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21/05/2011

Algérie : 2011, un tournant : Quelles perspectives économiques et financières pour l’Algérie ?

L’année 2011 a toutes les chances d’être considérée comme un tournant dans la politique économique et financière du pays. Elle l’est déjà sur le plan économique puisqu’elle représente la deuxième année du programme 2010-2014.

L’on peut même avancer que c’est au cours de cette année que ce plan atteindra sa vitesse de croisière d’autant plus que le cours du prix du baril se situe à des niveaux inespérés. C’est parce qu’il en est ainsi, que l’Algérie a profité de cette embellie financière pour conforter et élargir sa politique sociale ; cette approche est imposée par le climat ambiant, tant au niveau national qu’international. Elle va donc avoir un impact considérable sur le plan financier à court et à moyen termes.

En effet, les mesures prises, par exemple, en matière d’emploi, des jeunes en particulier, et de valorisation du pouvoir d’achat, outre leur intérêt sur le plan strictement conjoncturel, vont s’inscrire inévitablement dans la durée, comme l’a laissé entendre récemment le ministre des Finances qui a déclaré que la loi de finances pour 2011 va pérenniser le soutien de l’Etat à l’emploi et au niveau de vie des citoyens. Cette loi va aussi prendre en charge toutes les augmentations des salaires et des indemnités décidées cette année.

Le seul dispositif en faveur de l’emploi des jeunes va mobiliser environ 190 milliards de dinars. Ce qui veut dire que la loi de finances complémentaire pour 2011 va être conséquente et probablement celle qui aura battu les records en matière de dépenses publiques. Il faut rappeler que la loi de finances complémentaire pour 2010 a intégré les augmentations de salaires et revenus de la Fonction publique à hauteur de 600 milliards de dinars. Ce qui représente une très forte évolution des dépenses publiques du montant du budget de fonctionnement de 2010. Toutes ces augmentations constituent des droits acquis qui ne peuvent être touchés que par le temps et…l’érosion monétaire, c’est-à-dire l’inflation. Globalement, les salaires et revenus ont connu une formidable progression, avec des rappels au 1/8/2008. L’Algérie n’a jamais connu depuis son accession à l’indépendance une telle progression. L’on peut même ajouter que peu de pays dans le monde ont vécu une telle situation.

Certes, l’on peut comprendre la légitimité d’une telle revalorisation : équité sociale, redistribution de la richesse nationale dans un esprit de justice (malheureusement cette richesse provient de la vente des hydrocarbures, ressources éphémères) et renforcer la paix et la cohésion sociales. Cependant, cette revalorisation n’a pas de contrepartie économique et moins encore n’a pas été permise par des prouesses en matière de productivités et autres …C’est beaucoup plus le citoyen qui profite de cette revalorisation que l’économie. En effet, il voit son pouvoir d’achat considérablement revalorisé. Par conséquent, il va dépenser plus pour améliorer son existence quotidienne. La demande, notamment de produits alimentaires, va connaître une très forte poussée face à une offre relativement rigide, ce qui va inévitablement encourager les importations.

Dans ces conditions, les pressions inflationnistes seront exacerbées et le chiffre de 3,5% d’inflation, fixé par la loi de finances pour 2011 a toutes les chances d’être dépassé. En effet, le ministre des Finances vient d’annoncer qu’il sera de 4 % en 2011 (en augmentation de 0,5 % par rapport aux prévisions établies, il y a juste quelques mois de cela).

Malheureusement, l’inflation en Algérie progresse depuis 2009, poussée par la pression des prix des produits alimentaires, et les mesures prises pour valoriser le pouvoir d’achat, sans aucun lien avec l’efficacité, vont sans aucun doute lui donner un coup de fouet. Il serait vraiment bien naïf de croire que les Algériens vont surtout épargner et ne songeront pas à améliorer leurs conditions d’existence.

Même en épargnant pour, par exemple, acheter des logements, cela aura pour incidence de relancer fortement la demande dans un secteur déjà sous pression (cela impliquera des importations massives de matériaux de construction : ciment, rond à béton…) Ils vont même contourner la suppression du crédit à la consommation pour acheter des voitures… En un mot, l’augmentation des salaires, avec pour corollaire une très forte revalorisation du pouvoir d’achat, produira inévitablement une relance conséquente de l’inflation face à une offre rigide.

Cette terrible équation doit être traitée avec toute la rigueur possible pour éviter que l’Algérie connaisse l’engrenage de la spirale salaires/prix. Cet engrenage est mortel car il étouffe l’économie. Une double voie s’offre aux pouvoirs publics. D’abord, il faut faire en sorte que les investissements publics prévus pour renforcer les capacités productives produisent rapidement des effets pour relancer et augmenter l’offre.

Ensuite, il faut réussir à transformer cette revalorisation des salaires en efficacité économique : incitation à produire plus et moins, par exemple. Mais surtout, il faut être exigeant en matière de discipline pour influer positivement sur les rendements et l’amélioration de la productivité. Cette toile de fond permet de faire une observation à savoir que le soutien des prix des produits de large consommation qui s’élève à 300 milliards de dinars environ, ne saurait être pérennisé car cela reviendrait à soutenir indéfiniment la consommation contre la production. C’est un objectif contradictoire par rapport à celui de développer les capacités productives. Et puis, n’est-il pas opportun de réfléchir au nouveau code car si la revalorisation des salaires est indiscutable, et constitue un droit acquis, elle doit permettre de déboucher, normalement, sur un réexamen sérieux et radical de la politique de subventions qui touche outre les produits de large consommation mais aussi l’eau, l’électricité, le gaz, l’agriculture…Une politique coûteuse et inefficace sur le plan économique. Elle peut même s’avérer un handicap au développement. Enfin, est-il besoin de rappeler que l’Algérie doit s’auto-discipliner en se dotant des mécanismes pour instaurer une politique salariale, digne d’une économie de marché.
Source Afrique Hebdo

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