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30/10/2006

Les usines charentaises cessent de fumer 30/10/2006



L’usine Lafarge à la Couronne est la seule à sortir vraiment des clous, « victime » du boom du bâtiment
photo Majid Bouzzit
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Les gaz à effet de serre menacent la planète. Entré en vigueur en 2005, le protocole de Kyoto s’est fixé comme objectif de faire diminuer le dioxyde de carbone, le fameux CO2, dont 30% émane, en Poitou-Charentes, de l’industrie. Les chefs d’entreprise avaient tordu le nez en apprenant qu’ils seraient désormais soumis à des quotas de pollution. Après un an d’expérience, ils respirent un peu mieux, et leurs voisins aussi, en tout cas en Charente. Compte tenu de son industrialisation, le département était le plus concerné de la région avec dix entreprises soumises à des quotas, sur 21 en Poitou-Charentes. Huit d’entre elles sont dans les clous (voir le tableau). En 2005, elles ont pollué moins qu’elles en avaient le droit. La palme revient à Rousselot, que les Angoumoisins ont longtemps eu dans le nez, à cause des mauvaises odeurs dégagées par la préparation des gélatines, et à Ahlstrom, la papeterie de Saint-Séverin (lire en encadré).

Lafarge victime de la reprise du bâtiment

En dehors de la station de compression de Gaz de France à Chazelles, dont le quota est très faible, seule la cimenterie Lafarge de la Couronne a largement dépassé son droit à polluer. Le problème, c’est qu’à elle seule, elle produit deux fois plus de CO2 que les neuf autres usines concernées. Mais à Poitiers, Arnaud Laguzet, l’ingénieur chargé du dossier, est magnanime. « Les quotas ont été calculés à partir des émissions mesurées entre 1996 et 2002, au moment où le bâtiment marchait moins bien qu’aujourd’hui, explique-t-il. Les entreprises qui travaillent dans ce secteur ont augmenté leur production depuis et donc forcément leur pollution ».

C’est aussi la défense de Paul Rousselot, le directeur de l’usine de la Couronne : « Les quotas sont basés sur une période où l’on construisait 300.000 logements par an en France. Aujourd’hui, c’est 400.000 », insiste-t-il. Les 60.000 tonnes de CO2 émis au-dessus des quotas aurait pu coûter cher à l’entreprise : jusqu’à 2,5 millions d’euros ! La loi prévoit en effet une amende de 40 euros la tonne, à moins que l’entreprise ne rachète auprès d’autres industriels des droits à polluer non utilisés. Des droits dont le prix sur le marché a fluctué entre 10 et 40€ la tonne en 2005. « Mais on n’a pas eu à en acheter. On a fait un échange avec d’autres usines du groupe », explique Paul Rousselot.

Des effets pervers

Tout en reconnaissant l’importance de lutter contre les gaz à effet de serre, il n’est pas totalement convaincu par ce système des quotas. D’abord parce que tous les pays, à commencer par les Etats-Unis, ne sont pas soumis à la même contrainte. « Cela produit des distorsions sur un marché concurrentiel ». Le représentant de Lafarge craint même des effets pervers : « Les industriels sont les seuls à y être soumis alors que les transports sont responsables d’une plus grande part des émissions. Or, si le prix de notre béton, qui produit 800kg de CO2 la tonne, n’est plus compétitif par rapport à celui qui est importé, avec un rapport de 930kg de CO2 la tonne à cause du transport, on aboutira à l’effet inverse à celui recherché ».

L’usine de la Couronne n’a pas attendu la mise en place des quotas pour s’attaquer à la pollution : « Depuis 1990, on a réduit nos émissions de 20%, assure le directeur. On a par exemple introduit un peu de "laitier", un déchet de sidérurgie qui produit moins de CO2, à la place du calcaire. On peut encore envisager plus de biomasse. Mais il y a forcément des limites ».

Or, dans deux ans, les industriels seront soumis à de nouveaux quotas. Actuellement en discussion à Bruxelles, ils seront sans doute plus drastiques, dans la majorité des cas. « Il faudra continuer à s’adapter, annonce Alain Boutroy, le patron de Terreal à Roumazières : comme tous les industriels, on se doit de rechercher sans cesse des solutions nouvelles ». Les quotas ne sont pas seuls à motiver sa réflexion. Dans les tuileries, le CO2 est émis par le gaz qui chauffe les fours : « Et le gaz va augmenter de 25% l’année prochaine. On a doublement intérêt à ce que les fours fonctionnent parfaitement ».

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