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28/05/2015

ALGERIE «La fabrication de brique de terre consomme moins d'énergie que le béton armé»

Spécialisée en éco-conception, en systèmes constructifs alternatifs et en matériaux bio-sourcés (paille, béton de chanvre), l'algérienne Ilhem Belhatem est fondatrice de l'agence Atelier D à Paris. Elle est diplômée de l'Epau d'Alger et de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse.

Pourquoi est-il nécessaire de développer les architecture de terre en Algérie ?
Il faut d'abord développer une architecture qui soit contexalisée, c'est-à-dire liée au territoire où on s'implante. La notion du lieu est importante. C'est cela qui fait qu'on a une richesse et une diversité architecturales et qu'il y a une économie qui s'installe autour. C'est une manière d'éviter les énormités commises dans les années 1950/1960, notamment dans les banlieues françaises. Des banlieues qui se ressemblent. C'est ce qu'on est en train de faire en Algérie actuellement.
Tous les projets de construction se ressemblent. On ne se pose pas la question sur la nécessité d'avoir une architecture locale. L'architecture terre est particulière. Elle répond au mieux à la notion de lier l'archicture au territoire, à la diversité culturelle et à l'économie circulaire. Il en est de même pour les archictures pierres et bois. La terre a également la particularité d'être présente partout.
Ce n'est pas le cas des autres matériaux bio-sourcés comme le bois ou la pierre. Je suis architecte, j'utilise plusieurs matériaux en intervenant en Amérique du Sud, en Afrique et en France. Les savoir-faire existent. Il faut les utiliser. Ici, à Adrar, on voit bien l'esthétique dans la construction, mais malheureusement on construit avec du parpaing ou avec de la brique creuse dans une région où il fait très chaud en été. Impossible donc de vivre sans climatisation
Donc, le recours est l'utilisation de la terre...
Oui. Il y a de l'esthétique, donc le savoir-faire est là. Il suffit d'utiliser la brique de terre et le pari est gagné. Les gens d'Adrar peuvent donner la leçon à l'Algérie et au monde entier. Pourquoi ? Parce qu'ils auront ravivé un savoir-faire local en utilisant la terre. Une véritable leçon comme au M'zab avec l'architecture vernaculaire. Dans le sud, on peut utiliser de l'adobe, de la brique comprimée stabilisée ou pas. La terre est là et la région n'est pas sismique.
Existe-t-il de la résistance à l'archicture de terre ?
Il y a de la résistance dans le sens où l'on est tombé dans la facilité. Des cimenteries se sont installées. Le parpaing est produit en grosses quantités. Il est maçonné facilement. Il en est de même pour la brique cuite.
La brique de terre crue relève d'un ancien savoir-faire, mais qui n'a jamais été mis au goût du jour. Des expériences existent dans plusieurs pays, pas uniquement en Algérie. L'industrialisation poussée à l'extrême a empêché le recours aux matériaux locaux. Le marché est donc inondé par les matériaux industriels.
Il faut que les choses s'organisent. Les architectes et les bâtisseurs doivent prescrire des matériaux différents pour prouver qu'on peut construire autrement. Aujourd'hui, on arrive grâce à ces matériaux à des performances thermiques et hydrothermiques qui répondant aux problématiques environnementales... Il y a la notion du politique qui intervient.
Les politiques peuvent insuffler une nouvelle façon de faire, donc une stratégie sur le moyen et long termes. Les collectivités locales, comme ici au Sud, doivent prendre l'initiative en utilisant les matériaux locaux.
En Algérie, il existe un arsenal juridique qui permet de le faire. Les architectes doivent montrer la voie. Demain, s'il faut bâtir une bibliothèque, par exemple, autant utiliser la brique de terre (...). On ne peut pas demander à un cimentier de changer de métier et de faire du lobbying pour la brique de terre. Mais la balle est dans le camp des architectes qui peuvent proposer des techniques de construction en conseillant le matériau terre.
C'est leur responsabilité en tant que maîtres d'œuvre. Encore une fois, il faut souligner que les matériaux industriels sont énergivores. Et puis, les cimenteries sont à l'origine de presque 10% des gaz à effet de serre. Le bâtiment en béton consomme de l'énergie et fournit beaucoup de déchets.
Donc, il faut qu'on prenne une halte pour s'entendre sur l'avenir de l'Algérie dans un contexte énergétique global. On ne s'assure pas la sécurité énergétique avec le gaz de schiste. La fabrication de brique de terre consomme moins d'énergie que le béton armé ! Utiliser la terre permet de s'inscrire dans une logique de préservation des ressources et de l'énergie.
Source El Watan par Fayçal Métaoui

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