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27/03/2014

CONTRIBUTION : Le secteur privé algérien face aux enjeux politiques

Il est actuellement courtisé par tous les partis politiques. L’objet de cette contribution est de dresser une typologie du secteur privé algérien et de poser la question suivante : y a-t-il de véritables entrepreneurs en Algérie producteurs de richesses ? Les plus grosses fortunes ne sont-elles pas au niveau de la sphère informelle et par le canal de la corruption via les surfacturations déposées dans des paradis fiscaux à l’étranger ? J'ai eu beaucoup de difficultés à récolter certaines informations statistiques, certaines étant imparfaites et je tiens à m'excuser auprès des entrepreneurs privés cités qui peuvent me corriger. Mais cela ne change pas la tendance lourde de l'analyse:

I.- Les principaux entrepreneurs privés  algériens 
Pour éviter des interprétations byzantines, la  liste  qui suit  est faite en vrac et ne traduit pas forcément le poids réel  de chaque groupe. 

1.-Nous avons le  groupe CEVITAL,  le plus médiatisé en Algérie,  pesant environ 3,5 milliards de dollars en 2012 et employant plus  de 12.900 personnes et selon le PDG le chiffre d’affaires devrait aller vers 6,5 milliards de dollars courant 2015. CEVITAL, outre la production locale,  est aussi le représentant exclusif en Algérie de Samsung Electronics via sa filiale Samha, le partenaire du projet Desertec de production saharienne d'énergie solaire, initié par des Allemands, le créateur de l’ école des cadres, le représentant exclusif du loueur de voitures Europcar, via sa filiale CEVICAR ,  ayant  l’exclusivité de l’importation de la gamme Hyundai .  Selon le classement de Jeune Afrique, après SONATRACH  et NAFTAL, le groupe CEVITAL occupe la troisième place dans le classement 2011 des 500 premières entreprises africaines. Au plan national, le groupe passe ainsi devant SONELGAZ qui est reléguée à la quatrième position. Dans le domaine de l’agroalimentaire, le groupe CEVITAL est la troisième plus grosse entreprise africaine, immédiatement après deux entreprises sud-africaines. Concernant le verre plat, 30% des capacités de la première ligne de 600 tonnes par jour, la plus importante d’Afrique, opérationnelle depuis 2007, couvre toute la demande nationale et 70% sont exportés (10% sur le marché maghrébin et 60% en Europe) une deuxième ligne de 800 tonnes par jour étant  prévue pour 2015. Deuxième exportateur, il est aussi deuxième contribuable après Sonatrach. Les richesses créées par le groupe sont ainsi réparties : 59% en impôts et taxes, 40% en investissements et 1% en dividendes distribués aux actionnaires ce qui lui permet actuellement l’autofinancement et de déployer à l’international. 


2- Le Groupe MEHRI a étendu son champ d'activité au monde des affaires internationales dès 1965. En tant qu'investisseur, il crée le GIMMO (Groupe d'Investisseurs du Maghreb et du Moyen-Orient) holding étrangère dont il est le principal actionnaire et fondateur. Il est mandaté par ce groupe pour réaliser des investissements dans le monde entier dans les domaines de l'industrie, du commerce, du bâtiment et des services. Le chiffre d’affaires méconnu du grand public se chiffre à plusieurs milliards de dollars. Il est propriétaire de Pepsi Cola Algérie. 


3- Le Groupe HADDAD  active dans les secteurs des travaux publics, de l'hydraulique et des transports. Les filiales Haddad sont les bitumes et pétrole Haddad, la maîtrise d'œuvre Berhto, Housing construction, Tourisme et hôtellerie, Savem et établissement Toyota Haddad. Seconde entreprise privée algérienne à s’ouvrir les portes de l’activité dans les hydrocarbures, après la société Kougp du groupe Kouninef, ETRHB  avait  été pré qualifié en tant qu’investisseur par l’Agence nationale de valorisation des hydrocarbures, Alnaft, pour le second appel d’offres en matière d’exploration. Il occupe aujourd’hui la deuxième place dans le secteur des travaux publics, emploie plus de 10 000 salariés et brasse plusieurs centaines de milliards de dinars de chiffre d’affaires par an. Il est le propriétaire du club de football algérien de l’USM  Alger. La Commission d'organisation et de surveillance des opérations de bourse (Cosob) a autorisé le groupe Etrhb Haddad à émettre un emprunt obligataire destiné aux banques, établissements financiers et investisseurs institutionnels, a-t-elle annoncé hier dans un communiqué. Le montant global de cet emprunt est de 6 milliards de DA. Selon la COSOB, informations rendues publiques,  les valeurs indiquées d’évaluation hypothécaire établies du Groupe ETRHB-Haddad SPA,  le 27 novembre 2008  représente une valeur de 7.6 milliards de dinars soit 127% du montant de l’emprunt obligataire, la  troisième  expertise complémentaire   en date du 18 juin 2009  l’évaluant  à  7.286.432.375 dinars algériens représentant 121% du montant de l’emprunt obligataire. Toujours selon les  données de  la COSOB, le 6 janvier 2009, le capital social du Groupe ETRHB-Haddad SPA est de 8.800.000.000 DA et le   chiffre d’affaires  comptable  au 01 janvier 2009  de 26.446. 450.000  dinars algériens. 


4- Le groupe  RAHIM contrôlant ARCOFINA est un groupe algérien diversifié,  dans des métiers aussi différents que la distribution pharmaceutique, la banque, les technologies de l’information, la grande distribution, l’hôtellerie, l’immobilier d’affaires et l’assurance. Filiale  d’ARCOFINA, l'Algérienne des assurances (2A) employant 2000 personnes a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards de dinars en 2010, en augmentation de 16% par rapport à 2009. La principale filiale, D’ARCOFINA, DAHLI   (hôtel Hilton, immobilier de bureaux), En début 2009,   le groupe  occupe la une des journaux algériens pour  son projet pharaonique d’Alger Medina qui selon son promoteur devrait créer   10 000 emplois et attirera 100 000 visiteurs par jour pour  un investissement de 2,5 milliards de dollars. 


5- Le groupe BENAMOR est spécialisé dans la filière agro-alimentaire et leader sur le marché national. Implanté dans la wilaya de Guelma, dans l’Est algérien, il est devenu  leader sur le marché national en matière de tomate industrialisée et de s’affirmer de plus en plus parmi le top 3 des plus grands producteurs nationaux de semoule, de farine et de couscous. Le groupe Benamor, a réalisé en 2010 200 millions d’euros de chiffre d’affaires. 


6- Le groupe OTHMANI -(Propriétaire de Coca Cola Algérie) avec, NCA Rouiba est  une entreprise qui a réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de cinq milliards de dinars et emploie 450 travailleurs. Le 17 décembre 2007, la Banque européenne d’investissement a accordé un crédit de 3 millions d’euros  au groupe Nca pour le développement de son entreprise. En  février 2013, la COSOB donne son "feu vert" pour l'entrée en Bourse de l'entreprise NCA Rouiba. NCA vendra 2 122 988 actions de type ordinaire (pour 849,195 millions de dinars soit 25% du capital social de la société (qui est de 8 491 950 actions). 


7-Le groupe BENHAMADI  active dans l'informatique, électronique, électroménager, matériaux de construction et l'agroalimentaire compte investir dans la production de véhicules légers. Ce groupement familial d'entreprises qui a réalisé un chiffre d'affaires de 21 milliards de dinars en 2011(un euro égal 100  dinars  et 1 dollar 77 dinars au cours officiel)  en hausse en 25% par rapport à 2010  a tiré un bénéfice net de près de 800 millions de dinars et investi un milliard de dinars. Avec un effectif de 3 000 employés qui sera renforcé  par  600 nouvelles recrues,  l'activité est concentrée dans la zone industrielle de Bordj Bou-Arréridj, ont écoulé sur le marché local 1,3 million d'unités de tous produits confondus, dont une partie a été exportée vers des pays africains. En électroménager, sa part sur le marché national se situe entre 30 et 35%, selon son premier responsable qui annonce son intention d'investir dans d'autres pays comme la Tunisie et le Maroc, voire même l'Afrique noire. – 


8-Le groupe HASNAOUI - Les deux Groupes de Sociétés HASNAOUI, «Bâtiment» et «Agriculture», dont le siège est à Sidi-Bel-Abbès,( Ouest Algérie)  en quatre Sociétés par Actions, par fusion et transformation des Sociétés à responsabilité limitée (Sarl) d’avant 2008. Le Groupe agriculture, regroupe la Société de Développement Agricole (SODEA), créée en novembre 2000 et la Société de Production de Plants Maraîchers (SPPM), fondée à la même date. Un des leaders, au plan national, dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, le groupe des sociétés Hasnaoui  est constitué d’un ensemble d’entreprises exerçant dans diverses branches d’activités, telles la réalisation de bâtiments, production de matériaux de construction, la petite hydraulique, l’exploitation de carrières, etc.  Le groupe emploie 1 500 collaborateurs  avec  une capacité de réalisation de 1 500 logements/an. Selon son PDG  le chiffre d'affaires du groupe  est évalué  à environ 200 millions d'euros (60 % pour la construction et 40 % pour la production, notamment via la Société d'exploitation des carrières Hasnaoui). La Sarl Hasnaoui est le concessionnaire principal  de Nissan Algérie. 


9-Le groupe BIOPHARM est un laboratoire pharmaceutique Algérien, indépendant, fondé en 1992 par Mr. Abdelmadjid Kerrar. L’agence française pour le développement international des entreprises (UbiFrance) affirme, dans une étude, que le groupe privé algérien Biopharm est classé au 1er rang des producteurs privés et des importateurs algériens de médicament en terme de chiffre d’affaires global (importation et fabrication) et selon le rapport du cabinet de consulting britannique, Oxford Business Group, le marché national du médicament en Algérie  devrait atteindre une valeur de 8 milliards de dollars en 2015.  Aujourd’hui, le groupe compte environ 1300 collaborateurs dont un tiers de scientifiques avec un chiffre d’affaires réalisé selon son responsable de 19 milliards de dinars en 2010.  BIOPHARM est passé  à la production locale depuis 2005, ( 50 millions d’unités de vente par an ) tant avec des produits sous licence de laboratoires leaders mondiaux, que des produits issus de sa propre Recherche et Développement, lesquels sont des médicaments génériques  selon les règles de Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) et a été  certifiée ISO9001 depuis 2008. 


10- Le groupe  SIM -Le  groupe  est aujourd'hui composé de huit filiales et a acquis «La Source» (Mouzaïa). D'une manière globale, à travers toutes ses activités, le groupe SIM a réalisé un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros en 2012.  Il est un des premiers producteurs de couscous sur le plan mondial et il exporte vers 29 pays. 


11.-Autres groupes privés  –Il  existe  d’autres groupes dont je ne citerai sans être exhaustif :
 - a-  le groupe  HAMOUD BOUALEM  qui est une  entreprise familiale, fondée en 1889 à Alger   par Youssef HAMMOUD avec un  capital social    d’environ  3,5 milliards (2010)   produisant  sous licence en France. C’est une marque algérienne fabriquant diverses boissons, du sirop au soda  et  exporte  également en    Angleterre, au  Canada  et  aux USA   étant en concurrence  avec les sociétés IFRI, Coca Cola et Pepsi. 
–b- Le  groupe ATTIA (Batna) spécialisé en fabrication de briqueteries, tuileries, boissons, eaux minérales et de source, boissons non alcoolisées. 
–c- Le groupe  EDEN ( Cherif Othmane)  qui active depuis bientôt 40 ans, principalement dans l'Ouest algérien (Oran),  ses domaines d'intervention étant , l'industrie de transformation, le tourisme et l'hôtellerie, la promotion immobilière et le négoce et la distribution, employant, plus de 900 employés. 
– d- Le groupe DENNOUNI avec un effectif de plus de 1000 personnes activant dans le BTPH, avec des productions intégrées,  société en pleine expansion avec un chiffre d’affaires  d’environ 100 millions d’euros. 
–e-Dans les assurances    ALLIANCES ASSURANCES employant plus  de 300 personnes qualifiées investissant récemment dans l’immobilier et l’agriculture. Doté d’un capital de 800 millions de DA, et  de 106 agences et de 300.000 clients début 2010, Alliance a lancé une opération via la bourse  afin  de  lever des fonds, pour porter son capital à 2,2 milliards de DA  ayant réalisé un chiffre d'affaires, à fin 2008, de plus d'un milliard et demi de dinars. 
Selon le PDD «  à  l’issue de la période de souscription qui s’est étalée sur un horizon de 30 jours, du 2 novembre au 1er décembre 2010, et après déroulement de la procédure de centralisation et de traitement des bulletins de souscription au niveau de la Société de Gestion de la Bourse des valeurs, il a été enregistré un niveau de souscription validé de 2 521 384 actions représentant 139,73% du volume global des titres offerts ». Mais  c’st surtout dans  l’agro-alimentaire où le  marché en Algérie pèserait cinq milliards de dollars que les  investisseurs privés algériens sont attirés. 
-f-Le groupe KOUININEF , allant de l’immobilier , au BTPH à l’industrie, LA  BELLE, qui  assure la commercialisation de café, riz, couscous, farine,   le groupe agroalimentaire algérien s'étant  associé au producteur français «Cristal Union» pour l'installation d'une raffinerie de sucre en Algérie qui devrait atteindre une capacité de production de 800 tonnes de sucre par jour ;  la Sarl CVA BELLAT, créée en 1970, qui  s’est spécialisée dans la production et la commercialisation des produits carnés (cachirs, pâtés Rôtis fumés…) étant  leader en Algérie  dans la production et la commercialisation des produits carnés. Avec tout  ce beau monde nous avons   les privés ayant investi dans les  filières lucratives, du lait et des eaux minérales. 

II.- Entraves au développement du secteur privé : contraintes d’environnement et sphère informelle 
 Le secteur privé algérien s’est développé largement à l’ombre du secteur d’Etat selon le fameux slogan cher au parti FLN de secteur privé facteur complémentaire du secteur d’Etat. Ce qui le freine  c’est l’environnement et la sphère informelle dominante en Algérie. 


1.-Le milieu des affaires  est peu propice   aux initiatives créatrices  de valeur ajouté à l’instar  de la politique salariale qui favorise des  emplois rentes au lieu du savoir et du travail. Cela explique selon  notre enquête  que les entrepreneurs cités, face à une concurrence étrangère (nombreux  privés dans l’import)  à laquelle ils n’étaient pas préparée,  ont des filières d’importation afin d’équilibrer  leur comptes globaux. Que l’on visite bon nombre d’anciennes zones industrielles (Est- Centre – Ouest ou la zone de Ghardaïa)   et l’on constatera  que bon nombre d’anciennes usines  se sont transformées en aire de stockage expliquant d’ailleurs le dépérissement du tissu productif où l’industrie représente à peine 5% du produit intérieur brut. 
La raison essentielle sont les contraintes d’environnement : bureaucratie pour  plus  de 50%, un système financier administré,( plus de 90% des crédits octroyés sont le fait de banques publiques), un système socio-éducatif  inadapté  et enfin l’épineux problème du foncier. A cela s’ajoute du fait  de l’ancienne  culturelle,  une méfiance  vis-à-vis du privé tant local qu’international  du fait que les  tenants de la rente ont peu de perdre des parcelles de pouvoir. Cela explique d’ailleurs  ces alliances entre la sphère bureaucratique  et certaines sphères privées spéculatives mues par des gains de court terme via la rente. Or le véritable dynamisme  de l’entreprise, qu’elle  soit publique ou privée  suppose une autonomie de décisions face aux contraintes tant internes qu’internationales évoluant au sein de la mondialisation caractérisée l’incertitude,  la turbulence  et l’urgence de prendre des décisions au temps réel. 
Par ailleurs, selon les données quantitatives du recensement économique (RE) effectué par l'Office national des statistiques (ONS) en 2011, le  nombre d'entreprises recensées sur le territoire national a atteint 990.496 entités dont plus de 934. 250 entités économiques  avec  la «prédominance» du secteur commercial et le caractère «tertiaire de l'économie nationale plus de 83% du tissu économique global).    Par ailleurs,  cette enquête  a révélé  que le tissu économique national est fortement dominé par les personnes physiques à 95% (888.794) alors que les personnes morales (entreprises) représentent seulement 5%, soit 45.456 entités, ce résultat étant  révélateur d'une économie basée essentiellement sur des micro- entités peu initiées au management stratégique.  Les quelques cas analysées précédemment qui sont d’ailleurs confrontés  à de nombreuses contraintes, ne peuvent  permettre à eux seuls  une dynamisation globale de la production hors hydrocarbures, nécessitant  des milliers d’entrepreneurs dynamiques.  
Car si  le secteur privé réalise 80% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures du pays, qui ne représente d’ailleurs que 2/3% du total des exportations  contre 97/98% pour Sonatrach,  sa part dans l’investissement global est négligeable, certaines sources donnant 1,9/2% du total de l’investissement entre 2010/2013. D’une manière générale que représente le secteur privé algérien  face au chiffre d’affaires de Sonatrach qui contribue directement et indirectement via la dépense publique/via les hydrocarbures à plus de 80% du produit intérieur brut ? A cela s’ajoute le manque d’unification des organisations patronales  privées  où sans être exhaustif nous  avons la  Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA)  la Confédération générale du patronat (CGP-BTPH), la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA, la Confédération algérienne du patronat (CAP) , le Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA),  l'Association des femmes chefs d'entreprises (Savoir et vouloir entreprendre-SEVE), le Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (CEIMI). Quant au Forum des chefs d’entreprises (FCE), il  regroupe environ  499 entreprises qui peuvent corollairement appartenir à des associations syndicales, couvrant 18 des 22 secteurs économiques et représentant un chiffre d’affaires de 14 milliards de dollars, employant environ  105.000 salariés,   le FCE étant  considéré comme un Think tank (laboratoire d’idées) et non comme une organisation syndicale. 


2.- Les plus grosses fortunes en Algérie ne sont pas forcément   dans la  sphère réelle mais  au niveau de la sphère informelle notamment marchande avec une intermédiation informelle à des taux d’usure. Et par le canal de la  corruption via les surfacturations déposées dans des paradis fiscaux à l’étranger ?  Les transferts illicites de fonds vers l’étranger, représenteraient selon un rapport de l’Institut Global Finance Integrity (GFI-2010) un organisme américain qui compte parmi les membres de son conseil de célèbres juges et avocats, comme la Française Eva Joly, environ 18 milliards de dollars de transferts non enregistrés par la balance des paiements entre 2000 et 2009 (voir le rapporthttp://iffdec2011.gfintegrity.org/).
Outre que ce montant ne s’intéresse qu’au prix omettant la qualité qui constitue une surfacturation indirecte, vendant ainsi au même prix sur le marché intérieur une marchandise avec des normes de qualités différentes exemple le café auquel on additionne du mais), il semble bien que ce montant, fonction de la distorsion du taux de change entre le cours officiel et le cours sur le marché parallèle est sous estimé. Ces sommes sont issues de diverses opérations liées à la corruption, évasion fiscale et aux opérations délictuelles réalisées en Algérie. Mais ces transferts illicites ne tiennent pas compte des différentes commissions versées à l’étranger par des groupes internationaux en échange de contrats publics ou de surfacturation de produits et services , ni des sommes transférées légalement par les multinationales implantées en Algérie pour contourner les nouvelles lois économiques mises en place par le gouvernement depuis 2009 et souvent placées dans des paradis fiscaux ou par l’achat ‘immobiliers à travers le monde sous des prêtes noms ( voir également le rapport alarmant  de la Banque africaine du développement (voir site Web -BAD-2013 ), traitant de la problématique de la migration illicite de capitaux, rendu public le 29 mai 2013, faisant ressortir que le montant des capitaux transférés en dehors de l’Algérie de manière illicite, (dominée par les surfacturations entre la période allant de 1980 à 2009). Pour la sphère  informelle,  selon la Banque d’Algérie  dans sa note  « Amélioration de la circulation de la monnaie fiduciaire en 2012 et 2013 », les sorties annuelles brutes de monnaie fiduciaire  sont passées de 1 633,4 milliards DA en 2010 à 1 977,8 milliards DA en 2011 et à 2 475 milliards DA en 2012 soit 24, 75 milliards d’euros  ou 32,17 milliards de dollars au cours actuel.  La  part de cette monnaie dans la masse monétaire M2 (monnaie fiduciaire et dépôts bancaires) est passée de 25% en 2010 à 25,9% en 2011 pour atteindre 26,7% à fin 2012 donnant une masse monétaire  d’environ 125 milliards de dollars en 2012. Selon Deborah Harold, enseignante américaine de sciences politiques à l’université de Philadelphie et spécialiste de l’Algérie se basant sur des données  de la banque d’Algérie,  l’économie informelle brasserait  50 % de la masse monétaire en circulation soit 62,5 milliards de dollars. Ces données  sont corroborées  selon le quotidien arabophone  El Khabar en date du 18 février 2013 citant  un document du Ministère du commerce algérien pour qui existeraient 12.000 sociétés écrans avec une transaction qui avoisinerait 51 milliards d’euros soit 66 milliards de dollars, plus de quatre fois le chiffre d’affaires de  toutes les grandes entreprises du FCE  réunies.  Cette sphère contrôle au niveau de la sphère réelle 65% des segments des produits de première nécessité : fruit/légumes, marché du poisson, marché de la viande blanche/rouge et à travers des importations informels le textile/cuir,  avec une concentration du capital  au profit de quelques monopoleurs informels. Cette sphère liée à la logique rentière tisse des liens dialectiques avec des segments du pouvoir expliquant  qu’il est plus facile d’importer que de produire localement. Mais il ne faut pas se tromper de stratégie. Nous avons de nombreux entrepreneurs dynamiques  informels acquis à la logique de l’économie de marché qu’il s‘agit d’introduire dans la sphère réelle non par mesures administratives autoritaires mais par de nouveaux mécanismes économiques de régulation. 
D’ailleurs on peut se poser cette question pourquoi la majorité des projets  dans le  cadre de la  règle des 49/51%  avec des partenaires étrangers  concerne le secteur public  et le pourquoi de cet assainissement des entreprises publiques  de plus de 60 milliards de dollars  entre 1971/2012 du secteur public alors que 70% sont revenues à la  case de départ au lieu  d’une nouvelle affectation plus rationnelle au profit de nouvelles filières?  
L’Etat régulateur a  un rôle stratégique en économie de marché afin de concilier les  coûts sociaux et les coûts privés. Le secteur privé algérien  a une attitude contradictoire tant vis-à-vis de la politique du gouvernement que de grands dossiers (OMC- Accord d’Association avec l’Europe, dossier de la privatisation)  comme en témoignent les divergences au sein  du Forum des Chefs d’entreprises vis-à-vis de l’élection présidentielle. Le secteur privé national productif  a besoin de plus  d’autonomie  et d’espaces de liberté, ne signifiant pas  capitalisme sauvage et non assujettis aux aléas de la politique, en contrepartie  de la distribution de la rente. Comme dans toute famille, avec éclatement la cellule familiale, l’entrepreneur privé n'est pas courtisé pour ses voix,  étant parfois incapable  d'assembler les voix de sa famille  sont donc très marginales, mais pour son argent et dans  le court terme. Le véritable privé est mu uniquement par la seule logique  du profit  et attendra  que l'on lui renvoie  l’ascendeur à travers différents avantages contrebalançant largement son apport pour tel candidat. Or, le véritable nationalisme se mesure par la contribution des Algériens à la valeur ajoutée locale. Vouloir des parts de rente en contrepartie d'une fraction de la rente, ne rend service ni au secteur privé dans son  ensemble, ni à l’Algérie qui a besoin d’entrepreneurs dynamiques investissant dans les segments productifs. 

Source réflexions par Dr Abderrahmane Mebtoul

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