellement et directement au flux d’air séchant et le séchage se réalisant par toutes les ouvertures possibles et pas simplement par l’extérieur des empilages (Figure 34). Comme les conditions de séchage au niveau du produit sont plus homogènes, le séchoir peut travailler souvent à plus haute température. Les produits sont posées un par un sur des balancelles transportées par des chaînes en circuit fermé. Les briques extrudées peuvent entrer immédiatement dans le séchoir et profiter de la chaleur de l’extrusion. Ainsi une brique à perforation qui sèche en 12 h dans un séchoir conventionnel sèche en 4 h dans un séchoir rapide. Pour les briques perforées, on s’efforcera de faire passer l’air dans les perforations. Les tuiles seront posées sur des claies supports les plus ouvertes possible. De nouveaux systèmes sont mêmes proposés dans lesquels le vent n’est plus parallèle à la tuile mais perpendiculaire pour accélérer l’échange. Dans ces séchoirs on peut se rapproche ainsi des courbes de séchage théoriques optimales du produit, déterminées dans les séchoirs rapides de laboratoire puisque la tuile est exposée pratiquement aux conditions moyennes de l’air. Les séchoirs rapides ont une grande productivité et économisent l’énergie mais ils sont plus complexes mécaniquement, nécessitent un contrôle plus sophistiqué des conditions de séchage. On ne peut sécher qu’un produit mince (tuile ou brique perforée). Par ailleurs, ils ont une flexibilité plus faible si on change le produit ou si on modifie le mélange. Ill arrive que le séchoir soit en ligne avec le four et on peut utiliser les même posages céramiques pour le séchage et la cuisson. On économise en manipulation mais on perd beaucoup en flexibilité.

Opération des séchoirs

Les ordres de grandeur des tonnages pouvant être séchés par tous ces séchoirs varient de 1 à 40t à l’heure et même plus, suivant les types et la capacité de l’usine. Dans certaines usines, le fonctionnement des séchoirs est limité aux postes de travail de jour en semaine, le séchoir étant souvent arrêté pour le poste de nuit et ceux des week-ends. Il faut alors sécher des produits en avance et stocker la production à cuire durant ces périodes d’arrêt. Cette pratique, appliquée généralement pour des raisons sociales de personnel, n’est par contre pas optimale sous l’aspect énergétique car le four dispose de trop d’énergie quand le séchoir ne fonctionne pas. Réciproquement, on manque d’énergie durant les périodes limitées où le séchoir fonctionne. L’automatisation complète des séchoirs permet leur plus large utilisation et généralement une amélioration du rendement énergétique.

Recirculation de l’air et convection forcée

Pour sécher de grande production de terre cuite, il faut des débits d’air très importants. Si il faut 1kg d’air pour sécher 40g d’eau, il faudra, par exemple 190t/h d’air pour une production de 30t/h d’argile humide, d’où des circuits d’air lourds et complexes. Pour augmenter encore la convection forcée, accélérer le séchage et le rendre plus uniforme, les séchoirs utilisent en plus de forts brassages et des recirculations internes de l’air pour accélérer la vitesse locale sans modifier le débit global:
  • le flux d’air peut être soufflé transversalement au mouvement de la terre cuite ;
  • le flux peut être longitudinal, c'est-à-dire qu’on recycle de l’air sur une longueur limitée (séchoirs Anjou, Bourgogne…).
Pour accélérer la vitesse locale de l’air de façon homogène, on utilise de nombreux ventilateurs de types différents :
  • axiaux ou radiaux ;
  • à vitesse fixe ou variable ;
  • à fonctionnement constant ou intermittent ;
  • monodirectionnels ou à sens alternatifs ;
  • fixes ou circulants dans le séchoir ;
  • synchrones ou asynchrones ;
  • de différents diamètres.
Ils sont mis en œuvre de différentes façons :
  • placement au milieu des empilements ou à l’extérieur, par exemple accrochés au plafond ;
  • emploi de grands ventilateurs circulants entre les wagons ;
  • emploi de colonnes de ventilation qui soufflent sur toute la hauteur des empilements grâce a plusieurs ventilateurs superposés ou à un ventilateur puissant avec un tube de distribution vertical et des buses superposées ;
  • emploi d’une paroi glissante alternative qui change les trajectoires de l’air fourni par des ventilateurs fixes.
L’ingéniosité des ingénieurs s’est déchaînée dans la conception de ces systèmes, ce qui montre la difficulté d’obtenir un séchage uniforme, homogène, peu coûteux et peu bruyant, et l’absence de solution générale. Le nombre de ventilateurs peut être très important et dépasser la cinquantaine pour un séchoir tunnel. L’augmentation de la vitesse de séchage se paie par les consommations plus grandes d’énergie électrique.

Pose des produits dans le séchoir

La pose des produits dans les empilements est un élément important pour obtenir un bon séchage. Le positionnement des produits à sécher doit laisser passer l'air et chaque produit doit être exposé de façon homogène. Les briques sont souvent empilées selon un empilement lâche en quinconce, les perforations dans le sens de l’air, de façon que la vitesse de l’air soit la plus homogène possible entre les différentes cavités, perforations intérieures, espace entre produits et espace entre produits et parois du séchoir. Elles peuvent être aussi posées sur des claies auto empilables. Les tuiles sont souvent déposées sur des supports individuels. Ces supports doivent être utilisables pour les différents types de tuiles produites sur la ligne et peuvent comprendre des inserts ou pions déplaçables.

Défauts de séchage

On indique ci-dessous quelques défauts qui sont rendus apparents au moment du séchage. Certains des défauts, mis en évidence à la sortie du séchoir, ont une cause antérieure, d’autres proviennent réellement du séchage .




Cuisson


À la sortie du séchoir, les produits n’ont pas encore leurs véritables qualités céramiques. Pour leur permettre d’acquérir la résistance mécanique, la stabilité à l’humidité, la résistance aux intempéries, etc., il est nécessaire de les soumettre à la cuisson à des températures élevées (900 à 1 150 °C). Les produits de terre cuite étant fabriqués dans de grandes unités de production, on mesure toute l’importance du facteur régularité. La cuisson doit être conduite de façon à obtenir des produits de caractéristiques fonctionnelles satisfaisantes et aussi régulières que possible. Il s’agit de mélanger intimement le combustible avec l’air de combustion dans les brûleurs, de diluer ce mélange dans un excès d’air important pour ramener la température des flammes à la température de cuisson désirée pour le mélange argileux et, enfin, de soumettre tous les produits de l’empilage aux mêmes conditions thermiques. Les paramètres qui conditionnent la cuisson sont donc la température des pièces, la durée de cuisson et l’atmosphère du four (nature et uniformité).

Action de la température sur les constituants du mélange

Sous l’action de la température, un certain nombre de réactions chimiques et physiques complexes vont se produire dans le mélange argileux et provoquer des modifications de porosité, de structure, de masse volumique, de dimensions, et de propriétés mécaniques. Les modifications au chauffage des principaux composants du mélange argileux sont les suivantes :
  • jusqu’à 200 °C environ, dégagement de l’eau résiduelle de séchage (reste d’eau d’interposition, d’eau absorbée hygroscopique) et de l'eau d’hydratation ou zéolitique. Ainsi les smectites peuvent perdre une part importante de leur eau, en particulier les molécules placées en position inter foliaire. Les molécules H2O disparaissent des spectres IR ;
  • de 200 à 450 °C, élimination des matières organiques ; elles s’oxydent avec l’air qui diffuse dans les porosités. Si le milieu n’est pas oxydant, des résidus carbonés vont se décomposer au lieu de s’oxyder en formant des hydrocarbures gazeux et du carbone qui reste dans la masse du tesson. La décomposition se produit à plus haute température que l’oxydation et le carbone résiduel est difficile à brûler par la suite ;
  • les hydrates non argileux se décomposent totalement ou partiellement vers 350 °C. Les hydroxydes de fer (goethite) se transforment en oxydes de fer. Suivant les conditions d’oxydoréduction, ils donnent soit de l’oxyde ferrique Fe2O3 avec la coloration rouge, soit de la magnétite Fe3O4 de coloration bleu noir. Ainsi les mélanges argileux non calcaires contenant du fer cuisent rouge en atmosphère oxydante mais cuisent brun bleu en atmosphère réductrice ;
  • de 400 à 680 °C, il y a destruction des minéraux argileux avec départ de l’eau de constitution. Les liaisons oxhydryles OH disparaissent des spectres IR. Il y a formation de composés très fins et désordonnés dits méta kaolin et on observe un début du retrait de cuisson; la kaolinite, l’illite et l’halloysite commencent à se décomposent ainsi vers 550 / 580 °C, la montmorillonite vers 680 °C ;
  • à 573 °C, le quartz change de forme cristallographique. Au chauffage, cette transformation n’a pas de conséquence pratique dans un matériau non céramisé ;
  • de 750 à 850 °C, décomposition du carbonate de chaux (cas des argiles calcaires) en chaux vive et dégagement de gaz carbonique selon la réaction :
Équation 1 : CO3Ca => CaO + CO2 (g) Cette réaction est un équilibre et les températures exactes dépendent donc de l’atmosphère gazeuse. On observe aussi la décomposition des sulfures dans cette gamme de température, ainsi que de certains sulfates et des halogénures. On reparlera de ces composés dans l’étude des efflorescences et des polluants gazeux.
  • dès 800 °C et jusqu’à la température finale de cuisson, deux types de phénomènes apparaissent .
D’abord les fondants contenus dans les mélanges non calcaires (feldspath, minéraux contenant des alcalins) entrent petit à petit en réaction et forment des eutectiques à relativement bas point de fusion qui réalisent un frittage liquide réactif donnant aux produits leurs qualités mécaniques définitives. Les premiers verres apparaissent avant 800 °C. À 1 150 °C, les feldspaths sont fondus. Cette phase liquide peut se développer de façon plus large ; c’est le grésage ou la vitrification, qui s’accompagne d’une baisse importante de la porosité du tesson et de l’apparition d’un retrait (retrait de cuisson généralement de 0,5 à 5 % environ par rapport à la longueur sèche). Au refroidissement, on obtient donc une texture liée par une phase vitreuse, plus ou moins importante, avec des porosités résiduelles. Par contre les argiles calcaires ne développent pratiquement pas de phase vitreuse.
  • Aux plus hautes températures, l’autre phénomène est le début de recombinaison et de cristallisation de composés céramiques en phase solide. Il s’agit d’abord de la silice et des silicates, qui réagissent au-delà de 1 000 °C et d’autant plus que la température finale est élevée. Ainsi la kaolinite donne-t-elle un fort pic exothermique vers 950 °C, correspondant à la formation de mullite 3Al2O3.2SiO2 à partir des méta kaolins. La présence d’impuretés réduit ce pic et provoque un décalage vers des températures plus basses. Les autres argiles ne présentent pas ce pic, ou seulement de façon très atténuée, sans doute parce que les impuretés freinent la formation de mullite.
De même le quartz peut commencer à se transformer très lentement en présence de catalyseur en cristobalite alors qu’une autre partie se dissout dans les flux, comme on le verra plus loin. S’il y a du calcaire dans les argiles, on verra disparaître CaO et se former des silicates de calcium (wollastonite CaSiO3) en petite proportion et surtout des aluminosilicates de calcium comme l’anorthite CaO.Al2O3.2SiO2 (le plus courant), la géhlenite 2CaO.Al2O3.SiO2 (quand il y a beaucoup de calcaire). La dolomie entraîne la formation de silicate de calcium/ magnésium (diopside).Le fer n’apparaît plus comme hématite, mais se combine aux aluminosilicates et sa couleur rouge disparaît. On parle de silicatisation du matériau. Dans le tableau 27, on trouve un résumé de toutes les transformations des argiles non calcaires.
Tableau 27 Réactions dans les argiles non calcaires à la cuisson
Dans un produit de terre cuite, on va donc trouver après cuisson :
  • des résidus des phases initialement présentes et non complètement détruites : quartz, mica, feldspath ;
  • de nouvelles phases cristallines, silicates d’alumine et surtout silico-aluminates de calcium pour les argiles calcaires ;
  • une partie amorphe souvent importante, dont la concentration diminue avec la température de cuisson.
La figure 36 montre les changements cristallographiques d’une argile calcaire au chauffage, suivis par rayons X.
Figure 35 Transformation des phases cristallisées dans une argile calcaire
Sur le tableau 28, on montre, à titre d’exemple, les analyses minéralogiques réalisées sur les briques italiennes , correspondant aux argiles décrites au tableau 9, après cuisson (four industriel continu 910 °C pour F, MO et S, four de labo à 950 °C pour les autres). On a aussi inclus d’autres propriétés physiques intéressantes.
Tableau 28 Minéralogie et propriétés de briques italiennes après cuisson
Les argiles sans carbonates (MA, S, SL) montrent principalement une phase amorphe (28 à 45 %), du quartz (26 à 42 %), de la plagioclase (2 à 11 %) et des autres feldspaths (8 à 14 %). Les argiles contenant de 10 à 20 % de carbonate (AT, CA, F, LM, MO) montrent du quartz (18 à 34 %), des feldspaths (19 à 37 %), principalement le plagioclase. On voit apparaître de la géhlénite et de la wollastonite. Les argiles contenant abondamment des carbonates (> 20 %) (A, D, LS, SA, X) montrent aussi des feldspaths (44 à 60 %), principalement la plagioclase. La gehlenite et la wollastonite sont importantes.

Évolution de la texture

A l’évolution chimique précédente correspond un changement dans la texture. Pour les argiles ferrugineuses, la porosité décroît avec l’augmentation de la température au-delà de 800 °C. Le nombre de pores diminue. Les diamètres des pores commencent à croître. On observe un déplacement des courbes porométriques (Figure 37) vers les diamètres de pore plus élevés. Puis les pores commencent à se fermer, la porosité ouverte diminue rapidement et la porosité fermée augmente.
Figure 36 Courbes porométriques et température de cuisson
Dans les mélanges calciques, par contre, les dimensions des pores restent pratiquement constantes et ils conservent leur porosité jusqu’à la fusion, qui peut apparaître dès 1080 °C. Parallèlement à la baisse de la porosité, on observe une augmentation de la densité, du module élastique, de la résistance à la compression et de la dureté.

Diagrammes de phase

Les composants stables à haute température sont décrits par les diagrammes de phase. Pour la terre cuite, on notera cependant les restrictions suivantes :
  • les composés de la terre cuite ne sont que partiellement cristallisés;
  • les compositions locales ne sont pas homogénéisées car les temps de cuisson sont trop courts et les températures trop basses.
Les diagrammes ne donnent donc que des tendances générales. On donne ci-après les diagrammes binaires et ternaires importants :
  • Al2O3 / SiO2 avec le corindon, le quartz/cristobalite et le composé intermédiaire, la mullite. Les composés observés en pratique dans la terre cuite sont principalement la mullite et la silice.
Figure 37 Système alumine/silice
  • CaO / SiO2, système qui intervient dans les argiles calcaires et fait intervenir des silicates de calcium comme la wollastonite CaO.SiO2. L’eutectique le plus bas du système est à 1 436 °C.
Figure 38 Système chaux/silice
  • Al2O3/ SiO2/CaO pour les argiles calcaires qui montre en addition les composés triples silico-aluminates de calcium (gehlenite, anorthite…). Il existe un eutectique ternaire à 1 170 °C.
Figure 39 Système chaux/silice/alumine
  • SiO2 / FeO qui explique que le fer a un certain effet fondant mais seulement à assez haute température (1 190 °C). Il montre l’existence d’un oxyde mixte, la fayalite 2FeO.SiO2. Sur le diagramme, on ne voit que la partie des hautes températures où seul FeO (wustite) est stable.
Figure 40 Système silice/oxyde de fer
  • SiO2/ Na2O, système qui montre des eutectiques capables de se créer à basse température et responsables de l’effet fondant des alcalins. L’eutectique le plus bas apparaît à environ 800 °C.
Figure 41 Système silice/oxyde de sodium
  • Al2O3/SiO2/Na2O ou K2O, systèmes ternaires qui sont assez similaires et montrent des composés avec des points eutectiques encore plus bas que ceux des diagrammes binaires. Le point ternaire le plus bas est à 732 °C dans le système SiO2/Al2O3/Na2O et à 695 °C dans le système SiO2/Al2O3/K2O.
Figure 42 Système alumine/silice/oxyde de sodium

Structures du quartz et réactions au refroidissement

Au refroidissement, les nouvelles structures créées à haute température sont généralement stables. Seules sont observables les transformations allotropiques du quartz. La silice peut prendre différentes formes cristallisées allotropiques :
  • quartz, thermo dynamiquement stable de la température ambiante à 870 °C, densité 2,651 à 0 °C ;
  • tridymite, stable de 870 °C à 1 470 °C, densité 2,262 à 0 °C
  • cristobalite, stable au-dessus de 1 470 °C, densité 2,320 à 0 °C.
En fait ces trois espèces sont cinétiquement très stables. Il faut chauffer le quartz au-dessus de 920 °C en présence de fondant pour qu’il se transforme très lentement en cristobalite. La cristobalite ne se transforme pour ainsi dire pas en quartz au refroidissement. Cependant, chacune de ces espèces peut être observée en deux  est stable à haute température. La modification  et modifications :  , stable à basseet est bien symétrique alors que la modification  température, est distordue. La transformation du quartz a lieu à 573 °C l/l = +0,3 %. Cette transformation, sans = +0,8 % et V/Vet  diffusion, est facile à réaliser, et elle est pratiquement instantanée. Au refroidissement, cette transformation peut être la cause de fêle. Pour réduire ce risque, on diminue généralement les vitesses de refroidissement de la terre cuite au passage de cette zone pour limiter le gradient thermique et favoriser une transformation répartie.

Tests de comportement à la cuisson en laboratoire

On réalise différents tests de laboratoire pour évaluer le comportement à la cuisson de la terre cuite et optimiser le cycle industriel. Le comportement à la cuisson est analysé en faisant des mesures de dilatométrie, de gravimétrie et de calorimétrie en fonction de la température. De façon optimale, un même appareil permet d'effectuer ces trois analyses sur le même échantillon : Analyse thermique dilatométrique (ATD), Analyse thermique gravimétrique (ATG) (NF T 01021), Analyse thermique calorimétrique (ATC).
Figure 43 Courbes dilatométriques de différentes argiles

Thermodilatométrie

Les courbes thermodilatométriques sont très caractéristiques du type d'argile utilisé. Elles renseignent sur le retrait du tesson à la cuisson, sur la température de début du grésage, sur la dilatation thermique et sur la brutalité du crochet quartz, générateur de fêle lors du refroidissement. La forte diminution de volume à haute température correspond au grésage du matériau (frittage en phase visqueuse). La thermo-dilatométrie permet aussi de déterminer la présence de calcaire dans le matériau. Sur la figure 44, on donne des courbes dilatométriques de différentes argiles (kaolinite, fireclay, halloysite, muscovite, illite, smectites, vermiculite, Chlorit

Thermogravimétrie

L'analyse thermo gravimétrique (ATG) suit la perte de poids de l'échantillon en fonction de la température. Cette perte de poids correspond au départ des différentes eaux des argiles, aux dégazages et oxydations des composés organiques et à la décomposition des sels, en particulier du calcaire avec perte de CO2. Sur la figure 45, les pertes de masse sont données en positif.

Analyse thermique calorimétrique

L'analyse thermique calorimétrique différentielle (ATC) mesure les différences de température entre un témoin inerte et l'échantillon testé. Ces différences correspondent aux enthalpies engendrées au cours de la cuisson par des transformations telles que les changements de phases ou les réactions chimiques. Les réactions de décomposition sont généralement endothermiques (déshydratations, décarbonatations). La formation de mullite à partir de kaolinite est par contre exothermique. Les résultats d'ATC servent à quantifier les dégagements de chaleur et établir les chaleurs de réaction. Les réactions exothermiques provoqueront une augmentation de température dans les fours. Cet apport de chaleur peut être recherché avec des ajouts organiques pour diminuer la consommation énergétique du four.
Figure 45 Courbes d'analyse thermique calorimétrique de différentes argiles

Spectrométrie infrarouge et diffraction X

L’évolution des structures à basse température peut aussi être suivie par spectrométrie infrarouge (évolution et disparition de la liaisons OH). Les transformations cristallographiques sont étudiées par rayons X, bien que les structures de la terre cuite soient généralement très fines et partiellement vitreuses.

Essais technologiques

On réalise aussi des essais plus technologiques de cuisson en cuisant des barrettes à différentes températures avec un cycle thermique défini (vitesse de montée en température, durée du palier de température, vitesse de refroidissement). Ces barrettes sont pesées, les dimensions mesurées. On regarde alors la couleur, l’aspect, la sonorité, les fissures apparentes. On calcule le retrait à la cuisson, la perte au feu, la porosité ouverte. On réalise des essais mécaniques (test de flexion). On complète généralement ces mesures par des examens optiques et microscopiques (au MEB) des surfaces externes et des surfaces de rupture, examens qui permettent de mieux apprécier la granulométrie, l’isotropie du produit et d’évaluer son grésage. Ces données permettent de faire une première évaluation de la température optimale de cuisson. Par la suite, il est aussi possible de varier la vitesse de montée en température pour optimiser la durée du cycle thermique. On réalise aussi des essais de fluage (ou de comportement sous charge) de façon à apprécier les déformations potentielles des produits en fonction de la température, et à évaluer la tenue en charge des produits (risque d’affaissement des empilages et déformations des tuiles à haute température).

Fours artisanaux et semi industriels

La grande majorité de la production de briques dans le monde est réalisée avec des fours artisanaux et des fours semi industriels. Les fours artisanaux fonctionnent de façon intermittente. Au niveau le plus simplifié, le four est construit à chaque cuisson en mélangeant en couches successives les briques sèches et le combustible en couches dans un four de campagne (clamp) en forme de meule. Le cycle de cuisson dure plusieurs semaines. De façon plus développée, on trouve des fours ronds permanents intermittents dans lequel on fait cuire les briques, avec par la suite un tirage mieux contrôlé (downdraught kilns). On ne refait pas le four à chaque cuisson mais les temps de cuisson sont toujours longs (2 semaines) et les consommations énergétiques élevées. La grande première amélioration a été le développement du four circulaire à charge fixe et feu tournant. Le four avait initialement la forme d’un tore dans lequel les briques étaient introduites avant le passage du feu. Il a été créé en 1867 par M. Hoffmann, qui lui a laissé son nom, et a assuré la production européenne jusque dans les années 1970 / 1980. Il continue à être utilisé et amélioré dans des pays comme le Magreb car il est peu coûteux et efficace. Il a souvent la forme de deux tunnels parallèles, ce qui permet de rentrer à l’intérieur avec une chargeuse, reliés aux extrémités pour le passage du feu. Une modification de ce four a été fait en 1893 par W.Bull en réalisant le four tranchée (trench kiln) plus faciles à construire. Cette modification s’est répandue très largement en Asie et spécialement en Inde. Au lieu d’être une construction sur le sol, le four est construit dans une tranchée et il n’y a pas de voûte permanente. Cette dernière est construite au chargement du four et détruite au déchargement après le passage du feu.. Le tirage est donné par une cheminée qu’on déplace avec le feu. Les installations plus sophistiquées ont cependant une cheminée fixe centrale. L’investissement est limité, la voûte, complexe à construire, a été éliminée. La sortie et l’entrée dans le four sont facilitées. Il faut encore citer les fours verticaux chinois. Les briques et le charbon sont montés dans un four vertical cylindrique. Au fur et à mesure, de nouvelles briques et du charbon sont chargés dans le haut du four alors qu’on retire les briques cuites en bas avec un système de vérin et de reprise de charge.

Fours tunnels

Si quelques fabrications artisanales utilisent des fours intermittents et si quelques usines sont encore dotées de fours continus à charge fixe et feu mobile (fours Hoffmann), l’essentiel de la production européenne est assuré par des fours continus à feu fixe et charge mobile, encore appelés fours tunnels, et que traversent lentement les matériaux à cuire.

Construction du four tunnel

Dans ce type d’appareils, les produits sont empilés sur des wagons qui sont ensuite poussés à l’intérieur du four tunnel où ils avancent progressivement au fur et à mesure qu’un nouveau wagon est introduit dans le four. Les fours tunnels peuvent avoir comme dimensions courantes plus de 100 m de longueur avec des sections de 3 à 7 m de largeur pour 1 à 4 m de hauteur. On trouve de grandes variations avec par exemple des longueurs de 170 m, des largeurs de 12 m… Pour les tuiles, la hauteur est limitée par l’homogénéité thermique recherchée, la stabilité des empilages et les reprises de manutention automatique. Pour les briques, le collage des produits sous charge et la déformation à chaud sont des limitations additionnelles. La durée totale du passage – donc la durée de la cuisson – varie généralement de 8 à 48 h selon le type de produit et les difficultés plus ou moins grandes que les matières premières présentent à la cuisson. Il existe aussi des fours dits à cuisson rapide où la durée de cuisson est inférieure à 8 h. On peut descendre à des temps encore plus réduits (trois heures) avec la technologie des fours à rouleaux. Le four tunnel comprend trois parois fixes isolées thermiquement : le toit et les parois verticales. La sole du four est mobile et constituée par les plates-formes isolées des wagons. On en voit une section sur la figure 47. Les parois fixes des fours sont habituellement isolées thermiquement par des briques réfractaires et extérieurement par de la fibre isolante. En principe les zones du four tunnel restent toujours à la même température et l’inertie thermique du four est plutôt recherchée. L’isolation est soutenue par une structure externe (fours portiques). Les parois extérieures de fours sont souvent en briques. Pour les fours « casing », cette structure devient une carcasse métallique extérieure continue autoportante, conservée à température ambiante, qui assure une bonne étanchéité à l’air. Comme ce four très long ne peut travailler à pression ambiante, cette étanchéité limite les entrées d’air froid, ce qui améliore le rendement thermique, la qualité des produits et la reproductibilité des couleurs.
Figure 46 Section d'un four tunnel avec wagon

Wagons

Les wagons ont une longueur de 3 à 6 m et portent des charges de 12 à 20 t environ. Ils comprennent un fort châssis métallique avec des roues indépendantes. La plate-forme est isolée thermiquement du châssis et sert de sole du four sur laquelle on pose les produits. Elle évite aussi que les parties mécaniques des wagons soient exposées à la chaleur du four. Les wagons circulent en continu à partir du poste d’empilage où ils sont chargés des produits venant du séchoir. Ils passent par un poste de stockage intermédiaire car l’empilage ne travaille pas en continu et il faut stocker la production future de la nuit et du week-end ; ils rentrent alors dans le four par une porte verticale coulissante. Le four peut comprendre un pré four séparé, avec des portes mobiles ; les wagons traversent alors les différentes zones du four et ressortent par la porte de sortie. Ils passent ensuite au poste de dépilage, et reviennent au point de départ par la voie de retour des wagons. Le stockage des wagons avant l’entrée dans le four peut être fait dans une atmosphère contrôlée s’il y a des risques de reprise d’humidité. On cherche aussi à rendre étanche à l’air la sole morcelée, quatrième côté du four et différents procédés ont été développés. L’isolation thermique des wagons, qui entrent et qui sortent dans le four, est différente de celle du four lui-même qui reste lui toujours en température. Le système d’isolation des wagons doit à la fois présenter une faible conductivité thermique mais aussi une faible diffusivité (faible masse, faible capacité thermique). Ils comportent donc souvent une structure mécanique pour le support de la charge et une isolation légère en fibres.

Étanchéité au sable

L’étanchéité latérale entre les plates-formes des wagons et les parois verticales du four est assurée par des joints qui glissent dans le sable d’une sablière le long des parois verticales du four. L’étanchéité frontale entre wagons est assurée par des joints de réfractaire fibreux, pressés entre les wagons. La solution est simple mais l’étanchéité n’est pas absolue.

Four hydrocasing

Dans cette construction particulière (fours hydrocasing), la partie basse des wagons est entourée d’une jupe métallique fermée et les étanchéités latérales et frontales sont assurées par une nappe d’eau dans laquelle trempent les jupes des wagons. La construction du four est plus complexe puisque le sol du four est maintenant un bac d’eau. Il faut donc descendre le wagon dans le bac qui a une profondeur d’eau d’environ 20 cm. Ceci se fait au moyen d’une plate-forme élévatrice, d’un plan incliné ou d’une écluse. Par principe, le four devient alors complètement étanche sur son quatrième côté. L’eau du bac peu exposée au rayonnement du four, s’évapore peu. Elle peut piéger des polluants et devenir corrosive. Ces modes de construction permettent d'assurer une très bonne étanchéité au four casing, garante d’un bon rendement thermique et du contrôle de l’atmosphère de cuisson.

Brûleurs

Au niveau de la zone de cuisson, le combustible est injecté par des brûleurs en voûte ou latéraux, dans les espaces ménagés, entre les empilages des wagons. Ces brûleurs sont adaptés au combustible (gaz, fuel lourd, sciure, poussière de coke,…)
Les brûleurs à gaz peuvent être simplifiés à auto-allumage à haute température. Il s’agit par exemple de brûleur « fleuret » dans lequel la flamme est diffuse. On trouve des brûleurs à flamme froide pour mettre déjà dans la zone de préchauffage. Il y a des brûleurs à auto allumage pour faciliter la préchauffe des fours. Il y a aussi des brûleurs « jet », à air soufflé, à grande vitesse (v>100m/s) ; ces jets à haute énergie favorisent le brassage du milieu ambiant L’uniformité des températures dans la section du four favorise celle de la qualité et permet des temps de cuisson plus faibles. Ces gaz à grande vitesse sont rapidement dilués ce qui limite leur action potentiellement néfaste sur les céramiques et isolants. On trouve aussi des brûleurs à récupération qui utilise de l’air qui a été préchauffé ou dans le brûleur lui-même ou l’extérieur. Les brûleurs peuvent avoir des niveaux de réglage modulables ou être réglés en tout en rien par des impulsions dont on varie durée et fréquence.

Empilement des briques, cuisson des tuiles en U et en H

Les briques sont généralement chargées les unes sur les autres en empilage avec suffisamment d’espace entre les produits pour laisser l'air chaud circuler. Quand on change de modèle de produit, on s’efforce de conserver les mêmes densités d’empilage pour ne pas modifier les conditions thermiques de fonctionnement du four. L’étanchéité entre les empilements et les parois est spécialement examinée pour limiter les passages préférentiels de gaz autour et au dessus. La densité d’empilage est élevée. Les tuiles sont souvent soumises à des températures de cuisson plus élevées que les briques ; par ailleurs les exigences dimensionnelles des produits sont beaucoup plus sévères. Aussi l’empilage en masse a-t-il été abandonné car il générait trop de déformations. On a alors développé des gazettes céramiques en forme de U, qui permettent de recevoir un petit nombre de tuiles qui sont empilées verticalement, l’empilement final étant réalisé avec ces gazettes. Ces gazettes sont réalisées en céramique (cordiérite). De façon plus récente, on a introduit des supports individuels (support en H) dans lesquels on pose les tuiles qui sont supportées chacune séparément. Ces supports en H s’empilent les uns dans les autres sur la sole du wagon. Ces supports permettent l’emploi de température de cuisson plus élevées, souvent gage d’ingélivité. Ils permettent aussi l’emploi facilité de traitements de surface. La géométrie des tuiles reste très bonne malgré la température plus élevée. Chaque tuile est mieux exposée au flux de gaz dans une structure plus ouverte et elle chauffe et refroidit plus rapidement. La densité d’empilage est plus faible. Il faut utiliser des gazettes et supports, ce qui implique un coût d’investissement, des problèmes de manipulation, l’adaptation des supports aux différents produits, l’usure (thermique et mécanique) et le moins bon rendement thermique du four puisque, à sa sortie, la chaleur résiduelle contenue dans le support est perdue. Aussi de nouvelles solutions qui utilisent des supports en barres de carbure de silicium, à la fois plus léger et plus résistant aux chocs thermiques, se développent rapidement.

Modes de fonctionnement du four tunnel

La production d’un four tunnel peut-être donnée en différentes unités :
  • 100 t/j = 4.2t/h = 1,16 kg/s
  • 300 t/j = 12.5t/h = 3.5 kg/s.
Le four continu classique fonctionne comme deux échangeurs de chaleur à contre-courant séparés par la zone de cuisson : les produits circulent dans un sens ; l’air de combustion et d’échange et les fumées circulent dans l’autre. L’air entrant se réchauffe sur les produits en cours de refroidissement. Puis les fumées chaudes échauffent les produits en cours de chauffage. Ainsi on utilise la chaleur de refroidissement des produits qui sortent pour préchauffer les produits qui entrent. Ces deux échangeurs sont séparés par la zone de cuisson. La figure 48 montre un schéma du four avec la répartition des températures des produits et du gaz. En suivant le produit, on trouve les différentes zones du four tunnel:
  • le pré four, éventuel, séparé du four par une porte, qui permet de préchauffer rapidement la charge à 100°C ;
  • la zone de préchauffage des produits, traversée par les gaz provenant de la zone de cuisson. Comme ces gaz chauds ont tendance à rester en voûte, un fort brassage des fumées y est réalisé pour uniformiser et accélérer la montée en température des produits. Les vitesses de montée en température sont souvent de 30 à 100 °C/h. Les fumées sont rejetées en sortie de four à la température la plus basse possible, tout en évitant les condensations des fumées acides dans les carneaux et dans la cheminée (variable de 110 à 200°C°C).
  • la zone de cuisson, avec les brûleurs, qui correspond au palier de cuisson ;
  • la zone de refroidissement où les produits refroidissent par réchauffage de l’air soufflé qui se déplace en sens inverse vers la zone de cuisson. On distingue plusieurs zones dans le refroidissement à partir de la cuisson :
    • une première zone dite de trempe où le refroidissement est rapide et obtenu par injection d’air frais,
    • une zone de refroidissement lent pour le passage du point quartz,
    • puis une zone à nouveau plus rapide jusqu’à la sortie des produits. Dans cette zone se trouve aussi l’extraction de chaleur vers le séchoir. Pour limiter les investissements, les fours sont de longueur limitée et les produits seraient encore trop chauds à la sortie. On augmente donc l’arrivée d’air, ce qui permet une extraction et la fourniture de gaz chauds au séchoir.
On peut dimensionner ces échangeurs à contre-courant grossièrement avec quelques hypothèses très simplificatrices (en particulier calcul unidirectionnel, coefficient d’échange K constant le long du four, chaleurs spécifiques stables avec la température, pas d’injection/ extraction de gaz)). Il y a un flux de capacité calorifique de terre cuite (débit massique Q x chaleur spécifique de la terre cuite c) qui est contrebalancé par un flux d’air et de fumées Q’, de chaleur spécifique c’. Le calcul des températures fait intervenir le rapport des flux de capacité calorifique. On obtient une expression des variations de température de long du four du type : T0 exp (-Kl (1-Qc/Q’c’))T = Équation 5  avec :
  • T différence de températures entre terre cuite et gaz au point de position x = l ;
  • T0 différence de températures entre terre cuite et gaz au point initial x = 0 (entrée de l’échangeur) ;
  • K coefficient d’échange thermique gaz/ terre cuite ;
  • l position dans le four.
On voit que la différence des températures reste constante si le rapport Qc/Q’c’ = 1. Les calculs de génie chimique montrent de même que le rendement optimal est aussi obtenu pour cette valeur du rapport des flux de capacité thermique.
Figure 47 Schéma thermique d'un four tunnel classique
Suivant la valeur de ce rapport (Qc/Q’c’ <, = ou > 1), la différence des températures entre le gaz et les produits augmente, reste constante ou diminue en se déplaçant le long du four. Pour un débit de 1 kg de produit (incluant supports, wagons), il faudrait environ 1 kg d’air/fumées car les chaleurs spécifiques de la terre cuite et de l’air sont du même ordre de grandeur. Si on ne s’intéresse maintenant qu’au kg de terre cuite (sans wagon ni support), il faut donc nettement plus, soit environ 1,5 kg d’air/kg terre cuite. L’étanchéité intervient aussi. Pour des fours peu étanches et des produits nécessitant un grand supportage, il faut avoir un tirage de 5 kg d’air/kg de charge dans la zone d’échange. Pour un four casing à joint de sable, il faut environ 3 à 3,5 kg d’air/kg de charge. Avec un four hydrocasing il faut de 1,6 à 2,5 kg d’air/kg de charge. En pratique le débit varie le long du four, compte tenu des formations de gaz de décomposition, des injections et des prises de gaz et des fuites. Un kg de produit monté à 1 000 °C nécessite environ 1 000 kJ/kg, chaleur qui est produite par 0,025 kg de gaz naturel (à 40 000 kJ/kg de gaz) soit 0,03 m3, qui nécessite 0,3 m3 d’air pour brûler. La masse des fumées est alors seulement de 0,4 kg, ce qui est trop faible pour un bon échange thermique. En pratique, les fours fonctionnent donc en fort excès d’air. Pour la consommation minimale d’énergie pour un débit matière, il faut rechercher le débit minimum d’air capable cependant d’assurer les échanges thermiques et les températures de sortie des produits. Les écoulements longitudinaux impliquent un bon contrôle de l’évolution des pressions, de la sortie du four, où l’air entre à la pression atmosphérique, se retrouve en légère surpression à la zone de cuisson, jusqu’à l’entrée de la cheminée, où il est en dépression (de quelques mm de colonne d’eau), en tenant compte des éventuelles injections d’air intermédiaires. La circulation de l’air et des fumées est assurée par un tirage artificiel (ventilateur de tirage). L’air chaud disponible en zone de refroidissement est envoyé dans les séchoirs. Avec des combustibles très corrosifs, on récupère parfois la chaleur à travers un échangeur pour ne pas envoyer de l’air pollué au séchoir. Les fours tunnels sont équipés de régulations automatiques, contrôlées par ordinateur, qui assurent une cuisson régulière, ainsi que d’une automatisation des mouvements des wagons (entrée et sortie). Ils constituent des appareillages de cuisson très précis, dotés de nombreux moyens de réglage qui permettent une grande reproductibilité et une réponse efficace aux changements de produits et de régimes.
Sur le tableau suivant , on résume des conditions typiques de fonctionnement de fours tunnels :

Unit
Facing brick and clay pavers
Clay blocks
Horizontally
perforated
clay blocks
Roof tiles
Throughput
t/h
1-15
3-15
3-15
3-6
Kiln length
m
35-160
60-120
60-120
80-140
Cross section
m2
1.3-6
4-12
4-12
4-10
Setting density
kg/m3
1600-3000
1000-2500
1000-2500
1600-3500
Firing temperature
°C
1000-1300
900-1050
950-1050
1000-1150
Specific energy requirement (drying + firing)
kJ/kg
1600-3000
1000-2500*
1000-2500
1600-3500
Flue
gas
volume flow
m3/h
5000-20000
10000-50000
10000-50000
10000-40000
Flue gas temperature
°C
100-230
100-300
100-150
170-200
  • including heat content from the pore forming agent
Tableau 29 Operating data of tunnel kilns
Les points importants du contrôle du four sont donc la courbe de température recherchée pour le produit, la distribution des températures dans la section du four, la distribution des pressions, débits et atmosphères. En pratique, les températures de zones de préchauffages et cuisson sont régulées par les brûleurs en fonction de la courbe de température voulue. Les températures des zones d’entrée et de sortie sont régulées par le contrôle des débits de gaz.

Évolution des fours tunnels

Les développements récents des fours tunnels ont été orientés vers la recherche de plus grande productivité du four, et donc d’une plus grande vitesse de passage des produits, d’une plus grande uniformité de traitement thermique et des économies d’énergie. Ce développement s’est effectué de deux façons :
  • comme la vitesse du four est limitée par la zone où, dans une section, les produits sont les plus froids, on a d’abord cherché à homogénéiser les températures en recyclant les fumées chaudes de la voûte. L’homogénéisation des températures dans tous les points de la section de l’empilage est obtenue par des systèmes de brassage de l’air, mécaniques à basse température et par des brûleurs à grande vitesse à plus haute température. Ainsi de plus en plus, des brûleurs sont introduits dès la zone de chauffage et le schéma de fonctionnement du four est maintenant celui décrit figure 49;
Figure 48 Schéma thermiques des nouveaux fours tunnels
  • les empilements et le chauffage par l’extérieur des produits massifs limitent les transferts de chaleur. Le rapport entre le temps de traitement du produit dans les empilements et le temps de traitement optimal du produit sans empilement peut être de l’ordre de 10 avec des empilements de briques creuses. On s’est donc efforcé de chauffer chaque tuile ou brique de façon individuelle par un passage de l’air approprié sur les produits (à travers les briques quand c’est possible et à travers les gazettes de tuile). Pour des tuiles sur des supports en H, le rapport des temps de traitement peut être réduit à la valeur 2. Ce mode de cuisson pseudo individuel est appelé « cuisson rapide ». L’extrême est obtenu en ne traitant qu’une seule épaisseur de produit, sans aucun empilage, avec par exemple des fours à rouleaux. Il n’y a plus qu’une seule couche de tuile et il n’y a plus de wagons. On arrive alors à se rapprocher des propriétés du produit individuel avec des temps de cuisson très réduits (3 heures par exemple).
Le mode de cuisson rapide se heurte cependant à un certain nombre de limitations:
  • il n’est utile que si le phénomène limitant est bien le transfert thermique. Si le facteur limitant est une réaction chimique comme l’apparition de cœur noir, la cuisson rapide est inutile ;
  • quand le transfert thermique est limitant, il faut que le transfert limitant soit dû à l’empilage et non au produit lui-même. La cuisson d’une brique pleine demande beaucoup de temps car le transfert dans la brique elle-même est long si on ne veut pas l’endommager. L’intérêt d’une cuisson rapide est là encore limité ;
  • par ailleurs les investissements sont plus importants et les consommations énergétiques réelles ne sont pas forcément conformes aux espoirs initiaux.

Énergie consommée par l’opération de cuisson et combustibles

Consommation d’énergie

L’énergie consommée à la cuisson varie selon les produits fabriqués, la nature des matières premières et les technologies utilisées. Elle est critique car c’est de loin le premier élément du prix de revient (entre 25 et 40% du prix de revient). La chaleur de réaction pour décomposer l’eau de constitution et le calcaire dépend bien sûr du mélange et est de l’ordre de 125 à 500 kJ/kg. Ainsi la chaleur de formation de la kaolinite à partir des oxydes est d’environ 195kJ/kg . Cette chaleur ne représente qu’une fraction du total consommé. Les autres consommations sont des pertes :
  • pertes dans la fumée (liées au débit et à la température de fumée à la sortie du four). C’est généralement le premier poste de perte.
  • pertes dans les produits qui sortent (température de sortie des produits),
  • pertes dans les posages, gazettes,… et les wagons qui sortent (masse et température de sortie des produits),
  • pertes continues à travers les parois du four,
  • pertes par les portes aux ouvertures,
  • pertes du refroidissement sous les wagons pour les fours sans joint d’eau, qui sont généralement récupérées pour le séchoir,
  • énergie fournie au séchoir par l’extraction d’air.
Les décompositions entre les différentes pertes sont évaluées par un bilan thermique détaillé du four. Les fours modernes consomment en moyenne 700 à 1 200 kJ/kg pour la cuisson elle-même. L’étude statistique allemande donne les résultats moyens obtenus sur 80 fours (voir tableau 30). On a les différentes pertes en valeur (kJ/kg) et aussi en % de l’apport combustible total.
On indique d’abord les apports en combustible. Les matières premières peuvent apparaître comme une consommation (tuile, brique apparente – chiffre positif, réactions chimiques, décarbonatation) ou comme un apport (brique de structure – en négatif, éléments porosants). On indique l'utilisation de l’énergie (pertes et récupérations). On voit donc de grandes différences selon les produits et sans doute selon les fours utilisés : l’apport des mélanges argileux en matériaux organiques peut être important avec les briques de structure. Les pertes sorties produits sont équivalentes pour les trois familles de produits car les températures de sortie sont équivalentes. Les pertes dans les fumées correspondent à peu près à la moitié de l’énergie nécessaire à la cuisson. On voit aussi que la plus grande partie de l’énergie nécessaire au séchoir (environ 1 000 kJ/kg) peut en principe être récupérée sur le four.

Combustibles

Le choix des combustibles a beaucoup évolué durant les vingt dernières années avec les orientations suivantes :
  • emploi généralisé du gaz naturel, au fur et à mesure qu’il est devenu disponible, en remplacement du fuel et du charbon; pour des raisons de prix , de facilité d’emploi, de contrôle des couleurs et de propreté.
  • augmentation de la consommation électrique. Elle représente actuellement plus de 10 % de l’énergie totale et est liée à la préparation des mélanges, aux brassages d'air et ventilations et aux manutentions ;
  • début d’emploi d’énergie renouvelable (déchets de bois, ordures ménagères).
La répartition française actuelle des énergies consommées est donnée sur le tableau 31 .
Tableau 31 Répartition des combustibles fossiles utilisés en terre cuite en France (2001) Dans les années 2000, on a assisté à nouveau à une augmentation importante du prix du pétrole et de celui du gaz dans son sillage, qui a poussé les tuiliers et les briquetiers à revoir récemment certains choix d’énergie. Parmi les facteurs à prendre en considération, citons. le Pouvoir Calorifique Inférieur (kJ/kg) du combustible, le prix pour le PCI, la facilité de la mise en oeuvre (manutention, stockage, introduction dans le four, production et élimination des cendres et déchets…), la disponibilité et la sécurité des approvisionnements, la sécurité d’utilisation, la réglementation…, la maîtrise de la couleur des produits pour les tuiles et les briques apparentes, les problèmes de la pollution des fumées, le facteur d’émission de CO2 en liaison avec les gaz à effet de serre, En annexes 2 et 3, on donne quelques chiffres comparatifs sur ces combustibles et on discute plus en détail deux combustibles dont on parle beaucoup: Le coke de pétrole est de nos jours peu cher par rapport au gaz ou au fuel. C’est un déchet de la production du fuel. Il contient donc du soufre, comme le fuel 2 non purifié, et produit peu de cendre. A la différence du charbon, il contient peu d’éléments volatils et peut être utilisé en poudre avec une bonne sécurité. Il est transporté en granules, réduit en poudre à l’usine et transporté pneumatiquement aux brûleurs du four tunnel. Cette technique, développée déjà dans la terre cuite espagnole, se répand à l’extérieur, stimulée par le faible coût actuel du combustible. La biomasse est un terme très général qui recouvre un très grand nombre de produits renouvelables ; il peut s’agir de plantes cultivées spécialement, de déchets organiques provenant d’autres procédés (exemple grignons d’olive, déchets et sciure de bois, farines animales,..), des parties organiques d’autres déchets (exemple déchets urbains), des combustibles gazeux (exemple biogaz) ou liquides (exemple biodiesel) obtenus par gazéification, pyrolyse, combustion ou réaction biologique. On cite ainsi une briqueterie fonctionnant partiellement au biogaz, une autre aux farines animales, d’autres utilisant la sciure de bois ,comme ajout au mélange argileux et comme injections dans les brûleurs au point de couvrir 60% des besoins, utilisant la chaleur d’usine d’incinération de déchets urbains ou de la cogénération. Bon gré mal gré, les usines seront forcées à long terme de se tourner de plus en plus vers ces sources d’énergie, ce qui rendra le procédé de production plus complexe mais permettra de mieux contrôler le prix de revient.

Défauts de cuisson

Les défauts de cuisson ont une incidence directe sur le prix de revient et un contrôle soigné de production permet de les garder à un niveau économiquement acceptable. Le taux de déchet a une importance directe sur la rentabilité de la ligne. Sur une ligne de production de tuiles de 50 000 t/an, une variation de 1 % de déchet représente 500 t/an qui auraient pu se vendre pour une valeur de l’ordre de 100 000 €. Sur le tableau 32, on a indiqué les différents défauts observés à la cuisson, certains étant la conséquence de défauts antérieurs, d’autres étant provoqués par la cuisson elle-même. La plupart de ces défauts ont été déjà évoqués précédemment.

Traitements de finition

Rectification des briques

On rectifie parfois les briques en sortie de production pour obtenir des tolérances serrées sur certaines dimensions. Ceci est en particulier nécessaire pour les briques de structure qui vont être collées. Les hauteurs des briques doivent être contrôlées à ±0,3 mm pour une hauteur de 250 mm afin de permettre des joints de mortier- colle de 1 mm. La précision est donc de l’ordre de 0,1 % qu’il est difficile d’obtenir par le seul contrôle de production. Il n’est généralement pas possible de réaliser l’usinage sur le produit sec et il faut le faire sur le produit cuit. Heureusement il s’agit généralement de briques où l’on recherche des densités faibles pour l’isolation thermique et qui sont poreuses, ce qui facilite l’usinage. Cependant, de très grands tonnages doivent être rectifiés. Les machines de rectification comprennent habituellement deux grandes meules, ou deux séries de grandes meules parallèles (diamètre jusqu’à 900 mm) qui tournent à très grande vitesse (120 m/s). Les briques à rectifier passent entre ces meules. Pour augmenter la production, on peut empiler deux briques de façon à usiner sur une plus grande hauteur (600 mm par exemple). L’usinage se fait à sec ou par voie humide. La profondeur de passe est de 1 à 2mm. La poussière d’usinage est récupérée et souvent re-mélangée au mélange de production. L’ensemble est capoté dans une enceinte qui limite le bruit et contient les poussières.

Siliconage des tuiles

Le tesson final des terres cuites est partiellement poreux. Cette propriété est un avantage pour les briques isolantes thermiquement mais peut être un désavantage pour les tuiles. Avec une plus grande porosité, la tuile va absorber plus d’eau et peut être moins imperméable. Cette humidité est néfaste car elle encourage les efflorescences. Elle peut aussi intervenir sur la tenue au gel et favoriser la croissance d’algues, de mousses et lichens. Certaines tuiles, en particulier celles à tesson calcaire, sont donc traitées avec des silicones. Le siliconage modifie le mouillage de la tuile, qui n’est plus mouillée par l’eau liquide, ce qui en limite la pénétration. Les composés utilisés sont des molécules comprenant à la fois des parties organiques et des fonctionnalités silicone. Ces dernières se fixent facilement sur la terre cuite exposant les parties organiques vers l’extérieur qui modifient le mouillage par l’eau. Par contre, la couche de silicone n’est pas une couche étanche ; elle n’empêche pas le passage de la vapeur d’eau et la tuile peut toujours sécher, même si c’est un peu plus lentement Les produits couramment utilisés sont les silanes, les siloxanes et les siliconates ou leurs mélanges. Le méthyl-siliconate de potassium étant soluble dans l’eau ; la tuile peut être imprégnée par trempage dans une solution aqueuse. On s’efforce d’obtenir des imbibitions profondes (quelques mm) de façon à assurer une durabilité du traitement. Au séchage, le produit est ramené vers la surface et la couche résiduelle est beaucoup plus fine. Le produit réagit avec le CO2 de l’air et se fixe définitivement sur la terre cuite sous forme d’acide poly methyl silicique en produisant en plus du carbonate de potasse. Les facteurs qui influent sur la prise sont :
  • la nature de la terre cuite (porosité, présence de chaux, alcalinité, capillarité) ;
  • les conditions de traitement (dilution, temps de trempage) ;
  • la bonne ventilation et la présence de CO2 ;
  • la température pendant le séchage.
On indique par exemple un traitement typique : concentration 1,3 %, temps de contact 7 min, solution absorbée 112 g/tuile, pénétration 1 à 5 mm. Ce traitement permet de diminuer le taux d’absorption d’eau de 9,5 % (sans traitement) à 1,6 % (après siliconage). On avait des doutes initialement sur la durabilité du traitement avec les lessivages de la pluie et l’action des UV et des pollutions. En pratique, la tenue dans le temps semble meilleure qu’initialement supposé.



Grains de chaux et éclatement

On sait depuis longtemps que des grains de chaux blancs et des éclatements peuvent apparaître avec le temps à la surface de la terre cuite, provoqués par l’hydratation et l’expansion de « grosses » particules de chaux quand le mélange n’est pas assez fin et que la chaux ne s’est pas suffisamment silicatisée. Ce défaut peut arriver rapidement sur le parc de l’usine ou sur le chantier. Il peut aussi apparaître plus tard, nécessitant des réfections coûteuses. Il y a quelques années, on considérait que ce phénomène ne pouvait se produire que lorsque les grains de calcaire étaient plus gros que 0,5 mm. En fait, des résultats récents montrent que si on veut être sûr que le défaut n’arrivera pas, il vaut mieux réduire encore la taille du grain, de 0,5 mm à 0,2 mm. Par ailleurs la taille maximale dépend du produit : un carreau décoratif, visible à courte distance, ne doit présenter aucune piqûre. Si le grain de chaux est trop gros, seule sa partie externe se silicatise au cours de la cuisson selon : Équation 6 CaO + SiO2 => CaO.SiO2 + H2O La partie interne du grain conserve sa composition CaO. Après cuisson, la chaux vive résiduelle peut s’hydrater en Ca (OH)2 ou se recarbonater en CaCO3, deux phénomènes qui se font avec expansion car le volume spécifique de chacun des deux composés est plus grand que celui de la chaux vive (et donc la densité est beaucoup plus faible). Les éclats ne sont cependant observés qu’avec l’hydroxyde, qui présente la plus forte expansion.
Selon la composition et la cuisson, la chaux vive sera plus ou moins réactive. Il semble aussi que l’expansion est plus importante si l’hydratation est plus lente. Si le grain de chaux est proche de la surface, il peut provoquer un éclatement superficiel. Quand il est plus profond, il s’hydratera plus lentement, mais des fissures internes peuvent se produire. Dans la pratique, une granulométrie de 0,2 mm ne peut s’obtenir que par une préparation sèche du mélange. Avec une préparation semi humide, les grains finaux ont plutôt des dimensions entre 0,6 et 1 mm selon les produits et les usines, ce qui ne résout donc pas entièrement le problème pour les argiles contenant des grains de calcaires. Parmi les solutions mises en œuvre :
  • on évitera d’introduire des argiles et des dégraissants souillés de blocs de calcaire et on laissera de côté des bancs de calcaire dès la carrière. On peut ainsi évaluer le risque en examinant la composition du mélange retenu au tamis 0,2 mm, et éventuellement choisir les couches les plus propres ;
  • durant la cuisson, il est avantageux de cuire à haute température (jusqu’à 1 100 °C) avec des longs temps de maintien pour favoriser la silicatisation du calcium et consommer le grain de chaux. Il semble aussi que la chaux résiduelle traitée à haute température soit moins réactive. On note que le calcaire est l’apport de carbonate le plus dangereux  ; la dolomie provoque moins d’éclatement de chaux et le carbonate de magnésium n’en produit pas du tout. Pour être complet, il faut signaler une technique où l’on rajoute au mélange du sel (NaCl) (5 à 6 kg de sel dénaturé par tonne de mélange), qui favorise la silicatisation via la formation intermédiaire d’une phase CaCl2 qui réagit avec la silice du tesson. Cependant ce traitement complique significativement le traitement des fumées ;
  • une solution qui est par contre souvent utilisée est le trempage des nouveaux produits dans un bac d’eau froide: la chaux se dissout partiellement à basse température comme on le voit sur le tableau 33 ; l’hydratation rapide limite l’expansion, on produit de la chaux pâteuse avec de l’eau en excès et la sur contrainte observée avec une chaux plus sèche est plus faible. La durée de trempage va de quelques minutes à quelques dizaines de minutes ; il faut bien sûr conserver l'eau du bain non saturée. A titre des inconvénients du traitement, cette technique ajoute un pas de plus au procédé de fabrication et favorise les efflorescences.
Le test qui permet de vérifier la tenue de produits aux éclatements par grain de chaux (annexe B de la nouvelle norme NP P12-021-2) est lui aussi un test d’immersion à l’eau (eau bouillante, 3 h). Cependant à 100 °C, la solubilité de la chaux est 2,5 fois plus faible, l’expansion est importante et donc le résultat obtenu est à l’opposé de celui du trempage à l’eau froide.


Efflorescence

A différentes étapes de la production, et aussi en œuvre, il est possible de voir apparaître des colorations blanchâtres, des voiles et des coulures à la surface des produits de terre cuite. On les appelle «efflorescences ». De façon plus générale, on appelle efflorescence toute exsudation saline provoquée par la migration d’eau chargée en sels du cœur d’un produit poreux (terre cuite mais aussi béton, pierre naturelle) vers la surface extérieure. Lors de l’évaporation au cours d’un séchage, les sels se déposent à la surface du produit. Si l’interface eau/air n’est plus à la surface de la terre cuite, comme on l’a vu au chapitre séchage, les sels se déposent alors à l’intérieur et ne sont plus visibles. On parle parfois de « crypto efflorescence » (crypto- = caché) dont on reparlera dans le chapitre consacré à la résistance aux sels expansifs. Les efflorescences sont inesthétiques sur les briques apparentes, les carreaux et les tuiles. Sur les briques de structure, on va s’inquiéter de la tenue des mortiers et des enduits (plâtre et ciment) sur ces dépôts intermédiaires. Il faut la concomitance de plusieurs éléments pour produire des efflorescences :
  • présence de sels hydrosolubles ;
  • humidification importante ;
  • texture poreuse ;
  • séchage ultérieur ;
  • interface de séchage eau/air à la surface de la terre cuite.
En principe, tous les sels hydrosolubles sont susceptibles de former des efflorescences. Dans la terre cuite, les sels les plus fréquents sont :
  • la chaux, faiblement soluble et qui, au contact avec le gaz carbonique de l’air, se carbonate en calcaire blanc insoluble et adhérent ;
  • les différents sulfates avec leurs solubilités dans l’eau et leurs températures de fusion/décomposition comme indicateur de leur stabilité.

Tous les sulfates sont partiellement solubles, sauf le sulfate de baryum. En discutant des compositions des mélanges argileux, on a évoqué l’intérêt de l’ajout de carbonate de baryum et on va en reparler. On note aussi que le sulfate de calcium est peu soluble mais très stable thermiquement. Souvent, les efflorescences n’ont qu’un effet esthétique défavorable et momentané. Avec le temps, la pluie peut laver ces efflorescences en les redissolvant. Parfois malheureusement il existe des phénomènes qui rendent ces efflorescences insolubles après leur première exposition à l’air, comme la recarbonatation de la chaux. On distingue les efflorescences détectées en production, principalement au séchage, de celles qui sont observées par la suite sur le parc de l’usine et sur les chantiers.

Efflorescence de séchage

Des efflorescences peuvent se produire durant le séchage. L’origine des sels est le mélange de fabrication, argiles, dégraissants et/ou eau. Les sels en cause peuvent être les sulfates et aussi les sulfures (pyrite) qui s’oxydent lentement en sulfates dans le mélange. La chaux n’est pas encore libérée et n’intervient pas à cette étape. Les efflorescences de séchage sont liées à la vitesse de séchage. Les sulfates sont soumis à deux diffusions contradictoires, d’une part l’entraînement par le mouvement capillaire de l’eau qui diffuse dans les pores vers l’extérieur durant le séchage, et d’autre part, la diffusion entre la zone externe enrichie à la saturation et la zone interne avec une concentration plus faible. Des résultats extensifs récents montrent que les efflorescences sont d’autant plus intenses que le séchage est plus rapide. A basse vitesse d’évaporation, le débit de l’eau est faible et la diffusion propre du sel limite l’apport global de sels à la surface. Ce n’est plus le cas quand la vitesse d’évaporation est rapide. On trouve cependant des résultats contradictoires dans la littérature, qui tiennent peut-être à la difficulté de bien contrôler l’équilibre entre ces deux diffusions. Le problème devient réel quand la concentration en sulfate est supérieure à 0,1 %.

En cas d’efflorescences dues aux sulfates, la solution technique largement utilisée est l’emploi de carbonate de baryum ajouté au mélange. La réaction de fixation des sulfates a lieu en phase humide. Les ions baryum piégent les ions sulfates à la surface du grain de carbonate de baryum et le sulfate de baryum obtenu est peu soluble et stable thermiquement. La réaction globale est : Équation 7 BaCO3 + CaSO4.2H2O => BaSO4 + CaCO3 +2H2O Le sulfate est stabilisé et on forme un peu de calcaire. Les additions de carbonate sont de l’ordre de 2 à 5 kg/t et dépendent de l’activité de surface du carbonate. Sans traitement au carbonate de baryum, la couche enrichie en sulfate va se transformer durant la cuisson qui suit le séchage. Certains sulfates vont s’évaporer et se décomposer. Par contre, le CaSO4 stable, va réagir avec le quartz et former des silicates de calcium blancs CaSiO3, insolubles et très stables. La terre cuite est alors colorée de façon indélébile. On note qu’il est aussi possible de former des efflorescences de sulfate quand un combustible trop soufré est utilisé (concentration en SO2 des fumées supérieure à 0,5 %), cas qui a pratiquement disparu avec l’emploi généralisé du gaz naturel.

Efflorescence en œuvre

L’origine des sels est alors variée :
  • chaux venant de la terre cuite. Cette chaux peut provenir de grains de petite taille de même origine que les points de chaux précédents, grains de calcaire décomposés et insuffisamment silicatisés. La formation d’efflorescences de chaux due à la terre cuite est généralement rapide (apparition déjà sur le parc) ;
  • sels contenus dans le mélange de production initial et non décomposés à la cuisson. Ne peuvent provenir de la terre cuite que des sels stables non décomposés par la cuisson, ce qui exclue les nitrates et les chlorures. Les différents sulfates sont partiellement décomposés et on voit l’effet de la température de cuisson sur la concentration résiduelle de sulfate. Initialement, la concentration augmente car les sulfures s’oxydent en sulfates. Par la suite, une cuisson à haute température limite les concentrations en sulfates. Les sulfates de magnésium, de sodium et de potassium ne se retrouvent pas dans les argiles cuites au-dessus de 1 000 °C. En pratique sur un produit bien cuit, seul le sulfate de calcium peut venir de la brique. De plus, ces efflorescences sont déjà apparues au séchage et le briquetier a eu la possibilité d’intervenir. 
  • chaux apportée par le ciment du mortier  : dans la phase initiale de l’hydratation du silicate tricalcique du ciment du mortier, il y a une libération d’ions Ca2+ suivie d’une précipitation de Ca(OH)2. Ces ions peuvent migrer avec l’eau de gâchage et provoquer des coulées de laitance. Il est donc fondamental de limiter les apports d’eau à la maçonnerie durant la première semaine. Il faut la protéger de la pluie. Le béton contient plus de ciment que le mortier et peut provoquer encore plus de laitance. Il faut donc le séparer d’un mur de brique apparente par une membrane étanche ;
  • sels apportés par le ciment du mortier: les ciments contiennent des sels solubles ou qui le deviennent au contact de la brique. Par exemple, il y a souvent du sulfate de calcium (3 à 5 %), qui est introduit comme régulateur de prise (régulation de l’hydratation de l’aluminate tricalcique) et qui est consommé lentement en quelques jours. Il peut donc aussi migrer avec l’eau de gâchage avant sa stabilisation. Des ciments reçoivent parfois des ajouts de scories qui contiennent des sulfates de sodium. Le maçon ajoute parfois des détergents comme plastifiant à son mortier ; ces détergents contiennent souvent du sulfate de sodium. Ils sont à prohiber au contact de la terre cuite ;
  • sels apportés par l’eau de gâchage, le sable ou les agrégats du mortier non lavés (sable marin non lavé) ;
  • sels absorbés par la terre cuite pendant le stockage sur des sols humides et souillés ;
  • sels provenant d’une remontée capillaire dans la maçonnerie quand il n’y a pas de couche anticapillaire (constructions anciennes) ;
  • sels apportés par la pollution. Dans une atmosphère où l’air est très pollué en SO2, il est possible qu’avec le temps, la chaux soit attaquée et transformée en sulfate de calcium.

Il est donc important, en cas d’efflorescence, de bien analyser le produit déposé car les causes et les solutions dépendent de la nature chimique de l’efflorescence. Les remarques effectuées précédemment sur l’influence importante des conditions de séchage (position de l’interface eau/air, vitesse de séchage) sont encore valables pour les efflorescences observées en œuvre. Que faire au niveau du chantier quand on observe des efflorescences ? Il est clair que le phénomène d’efflorescence en œuvre peut réapparaître même après nettoyage, si les conditions d’apparition se reproduisent (sels solubles disponibles et forte ré humidification). Dans la mesure du possible, il faut donc favoriser des solutions de nettoyage mécaniques ou autres qui apportent peu d’humidité dans la maçonnerie. Quelques solutions à appliquer à la fois par le producteur et l’utilisateur. Par ailleurs, il faut citer l’apparition rare d’efflorescences colorées : taches jaune à verdâtre de sels de vanadium ou de sels de chrome, taches rougeâtres de sulfate de fer. Il est parfois possible de complexer les sels de vanadium et de chrome pour les rendre incolores. Il faut aussi noter que toutes les colorations sur les maçonneries et les plâtres ne sont pas forcement des efflorescences. On trouve aussi :
  • les souillures dues à certaines huiles de décoffrage ;
  • les moisissures ;
  • les empoussièrements ;
  • le salpêtre.

Tests d’efflorescence

Différents tests de laboratoire sont disponibles pour évaluer la tendance des produits de terre cuite aux efflorescences. Certains tests évaluent la terre cuite seule, d’autres la terre cuite en association avec des mortiers :
  • détermination des sels solubles actifs dans la terre cuite. Les sels contenus dans la terre cuite sont extraits par percolation et analysés (EN NF 772-5). On mesure les concentrations de Na, K et Mg.

Il ne s’agit pas réellement d’un test d’efflorescence car le cation le plus important, le calcium, n’est pas pris en compte. Il s’agit d’un test de sels solubles dits « actifs » pour limiter l’attaque des mortiers par les sulfates et réduire l’action des sels expansifs (Mg) :
  • essai d’apparition d’efflorescence : une mèche est réalisée en trempant la base du produit de terre cuite dans l’eau et en laissant s’évaporer l’humidité de la surface non trempée. On examine l’échantillon après séchage, on regarde la nature des sels et leur adhérence. Comme les conditions de séchage en œuvre sont différentes de celles du test, le résultat du test n’est qu’indicatif ;
  • il est aussi possible de réaliser des tests de compatibilité avec le mortier en réalisant le même essai mais avec le pied de la brique enrobé de mortier frais. Dans des chantiers importants pour leur aspect esthétique, il est recommandé de réaliser ce type de test au moment de la sélection des mortiers.

Coloration des produits

Produits non engobés

Classiquement, la couleur peut se définir avec les trois notions du nuancier de Munsell : la teinte, la luminosité et la saturation. A titre d’exemple, on peut classer les productions italiennes, sans engobe, selon ces paramètres :
Description générale
Marron rouge
Rouge
Marron rouge clair
Orange
Rose
Marron clair
Rose
Beige
Teinte
(« hue »)10 teintes
disponibles : R rouge, Y jaune
2.5YR
2.5YR
5YR
5YR
5YR
7.5YR
7.5YR
10YR
Luminosité (1 noir et 9 blanc)
4-5
5-6
6
5-7
7
6
7-8
7-8
Saturation(« Chroma »)
4-5
6-8
3-5
6-7
3-4
4-6
2-4
3-4
Fréquence des produits(%)
2
11
19
37
8
2
12
8

Couleurs des terres cuites italiennes (285 produits)
Cette couleur des produits finaux non engobés dépend de la composition des mélanges argileux, de l’atmosphère de traitement (oxydante ou réductrice) et du cycle thermique (température finale). De façon habituelle, l’uniformité des couleurs est un critère de choix important du client qui pense que c’est aussi un gage d’uniformité des autres propriétés. La teneur respective en fer, calcium a une incidence prépondérante sur la coloration des terres cuites. Selon Bigot, les produits restent jaunes quelle que soit la concentration en fer si le rapport CaO/Al2O3 (exprimé en molécule-gramme) est > 1. Ils sont rouges dans le cas inverse. Pour les argiles non calcaires, dites ferrugineuses, la coloration est rouge après une cuisson oxydante quand la concentration en oxyde de fer est supérieure à 5 %. La couleur va devenir de plus en plus foncée, avec une température de cuisson croissante, partant d’ocre jaune ou ocre rosé, passant au rouge brique classique, au rouge brun, puis au brun noirâtre quand on est proche de la fusion. Pour les argiles calcaires, riches en chaux (> 7 %), on obtient toujours des teintes claires ; la teinte évolue du rose pâle au jaune rosé, puis au jaune franc qui tend vers le vert à l’approche de la fusion. Selon Seger , on obtient des teintes jaunes pour le rapport Fe2O3 % / CaO % < 0,5. Le fer n’est plus présent dans le tesson sous forme d’oxyde rouge mais de composés ferrocalciques (ferrites de calcium : CaO.Fe2O3 et 2CaO.Fe2O3). Cela est confirmé par Fabbri : la teinte est beige si Fe2O3 / CaO <0.45 alors que la teinte est rouge si le rapport Fe2O3 / CaO >0.9. Pour ces tessons rouges, la luminosité et la saturation augmentent avec la température de cuisson. Selon Seger à nouveau23, la concentration en alumine est aussi un facteur important :
  • si le rapport Fe2O3 / Al2O3 < 0,2, la teinte est claire ;
  • si le rapport Fe2O3 / Al2O3 > 0,33, la teinte est nettement rouge.
En cuisson réductrice maintenant, des teintes grises et bleutées vont être obtenues, liées aux oxydes de fer incomplètement oxydés. Il est possible de changer la couleur par une modification de la composition de la masse. Les ajouts en masse les plus courants sont :
  • le bioxyde de manganèse (1 à 4 %), pour obtenir des teintes brunes. Suivant la granulométrie et la pureté, les additions sont plus ou moins efficaces. En combinaison avec du fer, il est possible d’obtenir du noir ;
  • le calcaire broyé, pour obtenir des teintes plus claires mais qui nécessitent des ajouts importants ;
  • l’oxyde de titane TiO2 (0,5 à 2 %), qui permet d’obtenir des colorations jaunes sur des argiles ferrugineuses.
Ces ajouts massiques peuvent devenir coûteux ; assez rapidement l’utilisation des engobes, déposés en surface, s’impose pour des raisons économiques.

Traitements de surface, engobes et émaux

A la sortie de l’extrudeuse ou de la presse, les produits reçoivent souvent un traitement de surface. Parfois il est appliqué après cuisson. On présente donc ici l’ensemble des traitements de surface, quelle que soit la position de la machine d’application sur la ligne de production.

Traitements mécaniques

Les briques apparentes peuvent recevoir une texturation de surface, un profil, une rugosité ou un aspect de surface, appliqué sur des produits verts. Les techniques employées sont par exemple :
  • application d’une bande ou d’un rouleau marqueur ;
  • utilisation de peignes ou de brosses ;
  • projection de sable ou de mâchefer ;
  • recoupage avec un fil.
Les briques apparentes et les tuiles peuvent recevoir un engobe pour modifier la couleur dans des aspects mats.

Engobes

Un engobe est un mélange, composé d’une base argileuse à laquelle des oxydes sont ajoutés, et qu’on applique superficiellement pour modifier la couleur de la tuile ou de la brique. Il est déposé soit sur le produit vert (avant ou après pressage), soit sur le produit sec (mais il le re-humidifie). Il peut être appliqué par pulvérisation en phase liquide comme une barbotine ou déposé en poudre. Il va se lier au tesson sous-jacent lors de la cuisson. La couche d’engobe doit être telle que :
  • son épaisseur et sa couleur sont suffisantes pour obtenir la teinte et l’aspect final sans qu’apparaisse le tesson sous-jacent ;
  • il adhère à la pièce durant la cuisson et supporte les variations de retrait. On s’arrange généralement pour que l’engobe présente des retraits similaires ou légèrement inférieurs à ceux du mélange de base ;
  • il cuit à des températures égales ou légèrement inférieures à celles du tesson ; il ne se dissout pas et ne coule pas non plus.
Quand on peut, on utilise l’argile du tesson comme élément de base et on y rajoute les pigments colorés. On obtient alors des couleurs plus foncées que celles de l’argile de base si on ne dépose pas en même temps, des ajouts clarifiants. Les composants de l’engobe sont donc  :
  • les argiles, mélanges d’argile commune et de kaolin, pour obtenir le bon retrait, le total de ces deux composants représentant souvent entre 40 et 70 % ;
  • le fondant, souvent une fritte sans plomb ;
  • le dégraissant, souvent de la poudre de silex (agglomérat de silice sous forme de quartz, calcédoine et opale) ;
  • un durcissant de l’engobe durant l’application, le séchage et la cuisson : parfois du borax, du silicate d’éthyle, du "water glass" ou une résine organique ;
  • un opacifiant ;
  • les colorants. Il s’agit d’oxydes colorés. On indique au tableau 38 quelques couleurs obtenues avec des concentrations typiques dans une engobe (50 % argile et kaolin, 25 % feldspath et 25 % silex).
Tableau 38 Pigments pour engobes et concentrations typiques
Pour certains effets, on peut aussi rajouter des matériaux en granules. Souvent la teinte n’est pas unie pour reproduire le vieillissement des tuiles. Par décantation ou centrifugation, on peut utiliser des argiles très fines (engobes sigillés) qui donnent des revêtements satinés à reflet métallique.

Emaux

A ce stade, il faut aussi parler des émaux qui jusqu’à présent sont peu utilisés dans la terre cuite, principalement pour des raisons économiques. Dans son principe l’émaillage est très proche de l’engobage, avec cette différence que la proportion de la phase vitreuse formée à la cuisson est cette fois très importante, c’est ce qui va donner son aspect brillant à la pièce émaillée. Pour des températures de cuisson limitées, les fondants sont souvent le borax ou le carbonate de soude. Les colorants sont des composés métalliques plus ou moins complexes, parfois utilisés pour les engobes, composés du cuivre (vert), du fer (jaune ocre ou brun rouge), zircone- yttrium (jaune), zircone –vanadium- cobalt (bleu). Les conditions d’application et les problèmes de mise en œuvre sont très similaires à ceux des engobes. L’émail peut être en mono cuisson. Dans ce cas, il est déposé sur la tuile sèche comme l’engobe. Il n’est pas très facile d’obtenir des bons résultats avec des émaux mono cuisson à cause du retrait du produit en cours de cuisson. Souvent, on utilise des émaux qu’on dépose sur la tuile déjà cuite. Il faut alors refaire un cycle thermique complet (bi cuisson) à une température inférieure à la température de cuisson. Il est enfin possible de produire des glaçures à la surface de la terre cuite. La solution ancienne était de déposer en surface des sels alcalins qui favorisent le grésage superficiel. On introduisait les sels dans le four chaud où ils se vaporisaient. En fait cette technique induit des problèmes de pollution des fumées et de maintenance des fours et n’est plus utilisée. On utilise plutôt des glaçures qui peuvent être à base de zinc et dont on donne deux compositions sur le tableau 39.
Tableau 39 Glaçures au zinc (% poids)
Des cristaux de silicate de zinc, ZnSiO3 ou Zn2SiO4, se forment à la surface. Des revêtements vitreux satinés peuvent aussi être obtenus avec de l’hexamétaphosphate de sodium. Autres traitements de surface Il faut aussi signaler d’autres traitements dont le but n’est pas de proposer de nouvelles teintes mais d’apporter la durabilité de l’aspect au produit. On a déjà parlé du siliconage. Il faut citer aussi d’autres développements comme :
  • la création de topographies superficielles qui modifient le mouillage de l’eau de pluie et empêchent le dépôt de salissures (« effet lotus ») ;
  • le développement de couches photo actives en TiO2 activé (anatase). Ces couches sont supposées oxyder photo-catalytiquement les dépôts organiques qui sont alors entraînés par l’eau de pluie. Cette technique a été développée initialement pour les vitrages, se développe pour les peintures et les traitements de béton et pourrait s’appliquer aux tuiles et briques apparentes.

Cœur noir

Un article de TerraWiCotta.

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On observe parfois un phénomène de « cœur noir » à l’intérieur de produits de terre cuite. Il s’agit d’une zone interne de couleur différente (bleue, grise, noire) qui est observée au centre des produits. Cette coloration apparaît spécialement quand le contenu organique du mélange est élevé et quand la cuisson est rapide. La matière organique se décompose sur place au lieu de s’oxyder par manque d’échange avec l’air extérieur. Il reste donc un résidu carboné, peu oxydable. Quand les hydrates de fer se décomposent, les oxydes de fer moyennement oxydés et noirs (wustite FeO, magnétite Fe3O4) vont se former. Cette coloration interne est donc due au fait que la zone interne n’a pas subi une atmosphère suffisamment oxydante pendant suffisamment de temps pour que les oxydes de fer moyennement oxydés soient tous complètement oxydés au niveau d’oxydation le plus élevé et rouge (hématite Fe2O3). La couche externe a tendance à se densifier de façon préférentielle à cause de la distribution de température dans la pièce : la décomposition des matières organiques est endothermique alors que l’oxydation est exothermique. La surface où brûlent les hydrocarbures de décomposition est donc plus chaude et grèse plus rapidement que le centre. Dans le cas extrême, la couche externe grèse trop vite et trop bien et bloque les échappements de gaz. Ce gaz est maintenant produit à haute température par la réduction des oxydes de fer par le résidu carboné selon des réactions de type :
Équation 8 Fe2O3 + C => 2FeO + CO
Pour les argiles calcaires, le CO2 de décomposition est aussi un apport de gaz important à cette gamme de température. Des boursouflures et fissures peuvent alors apparaître de façon additionnelle. Un cœur noir limité n’a pas généralement de grande influence sur les propriétés du produit final ; on a noté des augmentations de la porosité dans la zone centrale et parfois des résistances plus élevées, mais on ne connaît pas les températures réelles de grésage de la partie cœur noir. Cependant, le client est souvent gêné par ce qui apparaît comme un défaut d’uniformité. La solution réside souvent dans l’emploi d’un mélange plus dégraissé ou d’une montée en température plus lente dans la zone critique quand c’est possible.

Tuiles et verdissement

On observe parfois la prolifération de végétaux sur les couvertures de bâtiments : il s’agit de moisissures et de champignons, souvent de couleur noire, de lichens, gris ou jaunes, d’algues vertes et même de mousse en coussinets verts noirâtres. Ces végétaux sont très résistants aux variations climatiques et peuvent supporter de longues sécheresses, des expositions au soleil ou des grands froids sans être détruits . Leur apparition est inévitable car l’ensemencement et l’apport de milieu nutritif se réalisent par le vent ou par l’intervention de bactéries capables d’intégrer l’azote et le gaz carbonique de l’air. L’ensemencement est partiellement réduit par les fortes pentes. Leur développement dépend des conditions climatiques. Les climats et expositions humides favorisent la croissance (versant à l’ombre, au nord, présence d’arbres ou de constructions proches qui font de l’ombre, humidité générale du climat). Ces verdissements peuvent se développent sur des substrats inertes en humidité de l’air élevée (>80%), plus précisément pour une certaine combinaison de l’humidité / température appelé isopleth. Par exemple la germination d’une espèce est observée à 10°C si l’humidité est supérieure à 85%, mais à 25°C, elle ne doit plus être que 80%. La croissance est soumise à des lois similaires. Le verdissement est donc favorisé par de longues périodes tièdes et humides. La pollution semble aussi un facteur aggravant. Les substrats ont aussi leur influence. On notera que les toitures en cuivre ne présentent pas de croissance car les sels de cuivre formés sont des anticryptogamiques. Par contre des croissances sont observées sur tous les supports céramiques. Les supports rugueux facilitent la fixation des espèces ensemencées et contrarient leur entraînement par la pluie. Les tuiles à grains fins et surtout les tuiles émaillées, très lisses, sont moins sensibles. Cependant, on a noté, sur certains sites exposés, le verdissement de tuiles émaillées et même de tuiles de verre. Par ailleurs un matériau à porosité superficielle importante permet de stocker de l’eau et est plus propice au développement de ces micro-organismes. La capillarité et la facilité de sécher de la tuile a son importance, de même sans doute que la présence du vide de ventilation. Les tuiles qui sèchent vite devraient être moins sensibles que les autres. On a noté aussi que les tuiles hydrofugées par siliconage résistaient mieux au développement de végétation que les tuiles équivalentes non siliconées. On a essayé de traiter des tuiles avec des biocides de façon préventive, en combinaison ou non avec le siliconage. Jusqu’à présent, la rémanence de l’effet biocide produit n’a pas été assez longue pour être commercialement intéressante. On a aussi essayé de modifier l’aspect superficiel pour modifier mouillage et écoulement d’eau(effet lotus). L’effet photochimique du TiO2 a été testé. On a aussi fixé des petites pièces de cuivre sur les tuiles mais l’effet reste local et l’extension géométrique de l’effet est limitée. Ces micro-organismes n’ont aucune action directe sur la terre cuite elle-même et ils ne tirent pas leur subsistance du support. Cependant, ils peuvent conduire à une augmentation de la teneur en eau de la tuile en limitant l’évaporation et induire ainsi une sensibilité accrue au gel. Par contre on apprécie ou non l’aspect esthétique de ces proliférations. De plus, les débris de ces végétaux peuvent boucher les emboîtements et sont capables de les soulever légèrement. Les règles de l’art et les DTU demandent donc un nettoyage périodique des toitures et des gouttières. Ce nettoyage se fera simplement au jet d’eau sous pression modérée et par brossage. On peut aussi utiliser des antimousses commerciaux ; ils sont généralement basés sur l’emploi d’ammonium quaternaire, de formule générale NR4 avec R = CH3 ou C2H5, ou sur l’emploi d’eau de Javel. Dans tous les cas, il faut suivre les instructions de sécurité des fournisseurs. Après, il faudra souvent éliminer mécaniquement les végétaux morts mais encore partiellement adhérents à la toiture.

Résistance au gel

Comme tous les matériaux de construction poreux, les terres cuites peuvent être sensibles au gel. Sur les produits dégradés, on observe une desquamation progressive qui se développe avec le temps, provoquant exfoliation, écaillage, feuilletage et fissures.

Mécanisme de dégradation au gel

L’eau en se solidifiant diminue de densité (Tableau 57), ce qui produit une expansion de volume de 9 %.
Tableau 59 Densités de l'eau sous différentes phases
C’est ce phénomène qui fait casser une bouteille d’eau remplie à ras bord, bouchée fermement et exposée au gel. La terre cuite est un matériau poreux avec principalement une porosité ouverte et une faible porosité fermée. La porosité ouverte peut se remplir d’eau partiellement. On a vu que si on trempe une terre cuite dans l’eau à température ambiante et à pression atmosphérique, elle va absorber de l’eau avec le temps jusqu’à un certain taux (volume d’eau / volume des porosités totales), appelé taux ou degré de saturation et généralement bien inférieur à un. Selon les produits, les taux de saturation sont différents. Une situation plus sévère est obtenue quand l’imbibition est réalisée à l’eau bouillante à pression atmosphérique. La pression interne des pores, qui est 1 atm. à 100 °C, comprend principalement de la vapeur d’eau et de l’air chaud. Au refroidissement, la pression résiduelle de l’air refroidi et de la vapeur d’eau condensée dans les pores est beaucoup plus faible que la pression atmosphérique et la pénétration de l’eau est facilitée. On peut aussi réaliser l’imbibition sous pression, à température ambiante ou à plus haute température. Une imbibition complète est obtenue quand elle s’effectue sous vide : on expose d’abord la terre cuite au vide dans une enceinte de façon à vider complètement les pores, puis on introduit l’eau de l’imbibition. On peut donc réaliser différentes imbibitions, plus ou moins sévères, en travaillant non sous vide absolu mais sous vide partiel. Quand la terre cuite n’est pas saturée (en principe quand le taux de saturation est < 90 %), l’augmentation de volume de l’eau trouve sa place dans les espaces non remplis des porosités. Un taux de saturation faible après trempage simple est donc déjà un premier indice de résistance au gel d’une terre cuite. On considère parfois que cet indice devrait être plus petit que 75% environ pour garantir la résistance au gel. Si par contre la terre cuite est proche de la saturation, le front de solidification, qui se développe à partir de la surface la plus froide, va chasser l’eau liquide excédentaire devant lui. Si la vitesse du front de solidification est lente, l’eau pourra s’écouler à travers les porosités devant le front. Si la vitesse est plus rapide, l’eau aura plus de mal à s’écouler dans les pores et une zone de surpression va se créer dans l’eau des pores, en fonction de leurs taille, longueur et distribution. Ceci forcera l’eau plus activement dans les petits pores, mettra aussi la terre cuite sous pression interne et induira des gonflements élastiques de la matière. On observe ainsi qu'une terre cuite exposée à des cycles gel/dégel se remplit plus d’eau que la même terre cuite qui séjourne dans un bac d’eau pendant la même durée. Le taux de saturation augmente avec les cycles. Cette constatation est spécialement importante pour les tuiles siliconées. Par simple trempage, la prise d’humidité et le taux de saturation restent faibles. Par contre ils augmentent de façon importante avec des cycles de gel/dégel. Cette augmentation de pression ainsi que la taille réduite des pores et les phénomènes de capillarité associés vont provoquer une baisse de la température de solidification de l’eau, de 0 °C à l’air libre vers -3 à -4 °C dans la céramique. Dans une tuile, l’eau ne gèle pas à 0 °C mais à quelques degrés plus bas. Si la saturation en eau est plus élevée et la vitesse du front encore plus rapide, les déformations et les contraintes ne restent pas élastiques et la terre cuite peut se fissurer à certains points de façon à accommoder les contraintes. Ces dégradations restent limitées car la pression dans les pores baisse très vite. Ces petites dégradations vont cependant croître à chaque cycle endommageant. On voit donc que la dégradation éventuelle au gel exige la coexistence de :
  • une terre cuite saturée d’eau ; pour une tuile, ceci n’est obtenu qu’après une forte exposition à l’eau (pluie, neige fondante) suivie de quelques cycles de gel/dégel sans séchage intermédiaire. Les briques apparentes sont plus ou moins exposées à la pluie : expositions sévères (acrotère, mur de soubassement, etc.), expositions modérées (mur sous avant toit, mur intérieur, etc.). En exposition sévère, la saturation est possible ;
  • des cycles de gel/dégel à suffisamment basse température et en nombre suffisant pour saturer la tuile et geler. Sur la figure 63, on voit la carte de France du gel, avec le nombre de passages annuels à 0°C observés par an. Le nombre de cycles de gel/dégel, qui est la moitié, est au maximum de 36 par an (hors montagne). Le nombre de cycles à -4°C est plus faible.
  • en cumulant les deux exigences, on s’aperçoit que le nombre annuel de cycles critiques (réalisés alors que la tuile est saturée) est beaucoup plus limité. Par exemple à Limoges, on ne note que quelques cycles critiques (par exemple 5) par an alors que le nombre de cycles de gel est proche de 30).
Un point important qui limite l'écoulement de l'eau devant le front de solidification est la taille des pores. A porosité égale, les tessons à pores fins vont offrir plus de résistance hydraulique et vont subir plus de pression interne. Ils sont plus sensibles au gel. On établit donc souvent une liaison entre la résistance au gel et la taille des pores :
  • selon Maage , une grande proportion de pores d'un diamètre plus grand que 3 µm assure une bonne résistance au gel ;
  • de façon similaire, Bentrup pense que le diamètre moyen des pores doit être supérieur à 1 µm pour une bonne résistance alors que Albenque au CTTB recommande 2 µm ;
  • une publication récente établit une relation entre le rayon moyen des pores et le nombre de cycles de résistance au gel. Dans une argile ferrugineuse, l'auteur réalise des tessons avec différentes tailles de pore par des additions variées et il établit une nette corrélation entre les deux paramètres. Pour résister à 70 cycles de gel/dégel, avec le test effectué, il lui faut un diamètre moyen supérieur à 2,4 µm (Figure 64).
Figure 62 Carte de France du nombre de cycles gel/dégel

Tests de résistance au gel

Selon les produits et les pays aux climats variés, différents tests de résistance au gel ont été développés. Ils sont assez similaires dans leur principe : l'échantillon de terre cuite est imbibé d'eau ; il est alors soumis à un certain nombre de cycles gel/dégel. A la fin du test, on examine l'état de l'échantillon testé. Par contre dans le détail, ils varient selon le mode de l’imbibition (immersion, aspersion, emploi du vide), le type du front de gel (directionnel ou non), les vitesses de variation de température, le niveau d’automatisation, les critères d’évaluation (altération visuelle, changement de poids, variation des propriétés mécaniques). Les températures extrêmes de cycles sont généralement +20 °C et -15 °C. Les différences de conditions expérimentales correspondent partiellement aux conditions d’emploi des produits et partiellement à l’histoire du développement de ces tests. Selon les produits et les pays, le nombre de cycles que doit subir l'échantillon sans dommage notable varie de 25 à plus de 150.
Figure 63 Résistance au gel en fonction du rayon médian des pores
Pour améliorer la résistance au gel au niveau du tesson, les solutions du producteur se trouvent dans le contrôle des porosités par l’emploi approprié de dégraissant et dans une cuisson à haute température.

Résistance aux fumées, condensats acides et atmosphères polluées

Les produits de terre cuite peuvent être exposés à des conditions corrosives. Il peut s’agir d’expositions à des produits très corrosifs, mais généralement avec des temps limités. Il s’agit aussi de la corrosion atmosphérique, avec des milieux moins corrosifs mais avec des durées beaucoup plus longues. Par la présence de silice, la terre cuite présente une bonne résistance cependant, en milieux acides, les composés contenant des alcalins, alcalinoterreux et du fer sont plus rapidement attaqués. Certains pavés utilisés à l’extérieur dans l’industrie chimique doivent résister à des débordements d’acide. Pour les tester, on les réduit en poudre (500 / 800 µm) et on trempe cette poudre pendant 1 heure dans un mélange bouillant d’acide sulfurique (10 %) et d’acide nitrique (10 %). La perte de masse est alors mesurée et doit être inférieure à 7 % . Les boisseaux pour conduit de cheminée en terre cuite doivent aussi résister aux condensats acides des fumées. Pour les tester, on immerge des morceaux dans une solution d’acide sulfurique (70 %), à 100 °C, pendant 6 heures ; l’attaque doit être inférieure à 2 ou 5 % de la masse initiale selon la température d’emploi du boisseau. Les produits de terre cuite résistent bien à la corrosion des polluants atmosphériques. La dégradation provient de l’attaque chimique des pluies acides provoquées par les oxydes d’azote et les oxydes de soufre. Ces milieux sont beaucoup moins actifs que les précédents, les vitesses d’attaque sont plus faibles mais les temps sont plus longs.

Résistance aux sels expansifs

La présence de sels dans la terre cuite, comme dans les autres matériaux de construction poreux, est néfaste sous différents aspects. Leur première influence est d’augmenter les concentrations d’humidité stationnaire dans les terres cuites qu’on observe dans les isothermes d’absorption. La conductivité thermique est augmentée. Le NaCl est le plus hygroscopique. Il augmente la viscosité et la tension de surface. Par ailleurs les sels conservent l’humidité dans la terre cuite plus longtemps puisqu’il faut des humidités de l’air plus basses pour sécher les solutions salines. Par ailleurs les matériaux de construction peuvent être endommagés par les sels solubles quand ils précipitent à l’intérieur du matériau, sous forme de crypto efflorescence. Les sels qui peuvent provoquer des dommages dans les matériaux sont les sulfates (Na2SO4, CaSO4, MgSO4…), les chlorures (NaCl, CaCl2), les carbonates (Na2CO3, K2CO3, CaCO3…) et les nitrates (Mg(NO3)2, Ca(NO3)2…). On peut observer des fissures, des délaminations, des cloques, de la formation de poussière…Ce mécanisme de dégradation est encore mal connu. Une première explication des dégradations est liée aux contraintes de l’expansion/retrait des sels solubles expansifs en cours des cycles d’hydratation/déshydratation. Selon le mode des séchages, le sel se concentre sur une zone interne d’évaporation où il se déshydrate partiellement. A la réhydratation, des contraintes d’hydratation sont créées car le volume spécifique augmente. De façon très schématique, on indique au tableau 60 les expansions provoquées par les hydratations de quelques sels.
Tableau 60 Expansion de sels à l’hydratation
Une autre explication réside dans l’existence d’une pression de cristallisation quand des sels cristallisent dans des pores de petite taille, de façon similaire à la pression capillaire. A cause du diamètre du pore et de la pression, la concentration d’équilibre de sel est plus élevée qu’elle ne le serait hors du pore. En ce qui concerne maintenant la terre cuite de façon spécifique, elle est plutôt bien placée par rapport à d’autres matériaux de construction poreux :
  • les pores de la brique sont nettement plus gros et les pressions sont inversement proportionnelles aux diamètres.
  • Les nitrates et carbonates n’existent plus dans la terre cuite. Ils ont été détruits par la cuisson. Ces sels ne peuvent apparaître que par remontées capillaires, que l’on supprimera en interposant une couche anti-remontée capillaire ;
  • Pour les chlorures, il faut s’efforcer de limiter leurs apports au mieux (embruns marins, projections de sels de déverglaçage, remontées capillaires, lavage du sable de mer) ;
  • On a déjà parlé des sulfates pendant la discussion sur les efflorescences. Le contrôle des efflorescences devrait entraîner le contrôle des problèmes de sels expansifs. La norme brique demande de déclarer les concentrations en sels actifs qui incluent la concentration en magnésium. Le sulfate de magnésium peut en effet provoquer des crypto efflorescences néfastes pour la terre cuite.

Attaque des mortiers et enduits par les sulfates


Il faut parler de l’action corrosive des sulfates sur les mortiers et enduits. Cette attaque ne concerne pas directement la brique mais le mortier associé ; comme la brique peut participer au mécanisme de dégradation du joint de mortier, le briquetier doit connaître quelques données sur le sujet. Cette attaque est heureusement très rare et lente à se développer. L’attaque des sulfates sur les mortiers de hourdage est causée par la réaction de sulfates solubles, sur un des composants du ciment Portland, l’aluminate tricalcique (C3A), pour former un sulfo-aluminate de calcium (ettringite). Le mortier se déforme alors, s’émiette et se fissure. Cette réaction ne se produit que s’il existe une teneur suffisante en C3A, ce qui est la situation habituelle du ciment Portland. Le risque est grandement réduit par l’utilisation de « ciment résistant aux sulfates », où la teneur en C3A est limitée. Ces sulfates solubles peuvent avoir différentes origines, dont la brique elle-même. L’attaque ne se produit que si la teneur en sulfate libre de la brique est élevée et s’il y a un cheminement d’eau important dans la maçonnerie pendant une longue durée (infiltrations importantes d’eau de pluie, remontées capillaires importantes sans coupure de capillarité). Elle ne s’observe donc que dans les maçonneries soumises à des expositions sévères selon la dénomination de la résistance au gel. Pour ce prémunir contre ce danger, il faut donc protéger la maçonnerie le mieux possible de la saturation. On pourra utiliser des mortiers plus dosés en ciment, qui limitent la pénétration d’eau, même s’ils contiennent plus de C3A. Quand ce n’est pas possible, il faut utiliser des briques dont le taux de sels solubles actifs est contrôlé (catégories S1 ou S2). La nécessité de déclarer la teneur en sels solubles actifs est destinée à s’assurer que, dans les conditions d’utilisation particulières, il n’apparaît aucune détérioration des briques, du mortier ou de l’enduit. 

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