FIN de sursis pour les céramistes! Les importations de carreaux ne seront plus soumises aux clauses de sauvegarde. Ce qui se traduit concrètement par la suppression des droits additionnel, soit 1,5 DH/kg. Ni droit de douane donc ni quota annuel d’importation. Celui-ci a atteint 14 millions de m² en 2010. Cette décision, précise l’avis 07/10 du ministère du Commerce extérieur, va entrer en vigueur dès le 1er janvier 2011 (cf.www.leconomiste.com).
La nouvelle fera donc la joie de l’Association professionnelle des importateurs de céramique et sanitaire. D’autant plus que la demande de franchise douanière (DFD) ne leur sera plus exigée. Près de 9 millions de m2 ont été importés en 2008, soit une croissance annuelle moyenne de 20%. La crise de l’immobilier espagnol en 2009 avait alors accentué les importations.
Les producteurs de céramiques sont-ils prêts à faire face à cette situation? Surtout qu’ils ont eu droit à une prorogation supplémentaire de deux ans (2008-2010). Le président de leur association, Fouad Benzakour, donne un chiffre: 2 milliards de DH. C’est le montant des investissements injectés durant les 4 dernières années dans le cadre d’un plan d’ajustement structurel du secteur. Une étude faite par le cabinet Ucotra Consulting et un expert international, Dr Pier Giorgio Burzacchini, les a aiguillés dans cette mise à niveau. C’est dire, qu’à priori, ces investissements n’ont pas été faits à l’aveuglette. A part la modernisation et la rationalisation de la fabrication, il fallait augmenter la capacité de production. Avec comme ultime enjeu, réduire le coût de la production. A eux seules les prévisions d’investissement en 2008 tablaient sur plus de 486 millions de DH. Clauses de sauvegarde contre mise à niveau. Les céramistes ont-ils respecté le deal?
Le rapport d’enquête a la suite duquel cette mesure a été adoptée livre une première réponse. Le ministère du Commerce extérieur «a envoyé des missions de vérification, constaté la mise en place de nouvelles installations et a demandé des factures aux entreprises contrôlées». Arco Cerame, Facemag, Union Cerame et Grocer, ces entreprises représentent plus de 54% de la production nationale de carreaux en céramique. Elles font partie des huit entreprises ayant demandé dès 2006 la mise en place d’une protection douanière au nom de la branche de production nationale.
Les conclusions de la direction de la politique commerciale extérieure relève qu’une «grande partie des producteurs nationaux ont mis en place les mesures d’ajustement». On en déduit donc qu’il y a des canards boiteux. Le ministère que chapeaute l’Istiqlalien Abdellatif Maâzouz constate aussi «que d’autres actions menées ne sont pas encore achevées…». Ce qui justifie, à ses yeux, la reconduite des mesures de sauvegarde (…) pour prévenir et non pas réparer un dommage grave. Le rapport d’enquête mis en ligne en juin 2009 accorde aussi aux importateurs une hausse annuelle des contingents de 10%. Détail à souligner: ce rapport s’appui sur des données 2005-2008. Il cautionne en tout cas la mise en œuvre effective du plan d’ajustement structurel. Sinon pourquoi avoir prorogé les clauses de sauvegarde?
Toujours est-il que les céramistes comptent «dès la semaine prochaine au plus tard, tenir un point de presse», affirme le président de l’association. Les professionnels de la céramique, sauf imprévu, vont faire le bilan final de la mise à niveau. Cela s’impose pour faire bonne figure devant ses interlocuteurs gouvernementaux. Mais pas seulement. Car il n’est pas à écarter que les producteurs mettent sur table d’autres revendications. Surtout que le secteur a estimé en début d’année «très insuffisante» la durée de la prorogation accordée par le gouvernement. Les producteurs voulaient en effet avoir 4 ans. C’est-à-dire jusqu’à fin 2012, date qui marque l’ouverture totale prévue par plusieurs accords de libre-échange (Voir L’Economiste du 8 janvier 2010).
Le marché consomme 50 millions de m2/an, y compris les importations. La capacité installée est de 80 millions m2 et les capacités de production des usines tournent autour de 70%. Ces données sont celles de l’Association des producteurs de céramique.
Rapports de force
La suppression de la barrière douanière risque de redimensionner les rapports de force entre importateurs et producteurs. Le porte-parole de ces derniers relativise: «nous ne demandons pas de fermer la porte». Il faut souligner que les uns et les autres avaient trouvé en octobre 2008 un terrain d’entente: la signature d’un protocole entre les deux parties. Et dont l’adoption à Agadir était soumise à deux conditions par les importateurs: prouver qu’il y a menace pour la production locale et augmenter les contingents. C’est cette équation qui a changé aujourd’hui. Avec en prime une prospective pessimiste: «2010 sera une année très difficile pour la céramique marocaine», avait déclaré en début d’année le président de l’Association des producteurs de céramique.
Qu’en pensent les importateurs de ce revirement? Il nous a été impossible de joindre, Youssef Belkaid, président de leur association. Les responsables du ministère du Commerce extérieur, notamment Zahra Maafiri, directrice de la politique commerciale extérieure, sont également restés injoignables. La Fédération des industries de matériaux de construction est concernée par la destinée finale du dossier. Puisque les céramistes représentent l’une de ses branches. Economiquement du moins. Son président, David Toledano, confirme que ses confrères «ont fait preuve d’effort». Faisant référence à la généralisation des catalogues de prix, des normes de qualité… Mais rappelle que le coût encore élevé de l’énergie pénalise celui de la production. Et donc la compétitivité des producteurs.
Le propane est encore largement utilisé au Maroc. Les céramistes veulent que le pays soit raccordé au gazoduc Algérie-Europe. Celui-ci traverse le territoire marocain, et pourquoi «n’y aurait-il pas droit»?
Benzakour, également DG de Super Cérame, parle aussi de concurrence déloyale. A commencer par celle des contrebandiers de Mellilia et Sebta: les carreaux espagnols sont revendus au Maroc à 3 euros. Ce qu’il considère comme «un manque à gagner pour l’Etat». Car les représentants des céramistes marocains dénoncent aussi «la sous-facturation» pratiquée par leurs homologues espagnols notamment. Le document d’export doit en principe mentionner le poids et la valeur de la marchandise. Ce qui, selon les professionnels, n’est pas toujours le cas. Les Espagnols auraient refusé récemment de se réunir avec les producteurs nationaux. Et là aussi l’intervention de la diplomatie économique est revendiquée.
D’où l’émergence d’un dossier connexe à celui de la sous-facturation. Clarifier le statut d’importateur. «L’association des importateurs veut travailler honnêtement. Mais il y a toujours des brebis galeuses», déclare Benzakour. D’autres pays tel que la Chine leur posent problème. La carte d’importateur va garantir la traçabilité de la marchandise. Il s’agit là de marchandise flottante vendue par des spéculateurs, sans adresse, avant même qu’elle ne touche le sol. Ces revendications ne doivent pas servir de prétexte pour cacher les faiblesses ni la concurrence à laquelle il faut faire face.
Source L'économiste par Faiçal FAQUIHI
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