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11/07/2013

La brique Argio entend bouleverser le marché

Une brique qui règle les problèmes de température et d’humidité, résiste à l’eau et au gel et possède de belles capacités acoustiques. C’est l’innovation de l’architecte Géry Despret qui a mis au point cette brique en terre crue (et non en terre cuite). Une nouveauté, brevetée, qui fait de plus en plus parler d’elle.
L’architecte Géry Despret a mis au point une brique en terre crue qui règle les problèmes d’humidité et possède de belles capacités acoustiques.
J’ aime bien l’idée de la maison qui sort de son propre sol. C’est ce qu’on est en train de faire. » Géry Despret, architecte à Grez-Doiceau (Brabant wallon), 35 ans, a le sourire quand il regarde la demi-douzaine d’ouvriers qui s’affairent à construire sur ce terrain situé à Beauvechain la première maison composée de briques en terre crue. Un concept innovant qui pourrait bien bouleverser le marché de la construction dans les prochaines années.
De quoi s’agit-il ?
Après quelques mois d’études, cet entrepreneur a réussi à mettre au point « une brique brevetée, intelligente, totalement innovante, car durcie à froid, donc avec très peu de consommation d’énergie et fabriquée avec des éléments totalement naturels. Idéale pour régler les problèmes de température et d’humidité. »
La brique Argio a déjà fait son trou. Elle interpelle de plus en plus de monde, tant cette innovation semble particulièrement intéressante. Car cette brique multiplie les vertus : elle est écologique et durable, elle régule la température et diminue la consommation énergétique, et elle réduit les problèmes acoustiques ou liés au radon et aux ondes radio. Bref, elle améliore le confort de vie. Des qualités que l’on doit surtout à sa masse et à sa densité. Et, évidemment, à la matière utilisée : l’argile, recueillie dans une carrière de Lembeek (Brabant flamand).
« Le concept est assez simple, mais nous sommes les seuls au monde à l’utiliser et à l’avoir découvert, se réjouit Géry Despret, qui emploie sept personnes dans ses locaux, à Tubize. L’idée est apparue un peu par hasard, dans ma cuisine. Quand j’ai acheté le terrain de ma maison à Beauvechain, je me suis alors vraiment rendu compte que l’argile était un matériau biodégradable. Les briques que j’avais conservées, issues de la petite maison agricole attenantes au terrain, ont fondu l’espace d’un hiver, et ont coulé dans ma cave. Cela m’a donné l’idée de fabriquer un prototype de brique en argile à partir de ma propre terre. J’ai ensuite rencontré pas mal de monde, dont Jean-Pierre Palm, le neveu du fondateur des maisons clé sur porte, le juriste Rodolphe van der Vaeren et l’industriel Diego Lamarche. Nous avons investi 700.000 euros dans la recherche, le dépôt du brevet et la mise au point de la ligne de production. »
3 millions de blocs par an
Géry Despret ne veut toutefois pas inscrire sa société Argio dans la filière écologique, mais bien dans celle de la construction en général. Car ses ambitions sont grandes. « La nouveauté est de produire industriellement des briques de terre crue, avec des dimensions normalisées. Nous sommes à présent capables de produire deux millions de blocs par an, trois millions en théorie. Cela représente la quantité nécessaire pour la construction de 200 maisons unifamiliales. L’autre grande nouveauté d’Argio, c’est la création d’un concept technique permettant de souder les blocs d’argile entre eux à l’aide d’un lait de chaux plutôt que de les maçonner avec du mortier ou de les coller. Cette deuxième phase est à l’étude car nous avons besoin de bentonite, une argile dont la source la plus proche se situe en ex-Allemagne de l’Est. En attendant, nous avons un produit de substitution tout aussi naturel. »
Des briques deux fois moins chères d’ici deux ans
Avec sa brique Argio, Géry Despret est certain de tenir entre les mains une petite pépite en or. Il a élaboré, pour l’heure, un bloc porteur et une brique. A l’avenir, l’accent sera toutefois principalement mis sur le développement de la brique. « Elle a vraiment des qualités extraordinaires pour l’habitat. Elle résiste aussi à l’eau et au gel. C’est dû à sa conception en géopolymère, ce qui la rend plus solide qu’une brique en terre cuite classique. Elle a aussi une masse très importante. Cela change beaucoup. » Une maison « pèse » deux fois plus lourd avec de telles briques. Mais la nouveauté principale tient à sa capacité d’inertie, qui permet de réguler la chaleur. Les briques stockent en quelque sorte la chaleur, avant de la diffuser tout au long de la nuit. Elle rayonne six fois plus lentement qu’une brique classique. Un procédé qui s’oppose au passif qui, lui, tend à créer une maison très isolée. « La forte densité de la brique entraîne cette grande capacité énergétique. Cela régule la température et l’humidité. C’est le seul bloc qui peut faire cela. L’argile a des capacités d’absorption importantes. Pour l’isolation phonique (80 décibels de réduction pour un mur mitoyen), c’est le poids qui entraîne sa performance. Les vides du béton sont comblés. »
Quid des prix ?
Pour les blocs porteurs, Argio est supérieur de 25 % au prix du marché. Par contre, pour les briques de 9 cm, la société est concurrentielle. « Et nous avons l’ambition d’être, dans les deux ans, deux fois moins chers que la brique terre cuite. » Précisons que ces briques ou blocs peuvent être utilisés comme cloison ou mur porteur, ou encore comme revêtement de sol. Par contre, l’utilisation comme brique de façade doit encore être étudiée.
À l’avenir, Argio souhaiterait développer un véritable maillage en Belgique avec une demi-douzaine de sites de production, qui seront alimentés par de l’argile locale. Les perspectives sont en tout cas encourageantes. « Mais ce qui plaît particulièrement, c’est de savoir qu’une fois que ma maison sera construite, s’il me venait l’idée de la démolir, je pourrais cultiver dessus l’année suivante sans rien faire ! Cette construction est vraiment écologique. Cela suscite en tout cas un grand intérêt. »
Source Le Soir par Xavier Attout

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