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30/08/2014

Sur la route du vase d'Anduze, quatre siècles de savoir-faire

La route du vase d'Anduze est un label qui permet de recenser les fabricants ancrés dans la tradition. Visite dans l'atelier des Enfants de Boisset, 400 ans de passion.
Les aventuriers ont la route de la soie. Les voiliers voguent sur la Route du rhum. Les mélomanes préfèrent, eux, la route du rock. Chacun la sienne. Les touristes de passage dans les Cévennes peuvent désormais explorer la route du vase d'Anduze. La capitale de la poterie cévenole, rendue célèbre grâce au sacro-saint pot d'inspiration florentine, n'est plus un labyrinthe. Le visiteur sait où trouver les huit authentiques fabricants traditionnels du coin. Impossible de s'y perdre. Un bon moyen de savoir à quelle porte frapper pour rencontrer ceux qui font vivre la légende. Car elle est encore bien vivante. Petit retour dans le passé.
L'aventure démarre au début du XVIIe
Sur les bords du Gardon d'Anduze, nos aïeux ont toujours préféré le pot de terre au pot de fer. La présence d'argile a - depuis des temps immémoriaux - favorisé l'émergence de modestes ateliers destinés à créer des ustensiles. Pourtant, ce n'était pas une grande réussite : la terre, ici, n'est pas franchement faite pour supporter la cuisson en cuisine. De retour de la foire de Beaucaire, alors capitale française des marchandises, un artisan local, bien inspiré par des poteries de type Médicis, moule alors ses premiers grands vases. Nous sommes au début du XVIIe siècle. L'aventure est lancée. Retour en 2014. Les enfants de Boisset font partie de cette fameuse route du vase d'Anduze proposée par Alès agglomération. Depuis quatre siècles, de l'argile rougeâtre est extraite de leur petite carrière en contrebas de la route de Saint-Jean-du-Gard. Ce qui est assez rare pour être souligné. Cette terre se prête particulièrement aux pièces de grandes tailles. Le vase traditionnel, en forme de cloche renversée, avec ses guirlandes et les écussons des fabricants est la vedette, même si des modèles plus modernes émergent. 80 centimètres de hauteur, c'est la taille la plus courante. La solidité des pots n'est plus à prouver. La meilleure preuve se trouve dans l'espace muséal de la poterie. Un vase d'Anduze daté de 1809 trône encore dans un état de conservation remarquable. Un autre, encore plus vieux, lui fait face. Cette fois, impossible de le dater. Le mystère reste entier.
Les différentes étapes de la fabrication
De la terre anduzienne au vase superstar, quatre siècles d'activité et trois cents ans de fabrication du vase d'Anduze. Les Enfants de Boisset font vivre la tradition. L'entreprise familiale est la seule à se servir de sa propre argile pour ses poteries. Depuis 1965, les machines ont remplacé le cheval et la meule en granit pour le broyage de la terre. Mais la tradition perdure. Mode d'emploi.
Récolte et séchage de l'argile de la carrière voisine. La récolte de l'argile sur le terrain familial s'effectue seulement au mois de juillet, humidité oblige. L'argile reste un an dehors, à sécher à l'air libre. Puis une autre année sous un atelier. C'est la recette pour une bonne terre car l'argile humide est incapable d'absorber l'eau. "En revanche, l'argile sèche, c'est comme du sucre", note Richard Jurquet, le patron, descendant par alliance de la famille Boisset, l'une des pionnières à Anduze. Chaque année, l'entreprise utilise environ 300 tonnes de terre. Cela peut paraître beaucoup, mais en terme de superficie, dans la carrière attenante aux hangars de production, c'est plutôt faible.
Traitement pour obtenir de la pâte prête à l'emploi. Première étape : mélanger l'argile sèche avec de l'eau. L'étrange mixture s'écoule alors sur un tamis visant à évincer les petites pierres. On obtient alors de la barotine, une terre très liquide qui est brassée. Puis elle passe dans un filtre-presse : la mixture épaisse est envoyée sous haute pression à travers des bâches. L'eau s'écoule et il ne reste alors que de la terre dure et très pure. Un mélangeur achève le travail pour donner un résultat très dense : de la pâte céramique. Cette dernière est ensuite stockée dans un grand bac ou dans des palettes d'une tonne.
Le bon geste de l'artisan pour modeler le vase. Le vase est moulé puis passe entre les mains expertes du potier, qui lui donne sa plus belle forme. Les guirlandes et les écussons, préparés à l'avance, sont apposés à ce moment-là. C'est une étape décisive.
L'enrobage neutralise la couleur originelle de la terre. La terre anduzienne, quand elle cuit, est très rouge. On ne peut pas vraiment vernir efficacement sur ce rouge foncé. L'enrobage d'argile blanc en surface permet de neutraliser cette couleur pour ensuite passer à la coloration définitive de notre fameux vase. Et voici la couleur... Une fois sec, le pot continue sa route. Le vernis du vase, qui fait son éclatante beauté, est obtenu grâce à l'application de toute une gamme de minéraux, qui vont donner différentes couleurs à la cuisson. On utilise du sulfure de plomb et les couleurs sont dues à différents oxydes métalliques. Les couleurs du vrai vase d'Anduze sont bien codifiées : vert sur l'écusson, marron pour la guirlande et pour le reste, c'est du jaune ! Dans le jargon, on dit qu'on est en train de "jasper" le vase.
Direction 24 heures de four : objectif 1 000 degrés. Une fois toutes ces étapes passées, le voyage de notre vase d'Anduze touche à sa fin. Le four met 24 heures pour monter jusqu'à 1 000 degrés. Fin de l'aventure. Les couleurs définitives sont apparues. Le vase est désormais prêt à rejoindre le lieu d'exposition.
Le vase est terminé, il peut embellir tous les jardins. Mondialement connu, le vase d'Anduze a même inspiré des artistes. On peut lire dans le musée de la poterie Les enfants de Boisset un vieux poème de Françoise Auran-Boude : "A un vase d'Anduze". En leur temps, les vases gardois ont même été jusqu'au château de Versailles.
Huit poteries à visiter
Ampholia à Tornac (visites du lundi au samedi de 15 h à 19 heures, sur rdv le matin). La Madeleine à Lézan. Les Cordeliers à Anduze (visites sur rendez-vous). Le chêne vert à Boisset-et-Gaujac (le mercredi de 14 h à 16 h). Les enfants de Boisset à Anduze (visite libre de 9 h à midi et de 14 h à 17 h). Les Terres anciennes à Cardet (du lundi au samedi de 9 h à midi et de 14 h à 18 h). Terre figuière à Marsillargues sur rdv et la Poterie de Montredon sur rendez-vous à Saint-Jean-du-Pin.
Source Midi Libre par PAUL CARCENAC

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