Depuis quatre ans, le cimentier a lancé une quinzaine de programmes de logements abordables à travers le monde. Il cible deux millions de mal-logés.
Déjà quatrième cimentier au Brésil derrière trois acteurs locaux, Lafarge s'attaque depuis quelques mois à un marché encore inexistant mais qu'il compte bien créer : la rénovation des logements des favelas. Dans ces zones d'urbanisation sauvage vivent 12 millions de Brésiliens. La Coupe du monde de football, qui débute dans un climat social tendu, met un coup de projecteur sur son premier chantier : Rocinha, la plus grande favela du Brésil, au coeur de Rio de Janeiro. Accompagné de l'université d'architecture de Rio, du consultant Inova Urbis et d'un organisme de microcrédit, Lafarge a choisi 178 logements et proposé à leurs habitants une offre adaptée à leurs besoins (redistribution des pièces - parfois aveugles -, ventilation, étanchéité, etc). « Notre offre est un package incluant travaux de rénovation, formation des gens au BTP pour leur donner une qualification professionnelle et offre de crédit », explique Alexis Langlois, responsable de Lafarge Brésil.
Envolée des prix
Il ne s'agit pas d'humanitaire. Les habitants de Rocinha sont solvables, même s'ils n'ont souvent pas accès au crédit puisqu'ils ne détiennent aucun titre de propriété pour leur logement. Un foyer de Rocinha gagne en moyenne 2.000 reals par mois (650 euros). Une rénovation s'avère pour eux rentable. Les logements des favelas sont en effet souvent « en dur », donc pérennes, et leur prix s'est envolé ces dernières années du fait de leur emplacement, proche des plages huppées de Rio. Les logements de Rocinha valent aujourd'hui de 16.000 à 100.000 euros.
« Je voulais faire des travaux depuis longtemps, mais je ne savais pas comment m'y prendre », témoigne Josefa Rocha Francisco, couturière. Les trois salaires de sa famille représentent 2.500 reals (800 euros) par mois et elle a financé les travaux, d'un coût de 15.000 reals (5.000 euros) à 100 % par microcrédit, remboursé 700 reals par mois sur trois ans, soit 25.000 reals. Ce microcrédit (sous l'égide de PlaNet Finance) ne fait pas non plus dans l'humanitaire. Pour l'opération pilote de Rocinha, son taux d'intérêt annuel est de l'ordre de 36 %, soit 30 % une fois défalquée l'inflation ! Même ainsi, « beaucoup de voisins viennent voir, ils sont intéressés par la formule », assure la couturière. Dans son appartement, en évidence, des sacs de mortier Lafarge. Le cimentier sortira aussi bientôt du béton prêt à l'emploi dans un conditionnement adapté aux particuliers.
Quatre modèles
L'expérience de Rocinha fait partie d'un programme mondial de « logements abordables » lancé depuis 2010. Un responsable a été nommé en mars 2010 au niveau groupe et « nous en sommes à une quinzaine de projets dans le monde, précise le PDG du groupe, Bruno Lafont. « Au Malawi, par exemple, nous vendons un ciment à mélanger à la terre crue, avec une presse manuelle, pour faire une brique crue plus résistante et écologique que la traditionnelle brique de terre cuite dont la cuisson implique du bois de chauffage, donc une déforestation ».
Vente de mortier et de béton prêt à l'emploi pour rénover des favelas, mais aussi vente de béton en seaux pour construire des logements neufs dans les bidonvilles indiens, vente de ciment pour brique de terre crue en Afrique (lancé en 2013), test de nouvelles techniques de construction comme à Bègles (France) par empilement de maisons individuelles sur plusieurs étages... : le programme « logements abordables » de Lafarge a quatre « business models » différents et vise deux millions de clients d'ici à 2020. Chaque patron de filiale pays choisit le plus adapté, tous étant priés de s'y mettre. Le groupe estime qu'ils rapportent déjà une quinzaine de millions d'euros de résultat brut d'exploitation par an. C'est modeste au regard des efforts déployés, mais Lafarge croit à leur montée en puissance.
Deux millions de clients d'ici à 2020
Depuis 2010, Lafarge vise les populations à faible pouvoir d'achat voulant construire ou rénover.
Le groupe invente ainsi un nouveau marché : la vente aux particuliers ou aux artisans de mortier, de ciment et de béton prêt à l'emploi en conditionnement adapté (sacs et seaux). Il teste ainsi à Bombay la vente de béton à prise retardée en sac de 15 litres.
Lancés en 2010, ses programmes concernent notamment un bidonville de Bombay, des marchés d'Afrique, d'Asie, des HLM en France et, plus récemment, la favela de Rocinha à Rio de Janeiro.
Lafarge vise deux millions de clients d'ici à 2020. L'an dernier, ses programmes ont concerné 120.000 personnes dans 15 pays.
Source Les Echos par MYRIAM CHAUVOT
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