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06/09/2016

Les tuiles à l’ancienne résistent bien !

Dans un marché global de la tuile qui a souffert de la crise de la construction, celui des tuiles à l’ancienne est une niche mais qui reste stable.
Les fabricants se démènent pour innover régulièrement et élargir une offre déjà multiple.
Trouver la tuile parfaitement “raccord” pour restaurer le toit d’un monument prestigieux ou d’une bâtisse de caractère est de plus en plus facile : les formes, les coloris, les aspects et formats les plus divers sont proposés quasiment à la carte par les fabricants de tuiles.
Aux produits très haut de gamme, dits “Monuments historiques”, répondent des tuiles de gamme intermédiaire, financièrement plus accessibles, qui représentent aujourd’hui le gros des volumes produits. La terre cuite domine mais une tuile plate en béton se fait une place sur le marché, avec des atouts non négligeables.
Fabrication artisanale…
Les nombreuses tuileries artisanales, qui ont fonctionné à travers le pays, se sont réduites à une vingtaine aujourd’hui. Certaines se sont diversifiées dans la fabrication de produits en terre cuite (brique, carreau, accessoires) tandis que d’autres restent spécialisées dans la couverture et se sont orientées vers les produits traditionnels.
Utilisant de petits fours qui permettent une grande souplesse dans leur mode de production, elles fabriquent en quantités limitées, quasiment sur mesure, au gré des commandes.
… et industrielle
La production industrielle s’est développée de longue date, avec la tuilerie Aleonard, qui démarre une production semi-industrielle à Pontigny dès 1872 et invente la tuile “Monument historique”. Quatre fabricants de tuiles dominent : Aleonard (groupe Wienerberger), spécialiste de la restauration du patrimoine et des Monuments historiques, Imerys, Terreal et Monier.
Tous ont implanté leurs usines près de gisements d’argile. Ils s’efforcent d’innover continuellement dans les process pour obtenir des produits (accessoires compris) au rendu le plus proche de la tuile ancienne, dont les multiples nuances de coloris, la forme, le format, l’épaisseur et les marques d’usure varient quasiment d’un canton à l’autre.
Un marché dynamique
La recherche débouche régulièrement sur de nouveaux effets (émaillages, satinages, etc.). Par ailleurs, des offres de services sont développées : ainsi, pour faciliter le gironnage (couverture à liaisons convergentes, pour une tourelle par exemple), les tuiles sont prédécoupées en atelier, suivant un plan traité par logiciel.
Distribuées via les négoces spécialisés ou généralistes, les tuiles à l’ancienne industrielles sont disponibles aisément. Une petite partie est exportée dans des pays voisins (Belgique, Grande Bretagne…) et parfois même plus loin, pour des constructions dans l’esprit de l’ancien. De même, en France, dans certaines zones très protégées (Luberon, Île de Ré...), la tuile à l’ancienne habille la construction neuve.
Restaurer dans le respect de l’identité patrimoniale
1. Pourquoi choisir la tuile à l’ancienne ?
Les obligations réglementaires. Dans les zones protégées, l’environnement réglementaire impose généralement l’usage de tuiles spécifiques, par la voie des Architectes des bâtiments de France, de la DDE ou des communes (PLU).
L’esthétique et la qualité. Outre l’intérêt d’un rendu esthétique incomparable, la tuile à l’ancienne est garantie 30 ans (étanchéité et gel). Elle est étudiée pour simplifier la mise en œuvre et assurer un ouvrage pérenne (palettes déjà panachées, systèmes de pose, accessoires spécifiques, conditionnement en mini-paquets…).
2. Pour quel budget ?
Une tuile Monument historique vaut 75-85 €/m2, et une tuile à l’ancienne intermédiaire, moins épaisse, environ 60-65 €/m2, contre 50-55 €/m2 pour une tuile plate classique (prix moyens fourni-posé). La tuile entre pour moins de 25% dans le coût d’une rénovation de toiture (le gros du budget passe dans la phase préparatoire à la couverture, puis dans la pose). Un surcoût de 10% pour une tuile à l’ancienne n’impactera que de 2-3% la facture finale, ce qui est peu au regard de la qualité du rendu (la tuile béton est environ 15% moins cher que l’équivalent en terre cuite en prix fourni).
L’AVIS D’UN REPRESENTANT DES FABRICANTS

Bernard Caron, directeur marketing couverture chez Terreal, anime le groupe de travail marketing tuiles, à la FFTB (Fédération française des tuiles et briques).
« Au cœur du marché, le petit patrimoine rural »
Quel est le marché des tuiles à l’ancienne ?
En l’absence de statistiques précises, nous ne pouvons que l’évaluer. Le marché se concentre sur les tuiles plates et les tuiles canal. Et, pour une très petite part, sur quelques tuiles mécaniques qui ont un siècle d’existence, comme la tuile de Marseille, la tuile losangée ou la petite tuile à côtes.
Ces modèles commencent à être recherchés pour la restauration, mais pour le moment, on utilise surtout de la tuile de récupération. En termes de surfaces réalisées, la Canal représente autour de 8% du marché global et la Plate environ 9%.
Ces deux types sont destinés à 80% à la rénovation, contre 65% pour la tuile en général. Selon mon estimation, la tuile à l’ancienne compte pour 20% des segments canal et tuile plate, soit 3 à 4% de la totalité des tuiles vendues en France.
Comment les acteurs se partagent-ils ce marché ?
Les adhérents de la FFTB, dont les 4 principaux producteurs, sont tous présents sur ce segment. Les petits tuiliers indépendants, qui représentent un peu moins de 5% du marché de la tuile plate et canal, sont clairement orientés vers la tuile à l’ancienne. »
Quelles sont les évolutions ?
« Les industriels ont tous évolué dans le même sens, d’abord avec des tuiles Monuments historiques (MH) haut de gamme. Puis ils se sont orientés vers des produits intermédiaires, très proches de la MH, mais moins épais.
Cette stratégie répond d’une part aux contraintes budgétaires des maîtres d’ouvrage, et d’autre part à la forte évolution des produits ces 10 dernières années. Alors que la MH se distinguait surtout par sa grande épaisseur et son pureau brouillé (positionnant les tuiles à hauteur variable), les innovations de ces derniers temps ont porté sur l’aspect de la “peau”, de plus en plus déstructurée, et du “nez”, avec l’apparition d’aspérités et “d’accidents” aléatoires.
Les coloris sont aussi très travaillés pour coller aux micro-marchés, et nuancés en palette. Les maîtres d’ouvrages veulent rénover dans la qualité et le respect du patrimoine traditionnel. Dans un marché de la tuile qui a quasiment baissé de moitié en 10 ans, la rénovation résiste bien, avec au cœur du marché le petit patrimoine rural, et une commande publique que j’estime en gros à 20% des chantiers. La tuile à l’ancienne est un axe extrêmement important pour les fabricants. »
Ce que dit la réglementation

Si le chantier se situe dans le “champ de visibilité” d’un monument classé ou d’un Monument historique (périmètre de 500 m), ou dans une “zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager”, l’autorisation d’un Architecte des Bâtiments de France est indispensable.
Le CAUE, Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (créé dans le cadre de la loi sur l’architecture de 1977 pour promouvoir la qualité architecturale, urbaine et paysagère) a pour mission d’accompagner les acteurs dans leur projet.
Règles de mise en œuvre des produits
Chaque famille de tuile a son DTU.
Pour la terre cuite :

  • DTU 40.21 : tuiles à emboîtement ou à glissement à relief (NF P 31-202-1) ;
  • DTU 40.211 : tuiles à emboîtement à pureau plat (NF P 31-203-1) ;
  • DTU 40.23 : tuiles plates (F P 31-204-1) ;
  • DTU 40.22 : tuiles canal (F P 31-201-1).

Pour la tuile plate béton :

  • DTU 40.25 (F P 31-206)

La norme produits
Tuiles et accessoires en terre cuite sont définis par la NF EN 1304 d’août 2013. Les tuiles à l’ancienne respectent cette norme, tandis que les tuiles béton sont marquées NF EN 490.
Rappel : la norme NF est un document de référence ; c’est une auto-déclaration sous la seule responsabilité du fabricant. Alors que le marquage CE est réglementaire et obligatoire (conformité du produit à un référentiel).
Loi sur la transition énergétique : quel impact ?
Au 1er janvier prochain, l’isolation devient obligatoire si plus de 50% hors ouverture de la toiture sont rénovés (au même titre que les façades). En renchérissant le coût de la rénovation, cette disposition réglementaire risque d’impacter le marché de la tuile, et notamment celui de la tuile à l’ancienne.
Les bâtiments à forte pente, aux combles souvent occupés, sont particulièrement concernés pour des raisons de coût, car ils sont le plus souvent isolés par sarking (isolation par l’extérieur) pour éviter la destruction des aménagements intérieurs.
Cependant, des dérogations sont prévues en fonction de la faisabilité technique et économique de cette isolation (travaux incompatibles avec l’aspect de la construction dans les secteurs sauvegardés, ou si le temps de retour sur investissement du surcoût lié à l’isolation est supérieur à dix ans, par exemple).
La fin des tuiles de récup
La restauration fait encore appel à la récupération de vieilles tuiles, mais le gisement commence à se raréfier en France (une petite partie est importée d’Espagne et d’Italie, pour les chantiers du Sud). Ces tuiles ont pris une valeur marchande importante et présentent l’inconvénient de ne pas être garanties, car même un tri minutieux ne peut assurer leur longévité ni leur comportement face aux intempéries et au gel.
Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson / ©photo d'ouverture : Imerys

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