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11/12/2006

CO2 Deux semaines pour un plan B


Après six mois de consultations des industriels, syndicats et ONG, la France a retiré le plan d'allocation des quotas d'émission de gaz à effet de serre qu'elle avait présenté à Bruxelles. Elle doit rapidement revoir sa copie. Tout a commencé à Kyoto en 1997. Pour freiner le réchauffement climatique, l'Europe s'est engagée dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre en mettant en place un système d'échange des quotas. Qu'est-ce qui était prévu ? Dans une phase de test, entre 2005 et 2007, des permis d'émettre ont été délivrés à 11 400 sites européens selon un premier plan national d'allocation des quotas (PNAQ). Le second plan d'allocation doit s'appliquer entre 2008 et 2012. Les pays européens avaient jusqu'au 30 juin pour soumettre leurs propositions à Bruxelles. Première surprise, six ont préféré s'abstenir (Autriche, Danemark, Espagne, Hongrie, Italie, République tchèque) et sont sous le coup d'une procédure d'infraction. Sur les dix pays à avoir remis leur copie, neuf ont été renvoyés dans les cordes. Echaudée par la sévérité européenne, la France a préféré retirer son plan et se donne deux petites semaines pour le réexaminer. Pourquoi ce fiasco ? Le plan remis par la France le 15 septembre fixait les allocations de quotas à 150,6 millions de tonnes par an. 141,6 millions pour les établissements déjà soumis au premier plan (une baisse de 5,9% par rapport au PNAQ1) et 9 millions de tonnes de CO2 par an pour les établissements intégrant la procédure. Stupeur dans le clan français ! Bruxelles décrète que la France doit proposer 132,8 millions de tonnes. La raison ? « Le plan français pour 2008-2012 ne présente pas de diminution par rapport au premier », dénonce Morgane Créach, du Réseau action climat. Car Bruxelles a soudain décidé fin novembre que les quotas proposés pour 2008-2012 devraient être inférieurs aux émissions mesurées en 2005. L'Allemagne, qui proposait des quotas limités à 482 millions de tonnes par an devra s'arranger pour descendre à 443,14 millions de tonnes. Seul le projet britannique n'a pas attiré les foudres bruxelloises. Le Royaume-Uni s'est vu accorder l'autorisation de rejeter 246,2 millions de tonnes de CO2 par an. Les industriels ont pourtant une justification toute trouvée pour demander une hausse des permis d'émettre : la croissance. Une donnée que les ONG les accusent d'avoir gonflé dans le PNAQ 2 pour s'accorder de la marge. La controverse a le mérite de mettre en valeur la rigidité des critères européens. Dans la liste, en effet, pas la moindre ajustement prévu en fonction de l'environnement économique ! L'Allemagne a noté la faille et vient d'assigner la Commission européenne en justice sur ce point. Que va-t-il se passer ? Si les ONG sont satisfaites, chez les industriels, le désarroi domine. « Le plan initial a été minutieusement construit, en six mois, en concertation avec les ONG, syndicats... », insiste Jean-Pierre Clamadieu, responsable du comité environnement au Medef. Difficile de mener le même travail en deux semaines ! De fait, l'heure n'est vraiment plus au bras de fer avec Bruxelles. « Les chiffres avancés par la Commission européenne demandent un effort très significatif par rapport à ce que nous avons proposé », confirme Nelly Olin, la ministre française de l'Ecologie et du Développement durable. Elle prévoit de consulter toutes les parties prenantes, « pour que cet effort soit compris par tous ». Compris, et non pas débattu. En clair, la France proposera un plan plus en accord avec les demandes européennes. Aux industriels de s'adapter. « Pour la concertation préalable, nous avions travaillé site par site », rappelle Jean-Pierre Clamadieu. En deux semaines, difficile de faire dans la dentelle. Il y a fort à parier que seul un taux global sera fixé, dans un premier temps. « Nous n'arriverons pas à atteindre les 132,8 millions de tonnes mais nous pouvons peut-être descendre à 137 millions de tonnes », espère-t-on dans les couloirs du ministère de l'Ecologie. Quelle marge de manoeuvre reste-t-il ? Aucune, répondent-ils à l'unanimité. « Nous avons été au bout de nos possibilités : nous ne pouvons pas faire marcher nos fours à 1500 °C à l'énergie solaire », déclare Laëtitia Varmet, responsable environnement du fabricant de tuile Koramic. Sur le premier plan d'allocation, la société n'a plus en réserve que quelques tonnes de crédit CO2. Et il lui en faudra davantage pour le PNAQ 2 car elle compte augmenter sa production de 25% l'année prochaine. « Depuis 1990, l'industrie française a déjà fait beaucoup d'efforts en diminuant ses émissions de 21,6%. Il faut éviter que la seule variable d'ajustement soit le niveau de production », s'indigne Jean-Pierre Clamadieu. Ce constat, Guy Tackels, le président du comité environnement des industries européennes du verre, l'a fait lui aussi. « Le premier plan a pénalisé les entreprises en croissance et financé celles en déclin », argumente-t-il. Lassés de porter les efforts, les industriels pointent du doigt le transport ou l'habitat, responsables respectivement de 25 % et 23 % des émissions de gaz à effet de serre. Justement, Thierry Breton a présenté le 4 décembre un « projet domestique CO2 ». Première européenne, ce projet permettra à ces secteurs, sur la base du volontariat, de rejoindre le système des échanges de CO2. Cette nouvelle mesure pourrait réduire encore les émissions de 6 à 8 millions de tonnes par an. De quoi, peut-être, adoucir Bruxelles.

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